Contribution thématique du Congrès de Villeurbanne 2021
La France est une terre d’immigration. Par son histoire et par son actualité, cette question est devenue un enjeu politique qui occupe considérablement le terrain médiatique et les réflexions de nos concitoyennes et concitoyens. Perçue comme une chance par certains, comme un danger pour d’autres, il est désormais impossible pour un parti politique de faire l’économie de réfléchir et d’agir sur ce sujet. Le débat entre assimilation et intégration, l’amélioration des politiques et dispositifs d’accueil, la question du droit de vote des personnes étrangères, la valorisation de l’apport des populations venues d’ailleurs et la mise en lumière de la diversité de la société sont autant d’enjeux majeurs que le Parti Socialiste doit aborder.
L’exemple de notre arrondissement, le 18e, par la mosaïque de ses populations, recoupe largement cette question nationale et la spécificité de Paris, ville aux 200 nationalités. En effet, notre territoire est à la fois un terreau historique d’accueil, un lieu de transit et un creuset de diversités sociales et culturelles .
A travers leurs parcours, leurs évolutions et les questions qu’elles suscitent à l’échelle d’un arrondissement de Paris, quelles peuvent être les perspectives d’accueil et d’intégration dans la société pour les étranger-e-s voulant s’installer en France ? Comment nos institutions, nos services publics et nos quartiers, par leur organisation, peuvent-ils s'adapter à cette situation ?
L’abandon du plan Borloo par le gouvernement traduit l’absence de volonté du gouvernement d’agir pour nos quartiers et nos habitants. La population étrangère, qui vit sur le territoire depuis des années et exerce parfois des emplois intermittents, avec un statut précaire, de sans-papiers, mérite une attention particulière. Le durcissement des conditions d’accueil des étrangères et étrangers et le manque de moyens conférés aux structures publiques comme aux associations qui les prennent en charge doivent nous alerter et nous faire réagir collectivement.
Les personnes migrantes qui arrivent sur le territoire pour différentes causes (guerre, famine, économique, politique, etc.), ont vocation à être accueillis et accompagnés dans leurs parcours d’intégration dans la société et de contribuer ainsi au développement local.
I – Par la citoyenneté : réclamons le droit de vote des étrangers aux élections
Les personnes étrangères qui vivent sur le territoire participent à l’activité économique et sociale de notre pays. Ils contribuent pour certains à la vie citoyenne à plusieurs échelles et sur des modalités différentes (les conseils du quartier, conseil d’école, associations des locataires, etc.). Ils travaillent sur notre territoire, participent à la création de richesse de notre pays et paient des impôts. Et pourtant, certains d’entre eux ne peuvent pas accomplir le geste le plus essentiel de la vie citoyenne dans nos démocraties modernes : le vote.
En effet, depuis le début des années 2000 et l’intégration européenne, seuls les personnes étrangères communautaires ont le droit de vote aux élections municipales et européennes. Mais tous les personnes étrangères hors-UE, originaires de pays qui ont fait la diversité et la richesse de notre pays - et qui pour certains d’entre eux sont sur le territoire français depuis très longtemps - n’ont aucun droit de vote.
Pour rétablir l’égalité et améliorer concrètement le sentiment d’intégration à la société française, nous devons porter l’élargissement du droit de vote à tous les étrangers quelque soit leur origine, aux élections locales à minima. Cette revendication, souvent soutenue par notre Parti mais jamais traduite en droit, doit plus que jamais être portée par nos actions politiques. En instaurant une forme d’égalité autour de l’acte démocratique, nos institutions seraient renforcées dans leur légitimité et leur représentativité. Cet acte fort traduirait également la capacité de l’Etat à mieux appréhender les situations de fait que le droit échoue parfois à considérer, tout en renouvelant les conditions du contrat social qui nous lie.
Au-delà des institutions qui garantissent la vie démocratique, l’aide à l’intégration des étrangers sur notre sol passe également par des initiatives locales. Ces initiatives contribuent à assurer à toutes et tous des conditions d’existence dignes sur le sol français, tout en renforçant la mixité sociale et culturelle qui enrichit nos quartiers.
