Repenser le dessein du système carcéral


Thème : Sécurité


Contribution des MJS 31

Le 27 juillet est filmé un nouvel épisode de Koh-Lantess. Cette émission est diffusée sur YouTube des épreuves décalées en équipes essentiellement dans les quartiers prioritaires de la ville. Elle est inspirée des épreuves de l'émission Koh-Lanta sur TF1. L’une de ces émissions a suscité une polémique puisqu’elle a été tournée à la prison de Fresnes. Les principaux détracteurs issus de la droite et de l'extrême droite estiment que les prisonniers n’ont pas le droit d’avoir des moments de convivialité.

Actuellement, en France, 72 350 détenus vivent dans des conditions déplorables (surpopulation dans les cellules, conditions sanitaires insuffisantes, …) et le taux de récidive ne cesse de croître. Cette polémique et les manques de moyens alarmants des services pénitentiaire viennent reposer le débat sur la finalité de la prison comme outil de sanction. La place des détenus au sein de notre société ainsi que leur réinsertion sont également questionnées.

La prison est une peine dont la généralisation est assez récente, elle nous vient des États-Unis d'Amérique importé par Tocqueville en France au XVIIIème siècle. Les temps plus anciens préféreraient des sanctions pécuniaires ou physiques pour décourager et dédommager ainsi on a vu au Moyen-âge des sanctions telles que la roue, l’empalement. La punition du supplicié Damiens, coupable de tentative de régicide, reste un moment d’une rare violence avec une main incendiée. C’est ainsi que la guillotine sera considérée comme une punition plus “humaine” par les penseurs des lumières. A l’époque de l’Ancien Régime, la privation de liberté se définissait par des travaux forcés. Le Pouvoir royal profitait de cette main d'œuvre servile.

Grâce aux Socialistes, nous avons pu obtenir la fin des travaux forcés (1938 et 1946) mais aussi l’abolition de la peine de mort (1981) suite à l’inoubliable discours de Robert Badinter. Ainsi, la prison telle que nous la connaissons aujourd’hui s’est généralisée avec tous les débats qui l’accompagnent.

Depuis 20 ans, nos politiques carcérales sont dans une logique de remplir les prisons sans penser concrètement la pertinence et la finalité de celle-ci.
La Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) a été saisie de 32 requêtes individuelles de personnes détenues dans 6 établissements pénitentiaires. Le 30 janvier 2020, elle condamne la France pour traitements inhumains et dégradants en raison des conditions de détention imposées aux requérants et pour le non-respect du droit à un recours effectif (violation de l’article 3 et de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme).

Cette condamnation est une honte pour l’un des principaux pays défenseurs des Droits de l’Homme. Ainsi, la politique du chiffre, imposée aux magistrats, connaît ses limites face à la surpopulation des prisons, à la difficulté de réinsertion des détenus à l'issue de leur peine et d’un manque de moyens financiers et humains.

Trop de condamnés, peu de moyens

La France est ainsi un des rares pays à voir sa population carcérale augmenter lors de ces 10 dernières années. A l’inverse, 3 de nos voisins européens (Italie, Espagne, Royaume-Uni) ont vu leur population diminuer de 10 %. Cette situation dénote d’une faille dans notre système carcéral.

La principale difficulté n’est pas le chiffre élevé par rapport aux autres pays européens mais bien une vision de la prison qui n’est pas pertinente dans notre société.

Cette surpopulation entraîne plusieurs conséquences que ce soit sur les conditions de détention des détenus ainsi que sur l’encadrement par les services pénitenciers.


1- 2,8 milliards d'euros de budget


Un détenu coûte en moyenne 30 000 euros par an. Même si le budget pénitentiaire représente 40% du budget du Ministère de la justice, les syndicats soulignent l’inégale répartition de cette somme.
La construction de nouveaux établissements et la remise aux normes des prisons insalubres aspirent à eux seuls près d'un milliard d'euros, tandis que les dépenses liées à la sécurisation des établissements (vidéosurveillance, grillages…) explosent.
Quant à la réinsertion, seul facteur pour éviter un deuxième passage en prison, ne représente que 0.8% du budget pénitencier.


2- Des prisons remplies à 116 %


La surpopulation carcérale est conséquente puisque pour une prison pouvant accueillir 100 détenus, il y a 115 condamnés. Ainsi, elle est en 5ème place à l’échelle européenne, la Turquie étant en tête.
Les conditions de détention sont en constante détérioration et constituent une atteinte à la dignité humaine.
En effet, l’intimité peut être mise à mal de manière souvent disproportionnée. L’autorité indépendante CGLPL (Contrôleur général des lieux de privation de liberté) dénonce notamment l'humiliation « de devoir uriner ou déféquer sous le regard, le nez et à l’oreille d’une autre personne ».
Des prisonniers sont même contraints de dormir sur des matelas en ras du sol, les couchages de fortunes devraient être prohibés dans ces lieux de privations de liberté.
La recherche de la sécurité peut justifier des atteintes portées à l’intimité mais ne devrait pas conduire à négliger ce droit.


