Contribution thématique du Congrès de Villeurbanne 2021
Les conflits de ce XXIème siècle offrent aux yeux du monde des tragédies où sont impunément bafouées les règles élémentaires du droit international humanitaire. Par ses valeurs et son histoire, la France a une responsabilité particulière pour contribuer à la réaffirmation du droit. Nous appelons à introduire plus de transparence par un meilleur contrôle de la traçabilité des armements vendus par la France. Cela passe par la création d’une délégation parlementaire dédié au contrôle et à l’évaluation des exportations d’armement.
Selon le rapport de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI) de mars 2020, la France se place à la troisième place du classement des pays exportateurs d’armes derrière les États-Unis et la Russie. Dans le même temps, des armes françaises, vendues à l’Arabie Saoudite, ont été utilisés dans des bombardements au Yémen ; pays pourtant soumis à un embargo sur les armes. Une telle situation ne respecte pas les droits de l’homme et est contraire aux traités internationaux dont la France est signataire.
Aujourd’hui, le contrôle des exportations d’armement relève de la seule compétence du gouvernement. Au nom de l’équilibre des pouvoirs en France, des nombreuses expériences en Europe et de la transformation mondialisée des modes d’information, il nous apparait utile de renforcer la confiance dans la politique de l’Etat en favorisant sa transparence. Cette ambition rejoint aussi celle d’un parlementarisme plus moderne et plus occupé par l’évaluation des politiques publiques que par l’inflation législative.
Notre objectif est de créer une délégation parlementaire de contrôle des exportations d’armement. Les parlementaires – députés et sénateurs – qui en seraient membres seraient soumis au secret de la défense nationale. Toutefois, ils publieraient un rapport annuel avec des préconisations pour le gouvernement. L’évolution de la délégation parlementaire au renseignement illustre aujourd’hui l’efficacité d’un tel outil pour préserver sécurité de la population et respect des libertés et de la transparence propre à tout Etat de droit. Avec une telle délégation, il ne s’agit pas de remettre en cause la pertinence des choix stratégiques de l’Etat, ni de dévaloriser l’importance économique des industries d’armement dans de nombreux territoires. Il s’agit de s’assurer que la France n’est et ne sera pas impliquée dans des crimes de guerre à cause de l’usage incontrôlée des armes qu’elle aurait produites et vendues.
Depuis plusieurs années, le Parlement a montré sa volonté et son efficacité à contrôler les actions du gouvernement et à proposer une évaluation approfondie des politiques publiques en matière de renseignement. Les différentes commissions d’enquête parlementaire, comme celle sur l’affaire Benalla ou celle en cours sur la gestion de l’épidémie, sont là pour le prouver. Sur ce sujet, la France est à la traîne au regard de certains de ses homologues européens comme le Bundestag allemand, la Chambre des communes anglaise ou le Parlement suédois.
Un contrôle plus strict peut contribuer également à assurer notre sécurité par une participation accrue à la lutte contre la prolifération, comme dans le cas du conflit au Yémen, ou par une adaptation de notre stratégie industrielle à l’évolution du contexte géopolitique, à l’instar de notre politique à l’égard de la Russie après l’annexion de la Crimée. C’est aussi un effort national à la pacification croissante d’un monde en proie à des conflits dont les conséquences reviennent inlassablement peser sur nos compatriotes (terrorisme, crise des réfugiés, etc.).
Cette contribution vise également à remettre au cœur du débat socialiste nos pratiques en matière de politique étrangère, bien souvent passées sous silence ou évacuées sous le prétexte d’un fameux domaine réservé. La vitesse de la diffusion de l’information, les fake news, et la défiance généralisée à l’égard de la parole publique sont aujourd’hui des éléments structurants du débat public. L’Etat doit en tenir en compte. Dans ce monde soumis aux flux et aux confusions de l’information, la transparence des politiques publiques doit plus que jamais s’appliquer. Il en va notamment de celles liées à la défense, au renseignement, et comme nous le proposons aujourd’hui, aux exportations d’armes françaises.
Nous savons que la transparence n’est pas une menace, mais le gage d’une démocratie solide qui assume les choix souverains de la Nation.
Signataires :
Gilbert-Luc DEVINAZ, sénateur du Rhône et de la Métropole de Lyon,
Yann CROMBECQUE, premier secrétaire fédéral du Rhône
Sylvie GUILLAUME, députée européenne, cheffe de file de la délégation socialiste française au Parlement européen