II- En accueillant dignement : l’exemple de la “Bulle”
Si de nombreux commentateurs du débat public aiment à réduire le sujet de l’immigration au paradigme culturel, il s’agit en réalité bien davantage d’une question sociale. En effet, il ne viendrait à l’idée de personne de qualifier de “migrant” une personne diplômée venue, par exemple, des Etats-Unis vivre en France pour la qualité de vie, des études, du système de santé. Le terme de “migrants” désigne surtout, par une triste métonymie, les personnes venues en France ou en Europe clandestinement, donc sans aucun droit réel ni existence légale. Invisibilisées, passant sous le radar des politiques publiques, les personnes migrantes sont reléguées aux portes de Paris ou de Calais, contraintes de survivre dans des camps aux conditions indignes, comme l’a relevé à de nombreuses reprises le Défenseur des Droits.
Face à cette situation, la Mairie de Paris a tenté d’agir, au-delà de ses compétences municipales. C’est ainsi qu’en 2016, la “Bulle” a vu le jour à la Porte de la Chapelle dans notre arrondissement, constituant un premier accueil pour environ 50 personnes migrantes, par jour, étape cruciale permettant d’amorcer des dispositifs d’accompagnement par les associations de la solidarité. Grâce à elle, ce sont 25 000 personnes qui ont pu être accueilli. Depuis, d’autres centres d’hébergement d’urgence ont été créés par la Ville, mais elle demeure bien seule face à l’inaction assumée et cynique du Gouvernement.
Au-delà de la politique municipale indispensable, qui vise à favoriser l’accompagnement des personnes migrantes dans des dispositifs d’accès aux droits, il est nécessaire de penser l’immigration avant tout comme une question sociale, à coordonner avec l’ensemble des politiques publiques : le logement, le travail, la santé, la solidarité, l’éducation, la lutte contre les discriminations.
A l’échelle européenne, il convient de réformer le droit en matière d’immigration, d’abolir le règlement “Dublin III” et de se coordonner, enfin, entre Etats membres pour mener une véritable politique migratoire commune dont le premier critère serait les droits humains. A quoi bon nous accorder sur un plan de relance économique si nous ne sommes pas capables, en 2020, de créer un continent sur lequel les hommes et les femmes naissent, demeurent, vivent, libres et égaux ?
III- Par l’accès au droit et à l’emploi
- Fournir un espace marchand de première nécessité et d’accès au droit : le « Carré des Biffins »
Le 18e arrondissement a développé une initiative unique en France, à travers le « Carré des Biffins ». Il s’agit d’un espace de vente de biens de récupération situé dans le 18e, sous le pont de la Porte Montmartre, dans le prolongement des Puces de Saint-Ouen. « Biffins » est un vieux mot d’argot qui désignait les chiffonniers de Paris.
Cet espace a pour vocation d’apporter une réponse à la situation d’urgence de personnes en grande exclusion sans ou avec peu de ressources, et parfois privées du droit commun, qui souvent subsistent grâce à ce dispositif. Officialisé en 2009 grâce à une initiative de biffins et de riverains, il est soutenu depuis son démarrage par la ville de Paris et porté par l’association Aurore.
La fonction sociale, mais aussi économique, assurée par ces espaces de vente en marge des logiques commerçantes habituelles, est très forte à l’échelle d’un quartier. En conciliant la capacité à donner du travail et à pourvoir à la fourniture de biens de première nécessité, ces marchés peuvent être multipliés et rendre un service considérable à des populations très précaires tout en leur procurant une forme d’autonomie.
Cet exemple doit également nous inciter à réfléchir et à agir dans le sens d’une meilleure prise en compte des situations individuelles pour les personnes migrantes ou en grande précarité pour qui le travail et l’échange marchand constituent des moyens d’intégration et de sociabilisation fondamentale.
- Permettre l’accès des demandeurs d’asile au droit du travail
Que ce soit par du travail dissimulé ou des activités illégales, toute une partie de la population est obligée de survivre dans un monde sans code du travail. Par nécessité car il leur est interdit d’avoir un emploi. Le confinement a été un brutal révélateur : impossibilité d’avoir des attestations, absence de chômage partiel. La perspective d’avoir un travail protégé par les lois (que les socialistes ont apporté au pays).
Pouvoir à la fois contribuer à l’impôt, cotiser et à la fois avoir des droits sociaux et syndicaux ne devrait pas être une option, surtout pas pour une personne effectuant des démarches administratives, dans l’attente d’une réponse.
