RÉSORBER LES DÉSERTS MÉDICAUX

CONGRÈS DE VILLEURBANNE
SECTION DE SAINT-POURÇAIN SUR SIOULE CONTRIBUTION THÉMATIQUE

RÉSORBER LES DÉSERTS MÉDICAUX
Pour l'accès aux soins de tous les citoyens, partout.

Les déserts médicaux se multiplient et s'aggravent. Il y aurait huit millions de Français vivant dans ces parties du territoire. S'agissant de la réponse à y apporter par les pouvoirs publics, deux écoles s'affrontent.

Considérant que l'incantation et les mesures d'incitation n'ont à ce jour pas réussi à enrayer le processus - encore moins à le corriger - nombreux sont celles et ceux qui, excédés, prônent des mesures "coercitives",la plus répandue étant le "conventionnement sélectif" des médecins au moment de leur installation en exercice libéral, en fonction de la densité médicale constatée sur le territoire concerné. Seuls celles et ceux qui s'installent en dehors des zones "surdenses" pourraient être conventionnés à l'assurance maladie.

Cette mesure est censée ménager le principe de la liberté d'installation. Mais, considérant que le dispositif ne leur permet pas, dans certain cas, d'exercer autrement qu'en secteur 2 (non conventionné) la plupart des médecins jugent que ce principe, auquel ils sont particulièrement attachés, est bel et bien écorné. En tout cas la perspective de la mise en œuvre de cette mesure a toujours jusque là déclenché des réactions particulièrement vigoureuses. Les gouvernements ont alors reculé sans qu'il ait été possible de répondre calmement aux critiques soulevées, portant notamment sur les effets pervers supposés ou sur le caractère inefficace voire contre-productif de la formule. Aucune expérimentation n'a même été envisagée.

Les pouvoirs publics se replient, dès lors, sur des mesures dites incitativessouvent présentées en vrac, chacune d'elle étant supposée résoudre à elle seule la question, sans que, là non plus, des évaluations sérieuses d' expériences conduites sur telle ou telle partie du territoire aient été réalisées de façon suffisante pour que l'on puisse envisager une généralisation.

En réalité le ou la ministre en charge de la santé lance périodiquement, au détour d'un PLFSS, une ou plusieurs mesures avec un enthousiasme proportionnel au soulagement qu'il ou elle ressent d'avoir échappé à la vindicte, voire à la grève générale, de la corporation. Laquelle corporation est elle-même satisfaite, par principe, d'avoir fait reculer le gouvernement qui pourtant paraissait bien décidé, cette fois, à utiliser les grands moyens pour permettre aux citoyens d'être simplement soignés quand ils sont malades.

L'étape suivante est généralement la suivante : l'Etat et la CNAMTS se mettent d'accord pour donner leur bénédiction aux démarches, désespérées et souvent coûteuses, de certaines collectivités locales dont les moyens sont inversement proportionnels aux désagréments causés par la désertification médicale.

Il est pourtant probable qu'une volonté politique​ ​plus constante​, partagée avec les professionnels, alliée à une mutualisation réelle des charges correspondantes, ainsi qu'un suivi et des évaluations véritables, permettraient de résoudre cette question.

Les mesures incitatives, fort variées, peuvent se regrouper en ​quelques catégories, et peuvent opportunément ​se combiner entre elles ​:

Les études médicales​.

La fin du numerus​ clausus a été décidée. Considérant la diminution, prévisible et prévue, du nombre de médecins généralistes au cours des dix dernières années dans un pays dont la population augmente, on peut avoir du mal à comprendre pourquoi cette décision n'a pas été prise plus tôt.

D'autant que l'effet concret ne pourra être ressenti que dans une dizaine d'années.
Il reste que si cela contribue à répondre à la question des effectifs (à condition de l'accompagner par un accroissement du nombre de places offertes à l'université) cela ne traite pas la répartition dans la population ni sur les territoires.

