SOCIALISTE DONC ECOFEMINISTE

Contribution thématique du Congrès de Villeurbanne 2021

Nous appartenons à des générations confrontées de plus en plus gravement au dérèglement climatique. Quels que soient nos parcours de vie, nous faisons face à des dilemmes inimaginables jusqu’ici : l'état de notre planète permettra-t-il à nos enfants et petits enfants de vivre une existence préservée de l'effondrement climatique ou de vieillir sereinement ?

Les discours d’alarme ne sont plus des bourdonnements en fond de salle : étude scientifique après projection climatique, la réalité implacable se dessine chaque jour dans ses contours nets et gris. Le point de non-retour se situe tout autour de nous. 

Il nous faut désormais l’éviter : c’est tout l’enjeu de l’écoféminisme qui ne se résout pas au fatalisme productiviste et fait de l’écologie une force émancipatrice pour les femmes. L’écologie ne doit plus  se faire au détriment de leurs droits, de leurs libertés, ou se subordonner à la lutte des classes. Cette aspiration doit irriguer l’ensemble du Parti socialiste en tant que mouvement d'espoir et de volonté politique. 

Cette contribution n’est pas une incantation émanant d’une soudaine prise de conscience de l’insoutenabilité de notre monde. Le changement profond, structurel, culturel, qu’elle appelle structurait déjà notre engagement politique bien avant l’irruption de l’épidémie dans notre quotidien et dans notre vivre-ensemble. La crise que nous traversons a simplement rendu sa nécessité plus pressante chez davantage de nos concitoyen.ne.s. 

La crise sanitaire et chacune de ses déflagrations individuelles et collectives ont souligné rageusement la pertinence des revendications écologistes et féministes.

Notre monde s’est refermé autour de nous par le hasard de l’infiniment petit. L’accaparement de l’espace pour le développement continuel des activités humaines et l’accélération du monde créés par la mondialisation ont permis dans un premier temps à un minuscule virus d’envahir notre planète et de mettre à mal l’ensemble des systèmes de santé existants, tout en nous rappelant que la moitié de la population de la planète n’a toujours pas accès aux services de santé essentiels. Puis par ricochet, à abîmer le monde du travail et les perspectives d’avenir de tant d’entre nous. Les dommages sont également psychologiques : nous n’étions pas préparé.e.s à ce que le risque soit si intime, si personnel et si contagieux. Les dommages sont profondément sociaux : la hausse du chômage et de la précarité induite par le ralentissement des activités pèse de surcroît davantage sur les femmes, en particulier sur celles qui assument seules ou presque la charge de leur famille.

L’épidémie a particulièrement pesé sur les femmes. Ce sont majoritairement elles - bien que cette majorité ne se soit pas répercutée à l’échelle médiatique - qui ont garanti la continuité des services publics et de notre survie matérielle : dans les hôpitaux, les écoles,  les supermarchés,  les établissements d’accueil des personnes âgées. Les secteurs de la santé et du soin, mis à mal par la tarification à l’activité, les coupes budgétaires, le manque de personnels soignants, ces secteurs se sont rappelés à nous dans la lumière crue du décompte quotidien des victimes.

Le décalage n’aurait pas pu être plus flagrant entre les prises de position martiales du Président de la République et la défense de la société du care - celle du bien-être, du soin, et de la solidarité, qui repose principalement sur les femmes.

De l’invisibilisation des femmes et des enjeux environnementaux à leur revalorisation dans la société

Notre société, celle qui enrichit les spéculateurs mais dévalorise et sous-rémunère les métiers du quotidien, du soin, de l’accompagnement ; celle qui abîme les services publics qui conditionnent pourtant l’émancipation des femmes ; celle qui met en “concurrence” les êtres humains privilégiant l'individualisme et l'égoïsme au détriment de l'entraide ; cette société doit le plus vite possible rejoindre le confinement du passé.

En 2021, nous refusons que l’urgence climatique continue à céder sa voie aux sirènes de la relance productiviste. Nous refusons que le dogme néo-libéral se drape dans les conséquences de la crise économique pour poursuivre la mise à sac de notre sécurité sociale, que cela soit par la réforme du chômage et ou par celle des retraites. 

Mais notre crise ne serait-elle pas celle de la domination masculine ? 

A force de documenter, de dénoncer, de compter, d’analyser, nous savons à quel point les inégalités entre les femmes et les hommes pèsent sur notre collectivité. Nous savons que les privilèges des hommes ne sont pas révolus. Nous savons que bien chausser les lunettes du genre demande une capacité critique et des grilles d’analyse antisexistes dont nous ne sommes pas tou.te.s pourvu.e.s à égalité.

Les socialisations différenciées des petites filles et des petits garçons, et la transmission de valeurs que cela induit, conduisent à inférioriser le féminin face au masculin. Nous avons été conditionné.e.s dès notre plus jeune âge, mais nous avons le devoir collectif de nous en détacher et de poser les bases d’une société de l’égalité, de la solidarité, du partage. 