- Soutien au tissu associatif
Par ailleurs, si notre arrondissement peut revendiquer cette diversité culturelle, c’est notamment parce qu’il a su s’appuyer sur une offre d’associations variée, chacune mettant en valeur un aspect différent de la vie sociale et culturelle des habitants.
Qu’ils s’agissent d’associations sportives, culturelles, laïques, d’accès au droit, d’activité manuelle, d’entraide, de soutien scolaire : ces lieux de vie constituent les véritables poumons de notre quartier, en s’affirmant comme lieu créateur de lien social. Ils impliquent le citoyen directement dans la vie de son quartier, où il peut mesurer les enjeux liés à l’entraide qui caractérise l’action associative dans un arrondissement. C’est cela aussi l’intégration : la mise en valeur de ces cultures qui font notre richesse contribue à la pérennité d’une République qui, pour être indivisible, doit pouvoir incorporer chacun des éléments qui la composent.
Pour cela, et parce que nous sommes convaincus que le contact social est porteur de débats qui insèrent le citoyen dans la vie démocratique du pays, nous souhaitons une valorisation de la vie associative. Le Parti socialiste, historiquement, a toujours apporté son soutien aux activités associatives : ce Congrès est, dit-on, l’occasion d’une réaffirmation des valeurs au coeur de notre engagement. A l’ère où les masses se conscientisent sur les réseaux sociaux ou lors des marches pour le climat, il est temps pour les socialistes de s’emparer à nouveau de ces lieux d’engagement que sont les associations de quartier, et de resituer la politique dans la cité.
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Le Parti Socialiste, fer de lance du combat républicain, doit porter l’accueil digne des personnes migrantes, l’ouverture du vote aux personnes sur le territoire national, favoriser un réel accès au droit et favoriser l’accès au travail.
En s’appuyant sur les politiques publiques portées par des territoires, tel que le 18e arrondissement de Paris, le Parti Socialiste peut porter un discours humaniste et crédible.
Signataires :
Archier Olivier, Paris, militant
Barès Jeannine, Paris, militante
Bellot Françoise, Paris, militante
Bouffartigue Julien, Paris, militant
Casier Marie-Laure, Paris, CF, adjointe au Maire de Paris 18e, secrétaire de section adjointe Paris 18e
Cerralbo Thomas, Paris, militant
Changeur Julie, Paris, militante
Cohen Maxime, Paris, BF
Comet François, Paris, SF Europe et International, conseiller d'arrondissement Paris 6e
Daviaud Jean-Philippe, Paris, conseiller de Paris
El Jaï Yasmine, Paris, SF égalité Femmes-Hommes
El Yafi Sarah, Paris, militante
Gabelotaud Afaf, Paris, adjointe à la Maire de Paris
Galtier Delphine, Paris, CF
Gaussen Jean-Pierre, Paris, militant
Havet Kévin, Paris, secrétaire de section Paris 18e - Suzanne Buisson, adjoint au Maire de Paris 18e
Henriot Léo, Paris, animateur MJS Paris 17-18
Hervieu Céline, Secrétaire de section 6e, Conseillère de Paris déléguée
Jourdain Laurent, Paris, militant
Lambret Sévillane, Paris, militante
Laurent Aliénor, Paris, militante
Lejoindre Eric, Paris, Maire de Paris 18e
Lellouche Ariel, Paris, SF égalité Femmes-Hommes, conseiller de Paris 18e
Megali Théophile, Paris, président du CFCF
Ngomou Dieudonné, conseiller de Paris 18e, militant du PS Paris 18e - Suzanne Buisson
Parolini Florent, Paris, militant
Proust Sarah, Paris, SN, première adjointe au Maire de Paris 18e
Riquier Nathalie, Paris, militante
Rizzy Jean-Pierre, Paris, CFCF
Rolland Carine, Paris, BF, adjointe à la Maire de Paris
Siry-Houari Gabrielle, Paris, porte-parole PS, adjointe au maire du 18e arrondissement de Paris
Soleilhavoup Anne, Paris, secrétaire de section Paris 13e ouest Lucie Aubrac, conseillère de Paris 13e
Teixera Oriane, Paris, référente du Groupe Socialiste Universitaire
Trajan Violaine, Paris, adjointe au Maire de Paris 18e
Ziady Karim, secrétaire de section PS Paris 17e, conseiller de Paris délégué