REINVENTER L’EGALITE REELLE POUR UN AVENIR SOLIDAIRE ET DURABLE EN OUTRE-MER

Thème : Outre-mer


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REINVENTER L’EGALITE REELLE POUR UN AVENIR SOLIDAIRE ET DURABLE EN OUTRE-MER

 

À l’heure où la défiance politique s’enracine, où nos nos droits sociaux et nos services publics sont menacés et où s’ouvre à nouveau un débat nécessaire sur la place des Outre-mer au sein de la République, nous devons collectivement réinventer l’action publique dans les Outre-mer. 

Dans ce contexte marqué par des fractures sociales et territoriales creusées par des politiques injustes, le rôle de la Gauche et du Parti socialiste est d’abord de s’opposer à un Gouvernement vertical, libéral et brutal mais également de faire vivre la promesse républicaine d'égalité réelle, base de la cohésion sociale et de la solidarité nationale. Cette promesse doit se traduire par une action forte et adaptée pour garantir à tous les citoyens, quels que soient leur condition de naissance ou de résidence, les mêmes droits, les mêmes chances et les mêmes opportunités. 

C’est en ce sens que la loi pour l’égalité réelle en Outre-mer de 2017 portée par Ericka Bareigts et Victorin Lurel avait pour ambition de mettre en place, sur une période de 20 ans, une action concertée permettant aux territoires ultramarins de définir, en toute liberté et en concertation avec l’État, leur modèle de développement social, économique et culturel. Cette démarche, valorisant les atouts, les identités et les spécificités de chaque territoire, est essentielle pour la réussite durable de l’action publique dans les Outre-mer. 

Les gouvernements successifs depuis 2017 ont délibérément choisi d’annihiler cette loi qui redéfinissait un nouveau projet de développement avec les Outre-mer, amplifiant par là même les difficultés structurelles et les crises qui frappent ces territoires. Aujourd’hui notre défi est de redonner une vision claire et ambitieuse pour les Outre-mer. 

 

Un retour au dialogue et la confiance

En 2024, le Président de la République et son Gouvernement ont, par leur entêtement et une verticalité assumée, ravivé les braises d’un foyer qui paraissait éteint et plongé dans l’impasse le processus d’autodétermination de la Nouvelle- Calédonie. Leur tentative de passer en force le report des élections et le dégel du corps électoral en Nouvelle-Calédonie, a délibérément et dangereusement plongé l’archipel dans le chaos : émeutes, effondrement économique, crise sociale... Face à cela, fidèles à notre expérience des accords d’Oudinot-Matignon et de Nouméa, nous avons prôné une réponse globale à la situation et une reprise du dialogue entre toutes les parties prenantes. Il fallait laisser du temps au temps et permettre aux populations calédoniennes de choisir librement leur avenir. Dans ce marasme, l’État devait reprendre sa qualité de facilitateur du dialogue et de modérateur impartial. Le Gouvernement a fini par entendre raison et a repris notre proposition de loi sur le sujet. Il est essentiel que nous, socialistes continuions à porter cette vision de manière résolue et cohérente. 

 

Une régulation économique plus forte, une transparence accrue et une concurrence plus grande

La loi contre la vie chère Outre-mer portée par Victorin Lurel en 2012, a engagé la lutte résolue contre les mécanismes opaques de formation des prix,  une régulation accrue des acteurs et une plus grande transparence dans les relations commerciales. Ainsi, des dispositifs tels que l’interdiction des accords d’exclusivité, l’invention des injonctions structurelles, le renforcement des pouvoirs de l’Autorité de la concurrence, la création du « bouclier qualité prix » et les observatoires des prix et des revenus ont constitué un premier pas vers un système plus transparent, moins étouffant et plus équitable. 

Treize ans après, une actualisation s’imposait : c’était notamment l’objet de la proposition de loi de Victorin Lurel, adoptée le 5 mars 2025 au Sénat en première lecture. Elle vise en effet à renforcer la transparence des prix et des marges, mieux contrôler et réguler les acteurs, véritablement sanctionner  les abus de position dominante, lutter contre les tromperies et les contournements du droit pour, in fine, permettre aux peuples des Outre-mer de consommer au juste prix.

De plus, alors que les gouvernements d’Emmanuel Macron ont oublié les Outre-mer lors du lancement de l’encadrement des loyers à l’échelle nationale, les sénateurs socialistes ont déposé et fait adopter la proposition de loi d’Audrey Bélim visant à étendre l’encadrement des loyers dans les Outre-mer.

En replaçant la lutte contre la vie chère dans les Outre-mer au coeur de son action, notre Parti s’illustrerait en acteur du changement et répondrait aux attentes des citoyens ultramarins, en particulier les plus fragiles. Restaurer la crédibilité du Parti socialiste en le positionnant comme défenseur de la salubrité économique, contre les pratiques monopolistiques et l'injustice sociale, tel doit être notre objectif.