3- 28.000 surveillants pénitentiaires


Avec un surveillant pour 2,5 détenus, la France a l'un des plus mauvais taux d'encadrement d'Europe. A noter que plus du double de population (170 000) est suivi par 5 000 agents de l’administration pénitentiaire en milieu ouvert. Le milieu ouvert désigne l’ensemble des mesures et sanctions appliquées « en dehors des murs » mais qui nécessitent une forme de contrôle.
En France, ces mesures sont principalement le sursis avec mise à l’épreuve, le travail d’intérêt général, la libération conditionnelle et le suivi socio-judiciaire, auxquels il convient d’ajouter les aménagements de peines tels que le placement sous surveillance électronique, la semi-liberté ou le placement extérieur.
Ce manque de moyen humain peut engendrer des situations d’insécurité pour les gardiens de la paix mais aussi pour les détenus. Ainsi, un climat d’austérité est créé par un surmenage des agents pénitenciers.
Ces conditions de travail précaire et dangereuses engendrent une perte d’attractivité pour occuper les postes vacants.


La prison, un des facteurs de récidive


Aujourd’hui, la prison ne répond plus à sa mission éducative de personnes libérées puisque 30% des condamnés récidivent moins d’un an après leur sortie (chiffre 2016), 32 % des hommes et 17 % des femmes. Cette récidive concerne essentiellement les jeunes de moins de 20 ans (55 %).
Elle est corrélée au motif de la condamnation puisque 43 % des voleurs récidivent. En ce qui concerne les violences conjugales et les stupéfiants, c’est 1 homme sur 3 et pour violences sexuelles et homicides 1 sur 10.


1- Une insuffisance de l’emploi des mesures alternatives


À noter que le taux de récidive est en constante augmentation, la condamnation à de la prison ferme ne permet pas nécessairement aux détenus de se réinsérer dans la société et dans le monde professionnel. Le recours à la solution de la prison ferme ne semble pas toujours pertinent notamment face à certains types de condamnations. Le système judiciaire explore très peu la voie des mesures alternatives à la détention.
De plus, pour une politique de réinsertion correcte, peu de moyens sont alloués pour travailler notamment sur la mise en place de formations diplômantes, de formations professionnelles.


2- Une santé psychique cassé par la prison


Les troubles psychiques peuvent être des sources de récidive. Ainsi les personnes présentant des addictions (36 %), des antécédents psychiatriques (38 %), des automutilations (43 %) ont tendance à retourner en prison.
En effet, les personnes en situation de troubles psychiques ne sont pas accompagnées durant leur emprisonnement. De ce fait, ces troubles ont tendance à plus être déceler ou s'aggraver.
Cela nuit à leur possibilité de réinsertion et creuse les inégalités avec les plus fragiles. L’aggravation de leur trouble vient en partie de la surpopulation, d’un manque de suivi médical et d’une lutte efficace des réseaux clandestins dans le milieu carcéral. L’accumulation de ces facteurs constitue une violence silencieuse.
La politique carcérale en France doit être revue pour assurer une société moins violente. Elle doit permettre de réinsérer ces concitoyens. En effet, un meilleur traitement et une préparation au retour à une vie libre sont les conditions nécessaires pour diminuer en partie la criminalité en France.

Nos propositions pour un système carcéral plus efficace

Ainsi nous proposons plusieurs voies pour que la prison réalise son mandat c’est-à-dire un lieu de réparation et pas de marginalisation. Il convient de privilégier un système éducatif et de réinsertion qu’un système violent et destructeur.


Nous souhaitons promouvoir des condamnations alternatives au milieu carcéral. La surveillance en milieu ouvert, la prévention sur les comportements à risques et/ou illégaux, des interdictions et les travaux d’intérêt généraux doivent permettre notamment aux plus jeunes de s’insérer correctement dans la société.


Nous souhaitons que la CGLPL soit missionnée pour réaliser une étude comparative du système carcéral français avec celui de nos voisins européens. Cette étude aura pour finalité de réfuter toutes les pensées stigmatisantes et liberticides de la Droite et de l'Extrême-Droite.


Nous souhaitons aussi combattre le patriarcat de notre société. En effet, la violence liée au patriarcat (violences faites aux femmes, bagarres pour des “questions d'honneur”, etc) représente une part non négligeable de la population carcérale. Déconstruire notre société et la prison diminue en partie la criminalité.


Nous souhaitons créer une grande consultation d’associations, d’universitaires, d’un groupe parlementaire et de travailleurs du milieu judiciaire afin que l’ensemble des acteurs puissent se positionner sans dogmatisme sur les conditions d’incarcération des prisonniers.


Nous souhaitons, par humanisme, le respect de la dignité des prisonniers. La surpopulation remplit les prisons et détériore leurs conditions de vie. Ce sont des facteurs de troubles psychiques qui augmentent encore une fois la récidive et la criminalité.


Nous souhaitons occuper les détenus. En effet, l’oisiveté est la mère de tous les vices. Or en prison, celle-ci est trop présente et empêche de se reconstruire. Les activités sportives, culturelles, intellectuelles doivent être au centre des politiques carcérales. Ainsi dans des pays gangrenés par la criminalité la lecture de livre permet des réductions de peines en fonction des motifs de condamnations.


