Réinventer le socialisme territorial : un impératif pour changer la vie et pour les échéances à venir !


Thème : Socialisme territorial


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Nous socialistes ne devons avoir qu’un seul objectif, celui de changer la vie

Pour cela, Vème République oblige, accéder à la Présidence de la République est un impératif. L’histoire nous a montré que le salut de la gauche à cette élection a un présupposé ; une large victoire aux élections locales qui la précèdent. Pour obtenir la victoire en  1981 il a fallu à la gauche triompher aux élections municipales de 1977 et aux élections départementales de 1979. Pour obtenir la victoire de 2012, il a fallu à la gauche triompher aux élections municipales de 2008, aux élections régionales de 2010 et aux élections départementales de 2008 et de  2011. 

Pleinement investir les territoires via le socialisme local est fondamental pour changer la vie. C’est par la transformation de nos communes, intercommunalités, de nos départements et de nos régions que nous pouvons agir immédiatement en faveur des plus démuni·es. L’échelon local est le meilleur outil dont nous disposons à ce jour pour changer la vie. 

Malmené lors des dernières élections départementales et municipales malgré les victoires insuffisantes en nombre de camarades, le PS doit aujourd’hui refonder sa doctrine du socialisme local. Les élections de 2026 seront des élections politisées contrairement à celles de 2020, nous devons être à l’avant garde de cette repolitisation en affirmant ouvertement notre ligne politique : le socialisme territorial et donc municipal. Nous, socialistes, ne devons pas avoir peur d’affirmer notre identité. Nos élu·es ne sont pas ”sans étiquette” ou “divers gauche”, ils et elles sont socialistes. Nous devons affirmer nos combats comme marqueurs premiers de notre identité face à la dépolitisation des élections locales et à son corollaire : la montée de l’extrême droite. 

Le socialisme municipal ne doit pas être une fin en soit, nous devons en faire un échelon d’un socialisme intégral ; le socialisme territorial. Le socialisme territorial ne doit pas se cantonner aux centres-villes mais doit être avant tout au service de celles et ceux laissés en périphérie de la République. Le socialisme territorial est celui des villages, des villes, des centres-villes, des quartiers, des sous-préfectures, des chefs-lieux et évidemment des départements et des régions. Il doit être utile à la population.

 

1) DES COMBATS À MENER LOCALEMENT… 

Face aux crises causées par le système capitaliste, avec lequel nous devons impérativement rompre, les collectivités territoriales sont des actrices fondamentalement politiques permettant une action publique socialiste.

Notre action territoriale se doit d'avoir pour priorité la lutte pour l’égalité.

A) Le socialisme territorial se veut social

Il doit être un acteur fort de redistribution des richesses, que ce soit par l’investissement dans des services publics ou par le versement d’allocations à celles et ceux qui en ont besoin. Le socialisme territorial se veut social et doit être le fer de lance dans la lutte contre le sans-abrisme et contre le mal logement. Cela passe nécessairement par la construction massive de logements pour la population, qu’ils soient sociaux, d’urgence ou non. La construction massive de logements publics doit avoir une visée universelle et s’adresser à toutes et tous moyennant un loyer à la hauteur des moyens des foyers tout en maintenant une mixité sociale en leur sein. Pour ce qui relève des logements privés, nos collectivités doivent être équipées en droit pour encadrer les loyers et imposer des clauses empêchant la spéculation. L’accès aux soins par le salariat de professionnel·les de santé est un des combats que doit porter le socialisme territorial, il doit œuvrer en faveur de l'hygiène et de la santé publique par la mise à disposition de douches et bains publics et d’infrastructures sportives. La réduction du temps de travail, l’amélioration des conditions de travail, la lutte contre les délocalisations et l’ubérisation doivent être des combats menés par les socialistes. Le socialisme territorial doit garantir le droit à l’emploi digne en premier lieu aux agent·es des collectivités avant de le généraliser. 