 

Sécurité : pour un choc régalien 

Insécurité, délinquance, violences intrafamiliales, prostitution et trafics en tous genre : les Outre-mer sont confrontés à de graves problématiques sécuritaires. En mai 2024, la commission d'enquête du Sénat sur l'impact du narcotrafic en France, présidée par Jérôme Durain, a dénoncé l’échec de l’intervention de l'État et l'« abandon » des territoires ultramarins, désormais submergés par le narcotrafic, avec une forte hausse des homicides volontaires et une criminalité de plus en plus violente, alimentée par des armes de guerre. L'implantation d'un système mafieux dans les Antilles, le développement dans de nouveaux territoires comme La Réunion, l’insuffisance des moyens humains et techniques pour les forces de l'ordre, ainsi que l’embolie des services judiciaires et douaniers, ont également été pointés du doigt. Le rapport de cette commission d’enquête propose des mesures concrètes telles que l'extension des contrôles à 100 % en Guyane et aux Antilles, et le renforcement des contrôles routiers et maritimes.

Lors de leur déplacement en 2024 aux Antilles, à La Réunion et à Mayotte, les sénateurs socialistes ont constaté ces réalités et proposé des mesures complémentaires : déployer rapidement les moyens de la LOPMI, créer de nouvelles unités de forces mobiles, renforcer la compagnie d’intervention en Guadeloupe, réviser la doctrine du maintien de l'ordre avec des contrats locaux de sécurité, et prioriser le démantèlement des réseaux criminels. Ils recommandent également de renforcer le renseignement territorial et d’investir dans des équipements tels que des moyens nautiques, des scanners, des radars des drones de surveillance ou un patrouilleur des douanes à La Réunion qui n’en dispose pas.

 

L’urgence d’une réponse aux crises et de l’adaptation aux réalités locales

Les Outre-mer sont frappés par des crises sociales, économiques, climatiques et sanitaires. L’État échoue trop souvent à fournir des réponses à la hauteur des enjeux manquant de vision, de cohérence et surtout d’adaptabilité aux spécificités de ces territoires. La tragédie du cyclone Chido à Mayotte, avec ses pertes humaines dramatiques, illustre cruellement cette incapacité de l’État révélant des failles dans la gestion de crise. Sans compter des blocages inexpliqués dans l’acheminement de l’aide humanitaire pourtant nécessaire à la population mahoraise.

Dans ce contexte, nous devons porter une vision forte en matière de prévention, de gestion de crise et d’adaptation aux catastrophes climatiques. Les politiques doivent être adaptées à chaque territoire, en tenant compte de leur vulnérabilité spécifique. Les citoyens doivent pouvoir compter sur l’État pour assurer leur sécurité, garantir une reconstruction efficace et renforcer la résilience de leurs territoires face aux aléas climatiques. Des stratégies de prévention robustes et adaptées sont essentielles pour répondre aux besoins spécifiques des territoires ultramarins.

 

Actions prioritaires à mettre en œuvre pour les Outre-mer :

