- Vendredi 12 novembre 2021
Sylvie Guillaume, députée européenne, présidente de la Délégation française des élus du groupe des Socialistes et Démocrates
Christophe Clergeau, secrétaire national à l’Europe
Depuis cet été, la frontière entre Biélorussie d’une part, et Pologne et Lituanie d’autre part, est le théâtre d’une sinistre machination : le régime de l’autocrate Loukachenko y achemine des hommes, des femmes et des enfants, transportés en avion puis escortés par l’armée biélorusse jusqu’à cette zone reculée où l’hiver est à présent arrivé.
Si l’on doit d’abord dénoncer le cynisme absolu de Loukachenko et de ses acolytes, n’oublions pas non plus d’épingler celui de certains dirigeants et responsables politiques européens pour qui l’occasion est trop belle de faire valoir leur thèse « l’Europe forteresse » et leurs angoisses de submersion (rappelons que l’on parle ici de quelques milliers de personnes). À ce titre, les déclarations de Charles Michel au côté du Premier Ministre polonais Morawiecki, laissant entendre que l’UE serait prête à financer d’urgence des murs et des barrières, sont une faute morale et politique. Rappelons que, dans le même temps, ce pays est privé des fonds de Next Generation EU suite à l’arrêt de son tribunal constitutionnel sur la non-primauté du droit européen et se trouve sous astreinte de la Cour de justice de l’UE du fait du manque d’indépendance du judiciaire.
Plutôt que de réagir aux manipulations d’un autocrate en se pliant aux desiderata d’une démocrature, l’UE doit être conforme à ses valeurs tant dans la fermeté à l’encontre des tyrans, que dans la sensibilité à la détresse des humbles.
Il s’agit donc de faire preuve de fermeté vis-à-vis du régime Loukachenko qui organise la traite d’êtres humains tout en continuant d’opprimer son peuple. À cet effet, de nouvelles sanctions doivent cibler les organisations et personnes complices de manière directe ou indirecte dans ces activités criminelles (banques, compagnies aériennes...).
Et l’UE doit aussi faire preuve d’humanité vis-à-vis des personnes prises entre deux feux.
Même sans dispositif de répartition obligatoire des demandeurs d’asile, ce débat semblant d’ailleurs plus encalminé que jamais, nous disposons du mécanisme européen de protection civile tout à fait adéquat pour ce type de situation qui ne relève pas d’un flux structurel. Déjà déclenché plusieurs fois dans des cas similaires, ce mécanisme permettrait une réaction rapide et coordonnée au niveau européen pour apporter des aides matérielles pour assurer une dignité et abri à ces personnes.
Bien que des aides aient été refusées jusqu’à présent par le gouvernement polonais, pour éviter le face-à-face armé entre militaires biélorusses et gardes-frontières polonais, nous demandons l’accès des organisations internationales et humanitaires aux zones à la frontière et une présence des agences européennes telles que Frontex et l’EASO, afin de gérer la situation en mettant en œuvre les règles de l’UE.