REMETTRE LE SERVICE PUBLIC AU CENTRE DE L'ENSEIGNEMENT-FORMATION-RECHERCHE ET DEVELOPPEMENT AGRICOLES. (EFRD.A OU SYSTEME DE CONNAISSANCES AGRICOLES, SCA)


Thème : Enseignent, Formation, Recherche et Développement Agricole


 

Préambule : Cette contribution thématique s'inscrit dans la continuité de celles portées par le groupe « Enseignement Agricole » de la Commission Nationale Agricole, Alimentaire et Rurale (CNAAR) depuis le congrès ordinaire de Novembre 2008. Elle constitue une réponse à la dernière présentée pour le Congrès de Marseille de janvier 2023 portait le titre suivant : Mais où va le Système de Connaissances Agricoles ?!!!
Le Système de Connaissances Agricoles (SCA), l'Enseignement-Formation-Recherche et Développement agricoles (EFRD.A), concerne de nombreux domaines professionnels : agricultures, alimentations, forêts, santé animale, environnement, paysages, eaux, territoires… coexistant avec une voie technologique et générale dans le secondaire. Ces domaines s'avèrent confrontés à des changements multiples et complexes comme la totalité des sociétés actuelles, aux plans climatiques, écologiques, sociaux, économiques, scientifiques, technologiques, éducatifs... Cette approche globale s’avère conforme à l'histoire de ces différentes composantes, toujours rassemblées.
Notons que depuis le début des années soixante, L. MALASSIS avait identifié le dispositif agricole français de « recherche-formation-développement » comme une source d'investissement immatériel. Il a fait son chemin en ordre dispersé sans véritable gouvernance commune ! Surtout le modèle demeure inspiré de la LOA de 1962, innovants et inspirés à l’époque mais plus vraiment adapté à un environnement agricole comme sociétal en pleine mutation.
Le Parti socialiste, au travers de sa Commission Nationale Agricole (CNA) et son groupe « enseignement agricole » a toujours fait de ces domaines un sujet de réflexions puis de propositions depuis les années soixante-dix. Depuis 2008, nous avons produit des contributions thématiques à chaque congrès mais aussi de nombreuses propositions législatives notamment au moment des lois d'orientation ou d'avenir agricoles de 1999 (Le Pensec - Glavany) et de 2014 (Le Foll). Ce travail avait permis, par exemple, en 2012 d'intégrer l'Enseignement Agricole Public dans le plan de création d'emplois pour l’Éducation du Candidat Hollande à hauteur de 1000 emplois, ce qui n'était pas initialement prévu !
Aujourd'hui, ce système s’avère au cœur des valeurs et principes républicains. Il est attaqué par des glissements droitiers de toute sorte ; ainsi en est-il de la Laïcité, des Libertés Académiques, des Indépendances Scientifiques, des Autonomies Pédagogiques, des Confusions entre le commerce et le Conseil. Mais aussi plus récemment dans la dernière LOA de la négation de la démarche d’Agroécologie ! Les établissements de l'enseignement agricole, de la recherche et du conseil comme leurs agents en sont injustement victimes !
Dans cette veine, le Conseil Constitutionnel a censuré nombre d'articles du Projet de loi d'orientation agricole « Fesneau/Génevard » ! Il s'avère nécessaire de faire l'inventaire des problèmes et difficultés rencontrés par le SCA, mais aussi de construire et de porter des propositions argumentées.

LES PROBLEMES ET DIFFICULTES ACTUELS DU SCA :

Pour le système du SCA dans sa globalité :

Son isolement institutionnel est de nature historique; le pilotage de ses différentes composantes est faiblement coordonné. Cela pèse aujourd'hui sur sa capacité d'agir et de coopérer à l'échelle nationale mais davantage encore au niveau européen. Sa reconnaissance souvent symbolique est clairement insuffisante pour peser et son action européenne demeure désordonnée voire incertaine, sans mode collectif de gouvernance, alors que la PAC demeure la première politique publique européenne au plan budgétaire ! La stagnation, voire le recul des préoccupations et programmations écologiques au sein du système fait parfois l'objet de législations rétrogrades et dangereuses sous couvert d'entraves au métier d’agriculteur ! Il en est de même de la généralisation de la précarisation de la situation des agents (22% de non-titulaires dans l'enseignement agricole public, selon le RSU* 2023 !), de la protection de leur situation professionnelle, ainsi que d'un mépris des corps intermédiaires représentatifs du système !

