– Mercredi 7 décembre 2022
La France doit cesser de protéger les plateformes au détriment de leurs travailleurs
Le combat pour les droits sociaux des travailleurs des plateformes n’est pas nouveau pour les socialistes. Nous le menons au Parlement depuis près d’une décennie et singulièrement depuis 2018 avec nos recours gagnés devant le Conseil constitutionnel contre les « chartes » que le gouvernement voulait introduire pour empêcher toute requalification au moment même où les premières décisions tombaient, dont l’arrêt du 4 mars 2020 de la Cour de cassation requalifiant un chauffeur Uber en salarié, établissant le lien de subordination et qualifiant l’indépendance du chauffeur de « fictive ».
La stratégie macroniste s’est alors révélée : protéger les plateformes plutôt que les travailleurs des plateformes à travers différents chevaux de Troie : chartes, tiers statut, ordonnances sur le pseudo dialogue social entre travailleurs et plateformes... Ceci en se concentrant toujours sur les seuls chauffeurs VTC et livreurs à vélo qui sont les deux arbres qui cachent la forêt de la plateformisation. La réalité va bien au-delà de ces deux métiers : infirmières et métiers d’aide à la personne, professeurs à domicile, avocats, services à domicile jusqu’au lavage et repassage de vêtements… comme cela a été révélé par la remarquable enquête de Gurvan KRISTANADJAJA, journaliste à Libération, dans son livre Ubérisation piège à cons paru l’année dernière.
Face à cela les socialistes se sont constamment mobilisés en soutien aux travailleurs à travers différentes tribunes, en faisant jouer l’article 40 du Code de procédure pénale lors de l’affaire Frichti à l’été 2020, en menant une opposition résolue aux projets de loi gouvernementaux… Mais surtout en contribuant à inventer deux contre-modèles.
D’abord la coopérative dans une proposition de loi portée par trois de nos sénateurs, Monique Lubin, Nadine Grelet-Certenais et Olivier Jacquin fin 2019. Ils ont été les premiers à populariser cette solution, soutenue vigoureusement aujourd’hui par Stéphane Troussel et Mathieu Hanotin en Seine-Saint-Denis puisque le département et la ville de Saint-Denis ont investi dans la première Coopérative d’Activité et d’Emploi de chauffeurs qui se lancera dans les prochaines semaines.
Le second, la présomption de salariat et son corollaire le renversement de la charge de la preuve en matière de requalification, en y ajoutant un début de transparence des algorithmes, ce véritable contremaître 2.0. Nous avions mis ces propositions en avant dans le premier « live du projet » consacré à la question du travail le 4 février 2021, puis dans une proposition de loi d’Olivier Jacquin symboliquement déposée le 4 mars 2021, soit un an jour pour jour après l’arrêt de la Cour de cassation, et presque concomitamment à la présentation de la loi « riders » par le gouvernement espagnol qui a permis de requalifier l’ensemble des livreurs à vélo.
Nous sommes fiers que ces propositions soient aujourd’hui largement retranscrites dans le projet de directive porté par notre camarade socialiste luxembourgeois Nicolas Schmit, commissaire européen chargé de l’emploi et des droits sociaux.
Hélas la réélection d’Emmanuel Macron assombrit la perspective d’une avancée sociale très concrète en Europe tant il a usé de la Présidence française de l’Union Européenne au premier semestre 2022 pour tenter de contrer la directive SCHMIT, actuellement encore, au cours des négociations au Conseil de l’UE. Mais comment en être surpris après les révélations début juillet sur les Uber Files, ce scandale qui a démontré qu’au-delà de la puissance de lobbying de cette firme, l’état de droit et le droit du travail étaient tout sauf prioritaires. Nous devons continuer de dénoncer ce scandale et tout ce qu’il révèle du rapport de la macronie avec l’État de droit et les puissances d’argent.
Le capitalisme de plateforme n’a que faire de l'État social car seul compte la rentabilité. Et tant pis pour le sort des travailleurs, ces nouveaux tâcherons. Le rouleau compresseur est en marche, jusqu’à l’embauche de travailleurs sans-papiers, les proies les plus fragiles comme le démontre le scandale de la plateforme Stuart, pourtant filiale de La Poste !
À nous de tout faire pour l’arrêter en explorant au Parlement, dans nos villes, départements et régions toutes les alternatives pour protéger notre État social et ses acteurs, qu’ils soient travailleurs ou plateformes mieux-disantes, pour créer un contre-modèle qui, sans remettre en cause la digitalisation de l’économie, ne renvoie pas les travailleurs à l’âge de pierre social.
C’est la raison pour laquelle le Parti socialiste réaffirme tout son soutien au combat de Nicolas Schmit et souhaite l’adoption et la transposition dans les meilleurs termes et délais de cette directive.
Il appelle l’ensemble de ses élu-es locaux à explorer et soutenir, réglementairement et financièrement, les initiatives visant à la création de coopératives en ce qu’elles sont un véritable contre-modèle à celui des plateformes les plus voraces.
Il proposera dans les prochains mois une réforme profonde du statut d’indépendant, en parallèle de la requalification des indépendants fictifs, et proposera une révision du statut d'auto-entrepreneur afin qu’il ne puisse plus être une forme déguisée d’emploi salarié.