Le socialisme territorial doit être le garant d’un accès universel à l’éducation et à la culture. Contre l’obscurantisme quel qu’il soit, l’école et la culture en sont le meilleur remède. Que ce soit par de nombreuses visites organisées permettant cet accès ou par le financement de personnel·les et d’espaces dédiés, nos collectivités doivent pleinement jouer leur rôle tant pour les adultes que les enfants. Chaque enfant à la sortie du collège doit avoir vu une exposition, un musée, une pièce de théâtre ou visité son patrimoine local. L’école est aussi un lieu dans lequel doit vivre la démocratie et dans lequel sont formés les citoyen·nes de demain. Dans l’enceinte des bâtiments scolaires, les enfants doivent apprendre les gestes de premier secours, passer le code de la route, se comporter en société, apprendre l’histoire et les valeurs de la République mais aussi avoir une activité physique régulière et adaptée, manger correctement de manière saine et équilibrée, y compris au petit déjeuner s’ils ne le peuvent pas à la maison. L’école est le fer de lance de notre bataille pour l’égalité. 

B) Le socialisme territorial se veut sociétal

Il doit protéger la moitié de la population (les femmes) et les minorités (religieuses, d’origine, de genre, etc). Il se doit de prendre en compte les dynamiques d'oppressions causées par la structure d’accumulation capitaliste et empêcher qu’elles se reproduisent. L’espace public est la parfaite traduction des rapports de force et des dynamiques d’oppressions qu’ils soient entre genres ou entre classes (1). C’est pourquoi le socialisme territorial se veut émancipateur et démocratique, notamment pour les espaces publics, le bien commun de toutes et tous et surtout de celles et ceux qui n’en ont pas. Il faut assurer la parité dans les noms de rues et d'édifices publics, interdire les affiches et publicités sexistes, permettre l'accueil de tous et toutes par un mobilier urbain adapté et également assurer une répartition égale de la surface utilisée par les filles et garçons dans les cours d’écoles. 

Il ne faut pas aménager pour, il faut aménager avec (2). La consultation citoyenne est essentielle à des projets d’urbanisme réussis. Chaque quartier d’une commune doit être doté d’une commission d’urbanisme citoyenne dont la composition doit être paritaire et sollicitée obligatoirement à chaque projet d’urbanisme impliquant le quartier. Ces commissions citoyennes de quartier doivent se retrouver dans une commission communale citoyenne qui doit être obligatoirement consultée pour les projets d’envergure.

C) Un socialisme territorial mais surtout un socialisme planifié et territorialisé. 

À chaque territoire ses spécificités. Il ne s’agit pas ici d’apporter des solutions toutes faites par des agences dépolitisées ou par des directives ministérielles. Loin de l’idée de promouvoir le fédéralisme, l’État doit continuer de jouer son rôle, mais doit le faire de concert avec les collectivités.

Nos collectivités vont devoir faire face au défi du tout numérique et doivent se préparer. Pour autant, le numérique ne doit jamais remplacer la présence humaine. Les collectivités sont déjà asphyxiées par les taxes GAFAM et il est nécessaire pour l’État d’investir dans le développement d’outils et de stockage de données souverains et donc alternatifs à ceux proposés par les géants de la tech. L’investissement de nos collectivités ne doit pas reposer sur des prêts de compagnies bancaires privées, l’État doit jouer son rôle de prêteur mais aussi d’assureur notamment du fait de l’augmentation du risque climatique et d’autres événements récents (3). En effet un rapport de la Chambre Régionale des Comptes BFC (4) a montré les difficultés que rencontrent les collectivités à s’assurer, à des tarifs décents. L’assurabilité des collectivités et de leurs actions est nécessaire pour la bonne continuité des services publics dont elles ont la charge. Nos collectivités sont le premier rempart dans la lutte contre le changement climatique. D’où la nécessité d’instaurer un service public de l’eau grâce à des régies à l’échelle des EPCI.