* RSU : Rapport Social Unique

Pour l'Enseignement Technique :
L'absence d'évaluation de cette politique publique depuis la disparition de l'ONEA ne permet pas d'avoir une analyse globale du système et de son fonctionnement. Ce choix ne fait qu'aggraver la dérégulation du système par l'abandon du Schéma Prévisionnel National des Formations des Formations de L'Enseignement Agricole en favorisant la décision publique libérale, sans sens ! L'acharnement ministériel à vouloir créer un Bachelor, alors que les Licences professionnelles « Agricoles » sont installées au niveau Bac +3 dans les enseignements publics et privés, se situe dans la même optique politique !
L'inflation du rythme des réécritures des référentiels et de l'évaluation pédagogique dans le dispositif scolaire met le système en « apnée » comme le passage au tout capacitaire dans les référentiels de bac professionnel en formation initiale scolaire ne permet une appropriation constructive et d'adhésion des réformes. D'autant que cela se fait généralement dans des calendriers contraint ne laissant pas l'espace à l'appropriation par les principaux acteurs que sont les enseignants.
La réforme de l'apprentissage qui revendique un succès quantitatif, du principalement à l'augmentation du budget et des aides, sans jamais poser la question du qualitatif, des formations et des publics apprenants concernés ! Sans projection sur le moyen terme et sans parler du déficit cumulé de plus de 1 milliards d'euros de France Compétences en 2024, 6 milliards en cumulé pluri-annuel. Opération de recentralisation alors que si l’État avait doté les Régions de moyens identiques, elles auraient été en mesure de relever le défi quantitatif tout en assurant une démarche qualitative: attention particulière sur les cartes des formations, concurrence avec l'enseignement professionnel, péréquation territoriale et professionnelle !
Une formation professionnelle continue renvoyée quasiment au seul marché qui a abandonné le volontarisme en terme de promotion sociale !
L'impact de la réforme de l'Enseignement Professionnel notamment l'augmentation de 50% de la durée des stages réduira encore les enseignements notamment pour ce qui relève de la culture générale et donc de la formation à l'esprit critique.
Des missions particulières toujours en déshérence, sans moyen dédié dans les établissements même si des efforts ont été faits pour l'accompagnement d'Enseigner à Produire Autrement, version 2 mais…
Un impact de « Parcours sup » dans les enseignements agricoles publics et privés à revoir avec des déviances et des difficultés d'aiguillage au niveau des BTSA.
Pour l'Enseignement Supérieur,
L'enseignement supérieur agronomique public vient de passer un quinquennat de mécano institutionnel sans sens et donc fragilisant ! Sa tête s'est isolée (APT) en poursuivant un objectif élitiste de polytechnicien sans grande préoccupation des nécessités d'évolutions des formations d’agronomes ; les « bifurcateurs-étudiants » en témoignent ! L'acharnement ministériel à créer un Bachelor est purement idéologique. Ce diplôme ne confère pas le grade de licence, existe déjà mais uniquement dans l'enseignement agricole privé avec des droits d'inscription annuels de l'ordre de 7 300 €, alors que les Licences Pro Agricoles représentent le bac+3 dans les enseignements agricoles publics et privés !
Les formations vétérinaires viennent d'être privatisées avec la complicité gouvernementale ; elles sont en changement avec le «one health », tout en s'éloignant de l'agriculture et de l'alimentation malgré des effets d’annonce du bout des lèvres.
Pour la Recherche
Comme tout le système de recherche national, il est mis à mal par l'abaissement des moyens permanents se préoccupant beaucoup de rechercher de nouvelles ressources parfois au détriment de sa production scientifique. Ses contributions internes au SCA sont largement marquées par sa propre priorité institutionnelle, alors qu'elle devrait entraîner tout ce système à se coordonner !
L'agression contre le siège de L'INRAE est inacceptable au nom des missions qu'il développe et des efforts que les chercheurs font pour contribuer aux transitions écologiques des agricultures et de la forêt. Il en est de même des pressions, y compris physiques, exercées sur les travaux de recherche scientifique et technique de l'ANSES, dans les domaines de la santé et du bien-être animal, de la santé des végétaux, de la propriété des aliments et des médicaments vétérinaires


Pour le Développement
De plus en plus privatisé y compris le réseau consulaire des chambres d'agriculture, il reste en adaptation lente, comme il l'a toujours été en raison essentiellement de son contrôle par les orientations du syndicalisme d'exploitants agricoles le plus représentatif ; les freins historiques sur la diversification des productions agricoles, puis la contractualisation territoriale (CTE), puis l'agroécologie (GIEE par exemple !) et maintenant les conséquences du dérèglement climatique actuel en témoignent ! Les confusions entre les métiers du conseil et du commerce n'arrangent rien à cette situation ! La campagne puis le résultat des dernières élections consulaires a généré un recul de la démarche environnementale en total décalage avec les réalités auxquelles le monde agricole est confronté.