Interconnexions et convergences des luttes
 
Les inégalités entre les femmes et les hommes ne sauraient être solubles dans un vaste combat anticapitaliste et écologiste, elles sont au contraire au cœur d’un système à bout de souffle, basé sur la logique destructrice des rapports de domination. Domination masculine, génératrice de violences, et d’inégalités que les femmes subissent dans tous les domaines - professionnel, personnel, familial. Domination Nord-Sud d’une mondialisation basée sur la concurrence et  la logique extractiviste de pays du Nord qui continuent de décider de l’absence d’avenir de ceux du Sud. Domination de l’humain sur la nature et la planète dont les ressources s’épuisent à vue d'œil. Domination économique, théorisée et justifiée à l’extrême par un système capitaliste qui trouve ses racines dans un système patriarcal vieux de deux mille ans, qui a abouti à l’exploitation des êtres humains, des ressources planétaires. et plus sournoisement encore des femmes en invisibilisant leur travail et en les essentialisant,  L’exode rural, la destruction des forêts primaires et le rapprochement des populations d’espèces animales porteuses de virus, nous ont mené  à la crise sanitaire mondiale que nous connaissons, qui à son tour, appauvrit, précarise les femmes et dépriorise les combats pour la planète et l’égalité entre les femmes et les hommes.

Ce n'est qu'en protégeant la nature et donc l’espèce humaine que nous pourrons nous garantir collectivement un avenir pérenne et soutenable. Il faut donc transformer les formats du pouvoir afin de mettre en exergue la protection et la durabilité.

Point de transition écologique, sans égalité entre les femmes et les hommes :

En somme, les femmes assument dès l’enfance la charge mentale du bien-être de leur entourage, afin de laisser aux hommes toute latitude et disponibilité intellectuelle pour se charger de la gestion du monde et de la résolution des crises.

Les femmes ont  toujours subi, de manière plus ou moins consciente, la charge mentale de l’organisation de nos vies quotidiennes et de celles de nos conjoints et de nos enfants. Avec l’amplification du dérèglement climatique, cette charge mentale s’est encore alourdie. Elle est devenue aussi écologique. Parmi nous, quelle est la catégorie de la population qui, aujourd’hui, assume majoritairement dans nos foyers chaque petit pas permettant de réduire l’empreinte écologique de la famille ? Qui doit calculer, en faisant les courses de la semaine, le meilleur rapport qualité-prix-environnement ? Qui pense au recyclage, au zéro déchet, à éviter les emballages, les produits d’entretien nocifs et les produits transformés ? Ce sont davantage les femmes. Il n’y aura pas de transition écologique réussie sans l’implication de tou.te.s et nous n’atteindrons pas l’égalité entre les femmes et les hommes, sans justice sociale. 


Malgré l’urgence climatique et les inégalités de genre criantes, les prises de décisions restent trop lentes

La lenteur de notre société à réduire les inégalités entre les femmes et les hommes est à l’image de la lenteur avec laquelle les décisions sont prises en matière de transition écologique. Les plus fervents défenseurs du système libéral sont souvent aussi les plus prompts à s’attaquer aux droits des femmes et à afficher leur climatoscepticisme. Comment accepter le refus du gouvernement de conditionner fermement au préalable les aides aux entreprises, notamment dans le secteur aérien, au respect des impératifs de réduction de notre empreinte carbone et à des bonnes pratiques sociales ? Comment accepter le refus par la droite et la majorité présidentielle de plafonner les frais bancaires pendant l’état d’urgence sanitaire, alors même que les files d’attente devant les distributions d’aide alimentaire s’allongeaient ? Comment accepter que malgré la crise et la mise en lumière des difficultés des services hospitaliers, les hôpitaux ferment toujours des lits ? Comment accepter que le Grenelle de la santé ne se contente que d’augmenter à la marge les salaires des soignant.e.s sans se saisir de cette opportunité pour engager une vaste réflexion sur les différentiels de rémunération entre les métiers et les secteurs occupés principalement par des hommes et ceux investis majoritairement par les femmes ? 

Malgré les soubresauts du quotidien, les gouvernances, majoritairement masculines, continuent de croire que les décisions nécessaires à un avenir soutenable peuvent être repoussées dans un échéancier flou. Il n’est pas étonnant que les routiniers du patriarcat aient confiance en eux dans le système à bout de souffle qu’ils ont créé. Mais ce surplus de confiance nous empêche de prendre suffisamment vite les décisions nécessaires pour notre survie collective. Le temps des demi-mesures et des déclarations d’intention est révolu. Celui des fantasmes sur des technologies futures dans lesquelles nous sous-investissons aujourd’hui également. La déforestation, l’acidification des océans, la montée des eaux, la progression de la sécheresse et la multiplication des catastrophes climatiques ne se plieront pas à l’agenda de l’humanité. 

Il est temps d’affirmer l’écoféminisme comme un instrument politique à la hauteur de nos générations et des suivantes. 