 

2) … NÉCESSITANT DES ADAPTATIONS ET CHANGEMENT STRUCTURAUX 

A) Des réformes territoriales politiques

Toutes nos ambitions en matière de socialisme territorial doivent se traduire par des changements législatifs qui doivent être portés par nos parlementaires. Nous devons proposer un nouvel acte de décentralisation, fondamentalement politique – et pas seulement technique.

Le fonctionnement des intercommunalités est une des raisons de la dépolitisation des élections municipales. Son exécutif, élu par des élu·es communautaires et non les citoyens eux-mêmes. Nos sénateurs et sénatrices se sont déjà engagé·es dans le combat pour l’élection directe des exécutifs des EPCI (5). En effet le “supra-communautaire” contribue à créer le narratif “ni de droite, ni de gauche”, pour cela nous proposons d’ouvrir toutes les commissions intercommunales à l’opposition. 

Le socialisme territorial nécessite plus de moyens pour nos collectivités et leurs groupements car leur financement ne doit plus dépendre du bon vouloir d’un gouvernement ou du législateur lors de l’élaboration de la Loi de Finance. Nos collectivités doivent pouvoir elles-mêmes lever l’impôt et être dotées de leviers fiscaux locaux, ce qui permettra aussi de rapprocher les citoyens des collectivités. Des fractions de TVA ici et là ne sont pas suffisantes et ne l’ont jamais été.  

Cet acte de décentralisation doit aussi permettre de clarifier les compétences de chacune des collectivités, de les stabiliser, mais surtout de permettre à nos collectivités de prendre en charge des services publics et surtout des activités économiques. L’État doit avoir confiance en ses collectivités, nous socialistes, devons être à l’origine d’une extension des pouvoirs d’expérimentations des collectivités, elles sont le mieux placé pour expérimenter des choses, venir en aide à leurs habitants. 

Si le socialisme territorial doit favoriser la pratique des régies, tout n’est pas faisable sous ce format et à défaut d’une production nationale ou européenne de certaines fournitures ou de certains services,  la commande publique est un levier moderne, utile et adapté. Toutefois, certaines adaptations sont nécessaires. La préférence locale, dans un périmètre évitant évidemment la corruption, doit être un critère que les collectivités peuvent invoquer que ce soit pour des considérations économiques ou écologiques. À terme, en régie, c’est l’État qui doit être autosuffisant pour fournir tant à l’administration centrale, qu’aux collectivités, ce dont elles ont besoin pour fonctionner plutôt que d’engraisser les entreprises et centrales d’achats privées, faisant leur beurre sur le dos des collectivités et donc des citoyens. 

Tout ceci ne serait que vent sans une refonte et une amélioration du statut des agents de la fonction publique territoriale, eux qui sont bien souvent le premier point de contact avec les habitants. Au-delà des évidentes revalorisation de la rémunération et des carrières, nos agents territoriaux doivent pouvoir bénéficier de meilleurs organismes de formation, sans que les collectivités aient à l’externaliser. Le CNFPT a besoin d’une modernisation tant sur son fonctionnement que sur l’aspect formation. Pendant un court laps de temps a existé l’ENAM (École Nationale d’Administration Municipale), c’est une piste à ré-explorer. Nous devons à nos agent·es un investissement dans leur formation.

Les élu·es doivent pouvoir bénéficier d’un vrai statut. Les plafonds d’indemnités des élu·es, notamment des petites collectivités, doivent être augmentés, certains frais de transports, de représentations, de gardes d’enfants, d’assistance aux personnes âgées ou handicapées doivent être pris en charge intégralement. La formation des élu·es doit être plus accessible, rendues obligatoires sur certains sujets (budget, déontologie, discrimination, racisme, handicape…) et être permises par l’employeur, sans réduction de salaire pour l’élu·e.  Être jeune, être une femme est aujourd’hui une barrière et une contrainte dans conciliation de mandats électifs avec la vie personnelle. Les élu·es s’ils et elles sont étudiant·es doivent pouvoir bénéficier d’un régime et d’aménagements spécifiques. Les élu·es dont leur mandat est à temps complet doivent pouvoir bénéficier d’un congé maternité/paternité/adoption sans réduction des indemnités, pour leur permettre de vivre et de pouvoir reprendre sereinement leur mandat après cette période.