Il est prévu de sortir du caractère​ ​"hospitalo-centré"​ de la formation des médecins, de l'ouvrir aux sciences humaines, et même de la "décloisonner" afin de préparer les praticiens à un exercice moins solitaire de leur activité. Cette partie, indispensable, nécessitera probablement une volonté politique forte et constante pour être effective.

Plus facile à mettre en œuvre dans un délai raisonnable : augmenter, pour les internes, le nombre de ​stages dans les zones sous-dotéesauprès d'un médecin généraliste, encourager les remplacements en milieu rural (ou urbain mal desservi). Si l'on veut rendre ce type d'exercice médical attractif il faut commencer par le faire connaître. Si les étudiants ne connaissent que le CHU, pourquoi le quitteraient-ils ?

Certains préconisent la création d'une nouvelle​ ​filière de formation à la "médecine de proximité" et à ses spécificités, de manière à mieux assurer qualitativement le passage de la formation à l'installation.
Après ses cinq ou sept premières années de carrière, effectuées de la sorte, le jeune médecin pourrait naturellement changer de voie.

Le "​contrat d'engagement de service public​" instauré par la loi HPST (2009), à savoir une aide financière attribuée à l'étudiant en contrepartie d'un engagement à exercer dans un territoire sous-doté, n'a pas pas produit de résultats satisfaisants.

De sorte qu'il est parfois proposé de mettre en place une formule par laquelle l'étudiant serait rémunérépendant son cursus universitaire avec l'obligationd'exercer pendant sept ou dix ans en maison de santé dans un secteur sous-doté. Ce dispositif a fort bien fonctionné pendant des années pour les enseignants (et continue pour certains fonctionnaires).

La prise en considération des aspirations actuelles des jeunes médecins.

Qui a envie de s'installer dans un désert ?
Première réponse : dans ce "désert" il y a des
habitants. C'est bien pour cela qu'on a besoin d'un médecin et que celui-ci est sûr de pouvoir gagner sa vie correctement.

Mais ce (jeune) médecin a souvent un conjoint qui souhaite occuper un emploi sur place (ou à proximité), et des enfants qui vont à l'école, au collège, au lycée. Toute la famille a des loisirs.
Il faut donc
des services publics, des logements​ ​confortables, des activités culturelles​ ​et sportives... Il est vrai aussi que les agents des services publics ont aussi besoin d'un médecin. C'est toute la problématique de l'aménagement du territoire, organisé par bassins de vie, avec la préoccupation de l'attractivité. Tout se tient.

Le jeune médecin qui s'installe ne veut pas​ ​exercer de façon isolée et craint la "surcharge" de travail qu'ont connue ses prédécesseurs, avec des conséquences sur la vie de famille, sur la qualité de la prestation fournie et, parfois, sur la santé du praticien.
Il aspire à travailler
dans des ensembles​ ​pluri-professionnels​, à pouvoir échanger avec des collègues, à diversifier ses activités (prévention, soins, formation, interventions à l'hôpital de proximité, à l'EHPAD...)

Les maisons de santé pluriprofessionnelles et les centres de santé sont une réponse adaptée, à condition d'être portés par les professionnels sur la base d'un projet commun, avec l'accompagnement des collectivités locales et, le plus souvent possible, une relation privilégiée avec un hôpital local.

Les ​communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), promues par la ministre Touraine, offrent un cadre propice à ces démarches. Elles permettent de développer les actions de prévention, de mieux assurer le maintien à domicile des personnes âgées, ou encore de traiter les patients atteints de maladies chroniques. Elles peuvent également, ​à condition d'organiser une permanence de prise en charge​ ​des patients dès le premier recours​, contribuer à sérieusement désengorger les services d'urgence des hôpitaux.

Afin de pouvoir mieux aménager leur temps de travail et maîtriser leurs conditions de vie, que ce soit en ville ou à la campagne (il y a des besoins partout), les médecins sont de plus en plus attirés par le statut de salarié, à temps plein ou à temps partiel. La formule de la ​rémunération "mixte" (salariat et paiement à l'acte) est souvent recherchée et permet d'exercer en différents lieux sous des formes adaptées, notamment pour traiter les "déserts médicaux" de façon souple et diversifiée.