Face aux ondes de choc du mouvement #MeToo, qui soulignent la prégnance des violences faites aux femmes et aux filles dans toutes les sphères de notre société, face au constat renouvelé de l’invisibilisation des femmes dans les sphères de pouvoir et les espaces médiatique, face à une urgence climatique chaque jour plus pressante, le parti socialiste se doit d’affirmer avec détermination et ambition son écoféminisme.

Notre écoféminisme fait partie intégrante de l’ADN de la gauche. C’est par lui que nous tissons des ponts avec celles et ceux, engagé.e.s, qui ont fait d’autres choix que les structures partisanes pour transformer la société. C’est par lui que nous tissons des ponts entre nos élu.e.s, tant  au niveau national que local , pour concevoir et porter des politiques publiques capables de répondre aux défis de notre temps. C’est par lui que nous allons à la rencontre des associations et des mouvements sociaux. C’est à travers lui que nous dialoguons avec nos partenaires pour construire une alternative politique capable de ramener le monde d’après dans la réalité d’aujourd’hui. C’est par lui que nous nous opposons aux conservatismes et aux tenants d’un libéralisme qui consume nos ressources et le droit au bonheur des 99%. 

L'écologie et le féminisme sont une seule et même alternative politique à un système insoutenable et constituent désormais des forces politiques incontournables dans le paysage politique. Le parti socialiste est  en capacité d'organiser la convergence des luttes et d'affirmer  que la transformation sociale passera par la prise en compte de l’urgence climatique et de l’urgence féministe 

Pour toutes ces raisons, notre écoféminisme est celui du monde d’aujourd’hui. 

Premières signataires: Yseline Fourtic-Dutarde, référent.e du PS contre les violences sexistes et sexuelles, Cécilia Gondard, SN à l’égalité entre les femmes et les hommes, Jacqueline Devier, Secrétaire fédérale et référent.e, Malika Bonnot, Secrétaire Fédérale et référent.e (69), Christelle Charrier Conseillère municipale (86), Secrétaire fédérale et référent.e, Frédéric Orain, Premier secrétaire fédéral, Laurence Rossignol, ancienne Ministre et sénatrice (60), Nadège Azzaz, Maire de Montrouge (92), Ghislaine Robinson, militante (FFE), Gaelle Barré, militante (FFE), Frédérique Berthereau, référent.e, Alexis Lefranc, Vice Président d’Eurocité, Elene Centeno, Référent.e, Emma Rafowicz, militante (75), Maud Olivier, Nicolas Nocet (44), Pauline Joubert, Adjointe à la Maire du 10e arrondissement de Paris (75), Yasmine El Jai (75), Véronique Gignoux-Ezratty (92), Léna Lefébure (75), Isabelle Dahan, 1ère Fédérale Adjointe, (92), Laure Botella (95), Morgane Caradec, Secrétaire fédérale à l’égalité (91), Emma Rafowicz (75), Dorine Bregman, Adjointe au Maire de Paris centre (75), Pascale Bousquet-Pitt, Maire-Adjointe de Bordeaux (36), Colombe Brossel, Adjointe à la Maire de Paris (75), Nadia Huberson (FFE), Catherine Smadja (FFE), Claire Donzel, SF à l'égalité, Jean-Pierre Genin, Solange Meynier, Geneviève Couraud (Conseil National), Florence Aston, Amely Hebel, Pauline Joubert (75), Diyenaba Diop (78), Adjoint au maire des Mureaux, Porte Parole du Parti socialiste Fatima Yadani, Nathalie Riquier, Jerome Jouvenet (69), Mireille Boule (secrétaire section Antibes), Véronique Gignoux-Ezratty (92), Philippe Garbani (FFE), Caroline Vauchere, Secrétaire fédérale (31), Dominique Ramuscello, référent aux violences sexistes et sexuelles (31), Charlotte Seutin (93), Annie Michel, Conseillère à l'Assemblée des Français de l'Étranger (FFE), Ghislaine Salmat (95), Yasmine El Jai (75), Mehdi Benlahcen, Conseiller à l'Assemblée des Français de l'Étranger (FFE), Dylan Boutiflat, Bureau National (75), Philippe Lagarrigue, Secrétaire Section Rieupeyroux (12), Christiane Fabretti, Geneviève Letourneux, conseillère municipale à Rennes (35), Daphné Chancellier (84), Christine Mirauchaux Cuturello (06), Florence Braud (56), Djamel Bouabdallah, conseiller municipal (Rhone), Sevillane Lambret (75), Maud Olivier (78), Laurence Sophie Bonnot (69), Colinne Trautmann (67), Henry Leperlier (FFE), Jerome Ruffat (30), Christiane Constant, conseillère régionale AURA (69), Laura GANDOLFI, maire-adjointe Villeurbanne (69), Pascale CROZON, ancienne députée (69), Martine ROURE, ancienne Vice-présidente du parlement européen (69)

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