Thème : Logement
Selon le dernier rapport de la Fondation Abbé Pierre, la France compte environ 3,9 millions de personnes mal logées. Parmi elles, près de 150 000 personnes sans domicile fixe (SDF) dont 30 000 sans-abri, 45 000 logées à l’hôtel (dont 32 000 en Île-de-France chaque nuit), 100 000 dans des habitations de fortune (cabanes, camping, mobil home, etc.) et 650 000 hébergées chez des tiers, soit un total de près d’un million de personnes supplémentaires. Il convient d’ajouter trois millions de personnes vivant dans des logements privés de confort ou en surpeuplement dit accentué. Enfin, plus de dix millions sont considérées comme fragilisées par rapport au logement (copropriété en difficulté, impayés de loyers, surpeuplement au sens large, effort financier excessif, précarité énergétique, etc.). Ainsi, ce sont près de 15 millions de personnes qui sont touchées par la crise du logement.
« Chaque fois que l’on refuse 1 milliard pour le logement, c’est 10 milliards que l’on prépare pour les tribunaux, les prisons, les asiles de fous. » L’abbé Pierre
LUTTER CONTRE LES INÉGALITÉS PAR L’ACCÈS À LA PROPRIÉTÉ
Développer le dispositif de société civile immobilière d’accession progressive à la propriété (SCIAPP), pour permettre aux ménages qui le souhaitent de rentrer dans un processus d’accession à la propriété.
En effet, la hausse des prix de l’immobilier est un facteur indéniable d’augmentation des inégalités. Les prix des logements les moins chers, ceux que les classes moyennes inférieures pouvaient s’offrir, sont ceux qui ont le plus augmenté depuis 1988. Le montage en SCIAPP est un montage innovant qui permet à des personnes qui n’ont pas accès au crédit bancaire, du fait de leurs revenus ou de leur âge, d’entrer dans un processus d’accession progressive à la propriété, par acquisition planifiée de parts sociales de la SCI propriétaire de leur immeuble. Aussi, une attention particulière sera portée au développement du PSLA (prêt social location-accession) – tout en prêtant attention au prix de sortie au mètre carré.
D’après la Direction des études du ministère des Affaires sociales (DRESS), en 2013, parmi les 25 % des familles les plus modestes, seules 16 % étaient propriétaires. À l’autre bout de l’échelle, parmi les 25 % les plus aisées, 66 % possédaient leur résidence principale.
TRAITER DE MANIÈRE SPÉCIFIQUE LES BESOINS DES JEUNES
Lancer un programme pluriannuel pour le logement des jeunes, préalable indispensable pour créer les conditions de leur autonomie. Adapter les solutions d’hébergement et les aides au logement aux modes de résidence non standards : colocation, résidence intergénérationnelle, logement transitoire ou adapté aux alternants…
RECONNAÎTRE RÉELLEMENT LE DROIT AU LOGEMENT
Préconiser l’inscription du droit au logement dans la Constitution, aux côtés du droit aux ressources de base (eau, nourriture saine, électricité, transports publics, télécommunications…).
Revoir la composition du Conseil national de l’habitat : y intégrer des citoyens tirés au sort et des représentants du monde associatif agréés par l’État.
METTRE EN PLACE UNE GARANTIE UNIVERSELLE DES LOYERS
Mettre en place une garantie universelle des loyers, afin de permettre à tous d’accéder au parc locatif privé. Celle-ci étant assortie de quelques obligations comme le plafonnement du loyer pour le bailleur ou des mesures répressives pour un locataire dont la mauvaise foi est avérée. En outre, cette mesure permet de faciliter la mobilité géographique des personnes en recherche d’emploi.
En effet, malgré le faible taux d’impayés (2 à 3 %), les bailleurs ne se sentent pas en sécurité et restent frileux en matière d’investissementsur le marché locatif. Du côté du marché locatif privé, il est souvent difficile de trouver une location sans qu’une caution personnelle des parents (ou des enfants) ne soit demandée. En outre, les garanties de loyers mises en place par les assureurs restent très sélectives dans le choix des candidats locataires et de plus en plus onéreuses pour les bailleurs.
À Paris, une offre de location d’une petite surface peut attirer jusqu’à plus d’une cinquantaine de postulants, dont certains ont vu leur dossier refusé plusieurs dizaines de fois.