L'expérience du département de Saône et Loire mérite intérêt : cinq centres de santé couvrent une quinzaine de territoires déficitaires avec une quarantaine de médecins salariés (sur un budget annexe du département).
L'Etat, de son côté, finance 400 médecins salariés en 2019, c'est-à-dire un nombre assez limité, et essentiellement pour assurer la liaison ville-hôpital.

Une meilleure efficience de l'exercice médical.

Le recours à la télémédecinepermet, dans certaines conditions, d'optimiser l'utilisation du temps médical​. Le matériel peut être, par exemple, actionné par une infirmière ou un assistant avec un médecin à distance, généraliste ou spécialiste.
Mais cela suppose une couverture du territoire par le "très haut débit". Or les déserts médicaux sont le plus souvent aussi des
déserts numériques,notamment dans le monde rural.

D'une façon générale le ​développement des​ ​pratiques avancées (ou délégations de tâches) notamment en direction des infirmières contribuera grandement à l'efficience du système : suivi régulier des patients, prescription d'examen complémentaires, renouvellement ou adaptation de certaines prescriptions médicales. Il nécessite quelques mesures réglementaire, des actions de formation permanente et des processus de validation des acquis de l'expérience.

S'y ajoute la possibilité de ​délivrance de​ ​médicaments par les pharmaciens sans prescription médicale obligatoire​, dans certaines conditions, ou encore la possibilité de vaccinations par les mêmes pharmaciens, dont on rappelle que leur officines sont censées "couvrir" tout le territoire et la totalité de la population.

Il est probable, même si leur rôle ne paraît pas toujours très clairement défini, que le recrutement de 4000 ​assistants médicaux​, y compris en zone sous-dotée, aille dans le même sens. Ils sont chargés d'épauler les médecins et de leur faire gagner du temps... en attendant que la suppression du numerus clausus produise ses effets.

Enfin, après des lustres de tâtonnements et des difficultés qui n'étaient pas seulement techniques, le ​DMP (dossier médical​ ​partagé)​ serait en voie de mise en œuvre. Il est encore loin d'être véritablement opérationnel et il mettra du temps avant d'être généralisé. C'est pourtant un outil indispensable pour faire entrer dans la réalité les nouvelles modalités de traitement des patients évoquées ci-dessus : moins cloisonnées, plus collectives, plus fluides.

Les conditions de la réussite.

Les situations étant différentes d'un territoire à l'autre et les solutions nécessitant la mobilisation ou au moins la bonne volonté d'un grand nombre d'acteurs, il n'est pas possible de s'en remettre à la seule ARS (agence régionale de santé) et à ses processus de décision "centralisés".

Les ARS doivent jouer un rôle de d'impulsion, d'accompagnement et de soutien, l'initiative et la responsabilité devant revenir à des comités​ ​locaux de santé organisés par bassin de vie et réunissant les élus, les professionnels de santé et des représentants des usagers.

Les ARS, en réseau, peuvent également aider les comités à s'appuyer sur les expériences locales réussies.

Le financement, qui reste "le nerf de la guerre", ne devrait pas constituer une difficulté insurmontable. Jusqu'à preuve du contraire, la prise en charge des soins par l'assurance maladie, obligatoire et complémentaire, qui assure la juste rémunération de chacun dans les territoires correctement dotés (voire sur-dotés) n'a aucune raison de ne pas faire de même en zone déficitaire.

En outre les crédits du FIR (fonds d'intervention régional), par exemple, peuvent venir résoudre telle ou telle difficulté ponctuelle. Après tout il s'agit bien d'assurer l'égalité républicaine dans l'accès aux soins de tous les citoyens.

Il restera à s'intéresser à une question si souvent négligée, celle de la ​lisibilité de l'organisation​ ​du système​ par les patients. Tous les acteurs sont concernés par cette question.

 

Signataire : 

Jean Mallot, section de Saint-Pourçain sur Sioule

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