B) Des réformes intra partisanes 

Eu égard aux changements que nous proposons, nous socialistes devons être à la hauteur et ces changements doivent se traduire dans la grande et vieille maison commune. 

Si nos agent·es doivent pouvoir bénéficier de meilleures formations, il doit en être ainsi pour nos élu·es. Si la FNESR a perdu de sa grandeur, rien n’est irréversible et elle doit constituer le fer de lance de la formation de nos élu·es et de nos futur·es élu·es. Celles et ceux-ci doivent pouvoir aborder leurs mandats sereinement, d’abord en offrant une formation avant la prise de fonction et une formation continue en fonction des mandats exercés. Nos élu·es doivent être obligatoirement formé·es sur un certain nombre de sujets, dont comment faire face aux discriminations et comment réagir, des questions de budget, de bifurcation écologique, déontologie… 

Le socialisme territorial est une doctrine que nous devons encore davantage enrichir et cela grâce aux apports des militant·es, des élu·es locaux, acteur·rices locaux·ales et du milieu universitaire. 

C’est pourquoi nous proposons la création d’une convention nationale sur nos collectivités territoriales et sur le socialisme territorial. Ce travail devra aboutir à un projet commun et une doctrine commune pour aborder sereinement les échéances à venir. 

Nos collectivités sont le dernier rempart et le meilleur outil de lutte dont nous disposons contre le fascisme et le néo-libéralisme. L’espoir vient de nos collectivités, elles sont le salut des socialistes et celui de la République. Préparons nous à ces échéances, dotons nous de programmes nationaux pour chaque élection, travaillons pour une doctrine du socialisme territorial. 

S’il est impossible en 15 000 caractères d’être exhaustif, cette contribution se veut être la première pierre de ces travaux.

 

(1) Cardelli, R. ·2021. Introduction : espace public et inégalités de genre. Dynamiques régionales, 12·3, 5-11. https://shs.cairn.info/revue-dynamiques-regionales-2021-3-page-5?lang=fr.
(2) Tummers, L. ·2015. Stéréotypes de genre dans la pratique de l’urbanisme. Travail, genre et sociétés, 33·1, 67-83. https://doi.org/10.3917/tgs.033.0067.
(3) https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/le-decryptage-eco/emeutes-apres-la-mort-de-nahel-des-villes-lachees-par-leurs-assurances-attendent-une-aide-de-l-etat_6116097.html
(4) https://ccomptes.fr/sites/default/files/2024-12/BFR2024-41.pdf
(5) https://www.senat.fr/leg/exposes-des-motifs/ppl21-119-expose.html


Contributeurs : Bichebois-Delhief Louis (89), Harremoes Estelle (90), Alexane Riou (75), Mani Cambefort (89), Rémi Boussemart (59), Camille Castant (75), Bruno Péran (31), Chloé Ridel (30), Carla Sardellitti (75), Stéphane Ravacley (25), Manon Morel (42), Rémi Cardon (80), Valérie Lieppe de Cayeux (44), Arthur Delaporte (14), Victor Le Monier (21), Sébastien Vincini (31), Clairanne Dufour (59), Félix Bodoulé Sosso (80), Thomas Mallard (44), Clément Deixonne (44), Hervé Groult (25), Yannick Trigance (93), Simon Blin (41), Thierry Falconnet (21), Nicolas Soret (89), Hippolythe Mispelaere (54)


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