DES PROPOSITIONS GENERALES POUR TOUT LE SCA
1-Approfondir dans et grâce à la totalité du SCA le « Enseigner à Produire Autrement ».
2-Protéger dans tout le SCA, les valeurs et principes républicains de Laïcité, des Libertés Académiques, des Indépendances Scientifiques, des Autonomies Pédagogiques et des Confusions entre le commerce et le Conseil.
3-La priorité des priorités du ministère en charge de l'agriculture et de l’État en général, notamment en terme de moyens publics.
4-Un pilotage mobilisateur par ce ministère comme chef de file interministériel et partenarial,
5-Un unique projet européen global, coordonné et piloté par le ministère en charge de l'agriculture ou une Université Agronomique,Vétérinaire et Forestière à recréer.
6-Des programmes régionaux globaux pilotés par les DRAAF en relation avec les Régions,
7-Une évaluation solide, pluraliste et systémique du SCA et de ses différentes composantes,
8-Un système de connaissances agricoles qui devrait être exemplaire au plan de sa propre transformation écologique.
9-Reconstituer une commission permanente de haut niveau du Ministère de l'agriculture avec le Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche.
10-Revaloriser et déprécariser tous les métiers du SCA, grâce à des créations d'emplois planifiées et des concours réservés.
DES PROPOSITIONS POUR LES DIFFERENTES COMPOSANTES DU SCA
Pour l'Enseignement Technique
11-Tenir compte de ses particularités, surtout de toutes ses missions, dispositifs et voies de formation développés dans ses établissements – notamment publics les EPLEFPA.
12-Rétablir le Schéma Prévisionnel National des formations de l'Enseignement Agricole de façon opérationnelle et jusqu'à Bac +3.
13-Faire le bilan de la rénovation pédagogique des années quatre-vingt puis développer une nouvelle ambition pédagogique avec les moyens nécessaires (inspection, parcours de formation continue des enseignants) et selon un rythme soutenable pour les établissements.
14-Garantir les égalités de traitement des apprenants et simplifier les évaluations pédagogiques.
15-Décentraliser les missions particulières de l'enseignement technique, autres que celles d’enseignement-formation.
16-Réviser et améliorer les modes de promotion des apprenants de l'enseignement technique vers l'enseignement supérieur.
17-Introduire(re) la promotion sociale dans la formation professionnelle continue.
18-Relancer et rénover l'ONEA4 comme mode d'évaluation de l'enseignement agricole et ses missions.
19-Accentuer et prioriser la dimension d'expérimentation et de promotion socio-économique des métiers auxquels nos élèves se destinent.

Pour L'Enseignement Supérieur
20-Rénover les formations d'agronomes, de forestiers et de vétérinaires. Le lien à l'agriculture doit être réaffirmé et conforté principalement dans les écoles vétérinaires mais aussi dans les écoles d'ingénieurs.
21-Organiser, faciliter et multiplier les échanges d'enseignants et d'enseignements entre domaines universitaires et établissements de l'enseignement supérieur, notamment ceux relevant du ministère en charge de l'agriculture.
22-Négocier la création de spécialités agricoles de Licences professionnelles « MASA/MENESR » et supprimer le « DNSTA/Bachelor Agro ».
23-Mieux articuler l'enseignement technique et l'enseignement supérieur pour favoriser la promotion des apprenants de l'enseignement technique, actualiser les enseignements, soutenir les missions particulières de l'enseignement technique... Les établissements du secondaire sont manifestement insuffisamment en interface avec l'Enseignement Supérieur.
24-Développer et équilibrer les échanges d'enseignants et chercheurs entre enseignement supérieur et recherche.
Pour la Recherche
25-Faciliter et développer les échanges entre chercheurs, établissements d'enseignement et mondes professionnels et universitaires.
26-Ouvrir les instances d'orientation de la recherche au pluralisme syndical des exploitants agricoles et représentants de la société en général.
Pour le Développement
27-Réformer les chambres d'agriculture.
28-Permettre les mobilités d'agents consulaires et d'ICTA5 au sein du SCA et vice versa.
29-Ouvrir les instances d'orientation du développement, consulaire, ICTA, aux élus des collectivités territoriales...
30-Rénover les modalités d'élaboration des PNDAR et PRDAR6 financés par le CASDAR7

1. Le système de connaissances agricoles, institutionnalisé est composé en France, pour nous et faute de mieux, de l'Enseignement, la Formation, la Recherche et le Développement Agricoles ; il est, pour l'essentiel mais non exclusivement, placé sous la responsabilité du ministère en charge de l'agriculture.
2. APT: Agro Paris Tech
3. EPLEFPA: Etablissement Public Local d'Enseignement et de Formation Professionnelle Agricoles
4. ONEA: Observatoire National de l'Enseignement Agricole
5. ICTA: Instituts et Centres Techniques Agricoles
6. PNDAR et PRDAR: Programmes Nationaux et Régionaux de Développement Agricoles
7. CASDAR: Compte d'Affectation Spécial du Développement Agricole.


Premiers signataires : Pierre CHERET, Conseiller régional Nouvelle Aquitaine, bureau de la Commission Nationale Agricole et Rurale (CNAR) du PS et Jean REPARET, bureau de la CNAR du PS,
Co-signataires : Eric Sargiacomo (DE,CR), Karine Gloanec-Maurin (SN PS, CR), Jean-Claude Tissot (Sénateur), Frédérique Courleux, François Colson, François Thimel


 

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