  1. Lutter contre la vie chère : Renforcer les outils de régulation pour lutter contre les pratiques monopolistiques et anticoncurrentielles, assainir les relations commerciales par une meilleure concurrence, améliorer la transparence des marges et garantir des prix justes : la question de la vie chère doit être une priorité politique car cela concoure à l’égalité.
  2. Adapter les normes et les politiques publiques : Les normes devraient être adaptées aux spécificités géographiques, climatiques, économiques ou culturelles des Outre-mer. Par exemple, les normes de construction ne peuvent être les mêmes en Creuse ou à La Réunion. Il est urgent d’autoriser les Outre-mer à concevoir leurs propres normes de construction, adaptées à leurs climats et agréées par le préfet pour garantir la sécurité. C’est le sens de la proposition de loi d’Audrey Bélim qui a été adoptée le 5 mars dernier au Sénat en première lecture.Ainsi, l’architecture bioclimatique permettra de disposer de bâtiments adaptés au climat tropical et aux températures élevées tandis que l’utilisation de matériaux locaux évitera d’importer des matériaux de l’Hexagone et donc permettra de réduire le coût des constructions. Cette adaptation des normes aux spécificités locales doit également concerner l’agriculture, la formation professionnelle, l’énergie ou l’urbanisme.
  3. Garantir l’accès aux services publics et aux droits: Il est crucial de garantir un accès équitable aux services essentiels (santé, éducation, logement), pour réduire les inégalités sociales. Cela implique un meilleur financement du système de soins outre-mer, d’anticiper le choc démographique à venir, de protéger notre modèle social mais aussi d’achever l’égalité réelle en matière de droits sociaux et familiaux, de refaire de l’éducation une priorité et de refonder une politique du logement adaptée aux réalités locales. Il faut également lutter avec force contre les violences intrafamiliales (VIF) qui sont un fléau dans nombre de nos territoires, de la Nouvelle-Calédonie à La Réunion : protection des victimes, prévention des citoyens, formation des agents publics, répression des auteurs de crimes et délits doivent constituer les piliers d’une lutte résolue contre les VIF. 
  4. Consacrer l’égalité républicaine et lancer un plan Marshall pour Mayotte : Il est urgent de mettre en place, de façon concertée et planifiée, la convergence effective des dispositifs nationaux à Mayotte. La loi Égalité Réelle Outre-mer de 2017 a permis des avancées et d’en finir avec des disparités de montants ou de conditions d’accès à des prestations sociales mais il faut parachever ce combat pour l’égalité entre le 101ème département et le reste du pays.
  5. Renforcer les moyens matériels et humains des forces de sécurité, les contrôles aux frontières, la coopération judiciaire et coconstruire avec les collectivités un plan de lutte contre les violences, les incivilités et la lutte contre les trafics 
  6. Redonner une vision politique aux contrats de convergence: Ces contrats doivent être renforcés, financièrement mieux dotés et adaptés aux spécificités de chaque territoire, pour créer des stratégies partagées avec les acteurs locaux et favoriser l’attractivité et le développement des territoires ultramarins.
  7. Soutenir le développement économique et la production locale : Nous devons encourager la production locale, notamment par des dispositifs budgétaires et fiscaux, par une relance de l’expérimentation de la stratégie du bon achat (SBA), prévue par la loi égalité réelle Outre-mer et par le développement, dans une logique d’économie circulaire, des filières locales de réemploi et recyclage. Il faut développer des filières locales de traitement de déchets : par exemple, le développement de l’utilisation des voitures électriques nécessite un traitement local des déchets de batteries, évitant ainsi leur exportation coûteuse à plus de 10 000km. Il faut également soutenir l’innovation en Outre-mer en accompagnant et finançant les start-ups ultramarines pour éviter à des pépites manquant de fonds de se développer ailleurs ou pire de cesser leurs activités.
  8. Construire des politiques de cohésion sociale et éducative ambitieuses: L’inclusion et la solidarité doivent être au cœur de notre action pour lutter contre la précarité et favoriser l’insertion des jeunes. Sans opportunité, les jeunes quittent le territoire et s’établissent ailleurs. Il nous faut donc augmenter les moyens dédiés à l’Éducation nationale, aux missions locales, à l’apprentissage et la formation professionnelle dans les Outre-mer. Il nous faut également tenir compte des spécificités locales, comme la langue créole ou le climat, qui nécessite par exemple une adaptation du calendrier scolaire à La Réunion. 
  9. Renforcer la coopération régionale et l’ancrage dans les bassins océaniques en matière économique, culturelle, sociale, touristique. Les opportunités sont nombreuses. L’État doit accompagner les aspirations des collectivités.
  10. Protéger la biodiversité et accélérer la transition et l’autonomie énergétique : favoriser le développement d’un mix de solutions (panneaux solaires, chauffe-eau solaires, sobriété énergétique, SWAC, géothermie, éolien offshore...), adapté à chaque territoire ultramarin, aider les collectivités à anticiper et prévenir les risques majeurs, agir en faveur de la valorisation des déchets...
  11. Anticiper et adapter les territoires au changement climatique et résoudre les graves difficultés dans l’accès à l’eauque connaissent certains territoires comme la Guadeloupe et Mayotte.
  12. Définir l’objectif de tendre vers la souveraineté alimentaire pour chacun des territoires.La crise de la Covid-19 ou le dérèglement des chaînes logistiques ont montré les dangers d’une excessive dépendance des Outre-mer aux aliments importés. Il s’agit dès lors de conforter les filières existantes et essentielles que sont la canne ou la banane tout en développant les filières complémentaires destinées à répondre aux besoins du marché intérieur. Pour garantir le développement des filières agricoles dans les Outre-mer, qui soutiendra l’activité économique et diminuera l’empreinte carbone liée à l’importation, il est essentiel d’assurer des clauses miroir dans les accords commerciaux, de soutenir la structuration des filières et de lutter contre tout dispositif national qui exclut les Outre-mer comme ce fut trop souvent le cas durant le quinquennat Macron.
  13. Consacrer l’existence d’un ministère des Outre-mer de plein exercice et renforcer l’évaluation des politiques publiques: En s’inspirant des préconisations du "Manifeste pour les Outre-mer" de l’UNCCAS, il faut mettre en place une évaluation rigoureuse et transparente des politiques publiques menées dans les Outre-mer, afin d’adapter les actions de l’État aux réalités locales. En ce sens, une proposition de loi du groupe socialiste écologiste et républicain du Sénat, a été déposée par Patrick Kanner en 2020, visant à recréer une agence d’évaluation des politiques publiques dans les Outre-mer après la suppression inopportune de la CNEPEOM par Edouard Philippe

 


Contributeur.ices :

Patrick Kanner - Sénateur du Nord,
Audrey Bélim - Sénatrice de la Réunion,
Victorin Lurel - Sénateur de Guadeloupe


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