Nous souhaitons permettre l’employabilité des détenus, en leur assurant un contrat reconnu lorsque ceci réalise une prestation de service dans leur prison (blanchisserie, cuisine, nettoyage). Cela permet de diminuer de 43% leur récidive et évite les marchés clandestins dans les prisons.


Nous souhaitons que l’associatif soit un des moyens de réinsertion des prisonniers en s'appuyant sur les associations qui interagissent déjà dans les différents centres. L’Etat ne peut pas se défausser totalement, il doit être un moteur également dans la politique de réinsertion.

Nous souhaitons augmenter les moyens des services pénitentiaires d’insertion et de probation pour augmenter la réinsertion heureuse et donc lutter contre la récidive. En effet, ce service est central dans l’équilibre du milieu carcéral. En milieu ouvert, il applique les peines. Actuellement, ils sont insuffisants pour assurer correctement leur mission. Le ratio est de 1 agent pour 80 détenus. Alors que le Conseil de l'Europe prescrit entre 40 et 60 détenus pour 1 agent.


Nous souhaitons limiter la prison aux seules personnes représentant un danger pour la sûreté physique des personnes. En effet, les peines alternatives doivent devenir la norme.


Nous souhaitons que le nombre de personnes hébergées au sein d’un lieu de privation de liberté ne doive jamais excéder le nombre de celles qu’il peut accueillir dans le respect de leur dignité et de leur intimité. La surpopulation entraîne notamment un développement du réseau criminel des détenus.


Nous souhaitons nationaliser l’ensemble des prisons. En effet, les prisons sont de plus en plus en gestion déléguée. L’Etat signe des concessions sur 25 à 30 ans pour construire et gérer les prisons. . Par exemple, les entreprises Engie et Sodexa réalisent des prestations de services (blanchisserie, formations professionnelles, cuisine, nettoyage) au sein d’un tiers des prisons. Cette concession réduit de plus en plus les marges de manœuvres étatiques pour mener des politiques ambitieuses en prison.

Il nous faut aujourd’hui changer de paradigme avec la vision de la prison. Il faut rompre avec une conception simpliste du monde carcéral, il faut accepter une rupture avec une sévérité criminogène, il faut accepter une rupture avec un soi-disant laxisme, il faut accepter une rupture avec une prison uniquement punitive.
La prison de demain doit remplir son rôle de protection de la société en écartant les personnes inaptes à vivre en son sein mais en permettant à tous de se réinsérer dedans.


Signataires :

BRUN Philippe – Député (27) , CARDON Rémi – Sénateur / Premier Fédéral de la Somme / CN (80) , RAFOWICZ Emma - Adjointe au maire de Paris / Présidente des Jeunes Socialistes / BF / CN , ANDRIEU Cédric - Secrétaire de section (31) , ARMENGAUD Gabriel - Adhérent PS (31), AVENIN Samuel - Adhérent PS (34), BARBIER Martin - Adhérent PS (31), BERNARD Hugues - Adhérent PS/SF (31), BOUCHARD Alexis - Adhérent PS/BF/SF (35), BOUSSEMART Rémi - Animateur fédéral des JS du Nord/ SF/ BF (59) , BRIANÇON François - Premier Fédéral de Haute-Garonne / CN (31) , CANDIDO Suzy - Adhérent PS (31) , CASALIS Laurence - Adjointe au maire de Colomiers / CF (31) , CASALIS Paul - Adhérent PS (31) , CERTAIN Victor - Animateur Fédéral de l'Hérault / BN / CF (34) , COSTE Béatrice - Adhérent PS/ CF (29) , DENOUVION Victor - Conseiller Départemental de Haute-Garonne/ CN (31) , DUCLOS Baptiste - Adhérent PS (31) , GIOT Frederic - Conseiller municipal délégué à l'économie sociale et solidaire de Muret/ Secrétaire de Section / CF (31), GUIGONET Noé - Adhérent PS (13) , HIRIGOYEN Hervé – CF / SF / BF (31) , HUMPHREY Jay - Adhérent PS (31) , LACAMBRE ZAMORA Alexandre - Adhérent PS (31) , LATOUR Isabelle - Sympathisante PS (31) , LATOUR Quentin - Adhérent PS (31) , LATOUR Vincent - Sympathisante PS (31) , MARTINEL Martine CF / SF (31) , MASCHERONI Jean-Eudes - Adhérent PS (09) , PUY Paul - Adhérent PS (75) , PELTIER Myriam – Sympathisante PS (31) , PETITDIDIER Victor- Conseiller municipal de Ayguesvives/ Secrétaire de Section (31) , RICORDEL Sébastien - Adhérent PS (76) , ROSIQUE Thibaud - Conseiller municipal de Marseille / SN des Jeunes de Socialistes (13) , TAÏEB Joachim - Animateur fédéral des JS Paris/ CF / BF (75) , VAUCHERE Caroline - Adjointe au maire de Colomiers / SF (31) , VIDAL Sylvie - Conseillère municipale de Le Fauga / Adhérente PS (31)

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