- Lundi 13 janvier 2024
Alors que le gouvernement Bayrou est en train de consulter pour construire une nouvelle épure budgétaire, plus ou moins infléchie par rapport à la copie du gouvernement précédent, le débat public est en train de se concentrer sur des éléments politiques majeurs, comme le niveau de fiscalité, la réforme des retraites ou encore le financement de la sphère sociale. Cette focalisation n’est évidemment pas illégitime, a fortiori dans le contexte économique, social et démocratique que connait notre pays. Elle tend cependant à reléguer au second plan un enjeu qui est plus prégnant que jamais : la trajectoire de nos finances publiques.
En réalité, si le gouvernement invoque la nécessité d’une forme de « sérieux » budgétaire, rien n’est construit de manière concrète et notre pays avance en la matière sans filet de sécurité, sans réflexion, et sans perspectives. Rappelons-le, la loi de programmation des finances publiques sensée être aujourd’hui en vigueur est évidemment complètement caduque (comme toutes les précédentes pour être parfaitement honnête) et les engagements pris à l’égard de Bruxelles par la France sont, de l’aveu de tous les spécialistes, parfaitement inatteignables. Aucune personne lucide ne peut estimer qu’il serait possible (au-delà même de souhaitable) d’atteindre un déficit « réduit » à 5 points de PIB dès 2025.
Si cette situation n’est pas tout à fait sans précédent, son acuité est cependant historique et implique d’un certain point de vue deux exigences. C’est en premier lieu une exigence de clarté avec l’élaboration d’une trajectoire des finances publiques documentées, adossée à des scénarii alternatifs atteignables. Il n’est plus possible de simplement agiter l’épouvantail des marchés financiers pour légitimer des décisions financières majeures. On peut au surplus relever que les marchés financiers ne sont pas plus stupides que les Françaises et les Français et qu’ils sont en capacité de déceler ce qui demeure crédible et ce qui relève du vœu pieu… Dans cette logique, il n’est par ailleurs pas interdit de penser que les agences de notation pourraient voir d’un meilleur œil une trajectoire plus modérée mais crédible qu’une trajectoire trop marquée pour l’être réellement.
La seconde exigence découlant de cela, c’est l’arbitrage politique qu’il conviendra de prendre quant à la stabilisation de notre trajectoire budgétaire pluriannuelle. Il existe en réalité deux choix qui s’offrent à nous : celui d’une réduction brutale qui se traduirait par des effets récessifs significatifs (effets documentés ces dernières semaines), comme le proposait le gouvernement Barnier, ou celui d’un rythme plus modéré qui n’obèrerait pas une croissance encore fragile et ne reviendrait pas à sacrifier la protection des plus fragiles de nos concitoyens.
En définitive, la situation atypique dans laquelle nous nous trouvons est riche d’enseignement sur le plan des politiques économiques et conduit à clarifier les positions des uns et des autres. La crédibilité budgétaire, ce n’est pas nécessairement le camp libéral qui a vidé les caisses de l’État par une démarche lourde et systémisante de désarmement fiscal. La crédibilité économique n’est pas du côté de celles et ceux qui mettent en œuvre des mesures sacrifiant à la fois la cohésion sociale et la croissance pour l’atteinte d’objectifs comptables par ailleurs parfaitement contestables. La crédibilité démocratique n’est pas du côté de celles et ceux qui s’acharnent, malgré les défaites électorales, à porter des orientations qui ont été sanctionnées par les Françaises et les Français.
Il appartient désormais à l’actuel gouvernement de préciser ses intentions économiques et d’infléchir les positions précédentes s’il ne veut pas se condamner à l’impuissance politique.
Brice GAILLARD, Secrétaire national du Parti Socialiste en charge du budget, de la planification écologique et des nouveaux indicateurs de richesse