AUGMENTER L’OFFRE DE LOGEMENTS PAR LA PRODUCTION NOUVELLE
Rappeler aux collectivités locales que, à l’exception des espaces dont la valeur patrimoniale est reconnue, qu’il s’agisse de quartiers historiques, de bâtiments exceptionnels ou d’espaces naturels à protéger, l’ensemble de l’agglomération est constructible. En effet, dans les zones tendues, l’indisponibilité et le coût du foncier sont souvent mis en avant pour expliquer l’incapacité à produire du logement. Ces éléments ne peuvent toutefois être retenus. Des terrains faiblement bâtis sur lesquels on peut encore construire existent.
Rappeler aussi que le développement durable implique la densification de la ville existante et non le rejet en périphérie des constructions nouvelles
Renforcer la politique de mobilisation du foncier public (l’État et ses établissements publics) en faveur du logement et élargir son périmètre aux collectivités territoriales. Lancer un plan d’investissement de plusieurs dizaines de milliards d’euros pour doper la construction et remettre à niveau le parc existant, en vue de construire plusieurs centaines de milliers de logements sociaux et plus d’un millier de Pôles territoriaux de coopération économique (PTCE). Ce plan sera adossé à une caisse d’amortissement à long terme sur le modèle de la CADES (Caisse d’amortissement de la dette sociale) et à un redéploiement partiel du Fonds de réserve des retraites.
CRÉER UNE OFFRE DE LOGEMENTS EN ADÉQUATION AVEC LES BESOINS
La construction de logements pour lutter contre les inégalités sociales et économiques est une chose, la livraison de ces logements aux personnes qui en ont réellement besoin en est une autre. Il convient ainsi de distinguer la production de l’attribution : qu’est-ce qu’on produit et où ?
1,8 million de ménages sont en attente d’un logement social.
Le dispositif Scellier a montré l’échec d’une politique visant à produire massivement du logement, sans distinguer la géographie des besoins (le chiffre de 500 000 logements n’a plus de réalité, il part d’un postulat lié à une mauvaise estimation des besoins).
L’ouverture de droits à construire dans une commune déficitaire en logements sociaux doit permettre in fine de produire du logement social et non des résidences secondaires.
Pour toutes ces raisons, nous proposons l’ensemble de mesures qui suivent :
∙ Transférer aux intercommunalités, qui s’articulent avec les bassins de vie, les compétences en matière d’urbanisme. En effet, la commune reste aujourd’hui maîtresse de son urbanisme, et nous
assistons donc à des politiques très peu ambitieuses, voire malthusiennes, régies par la contrainte (loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU, par exemple) et non par la volonté d’élaborer un projet de développement.
∙ Créer un commissariat de l’aménagement qui interviendra en qualité de financeur et conseiller technique dans les projets des collectivités. Il facilitera la création de quartiers en phase avec les besoins en logements et équipements, en conformité avec la planification écologique mise en œuvre au niveau de l’État, notamment en ce qui concerne le foncier encore disponible.
∙ Renforcer la loi SRU sur le logement social afin d’inciter les communes à respecter la loi en matière de mise à disposition de logements sociaux. Faire intervenir l’État sur le plan opérationnel pour construire, le cas échéant, des biens d’utilité publique, à commencer par les logements sociaux.
∙ Permettre aux opérateurs locaux intervenant en faveur du logement social de formaliser une offre complète dans un contrat local de développement du logement social, à l’échelle des territoires impliqués en matière d’habitat : villes, établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), Conseils départementaux…
AUGMENTER L’OFFRE DE LOGEMENTS PAR LA MOBILISATION DU PARC EXISTANT ET L’ACCOMPAGNEMENT D’AUTRES MANIÈRES DE CONSTRUIRE ET D’HABITER
Flécher une partie du FRR (Fonds de réserve des retraites) pour donner à l’ANAH (Agence nationale de l’habitat) des moyens beaucoup plus conséquents lui permettant d’intervenir sur la réhabilitation du parc privé, en particulier celui, fourni, de petits propriétaires occupants dont les conditions d’habitat sont dégradées. Cette mesure, permettant à des habitants de rester chez eux, préviendra un afflux supplémentaire vers le parc social et contribuera à lutter contre la désertification croissante du centre de bourgs et de petites villes.
Amplifier les actions d’auto-réhabilitation et d’auto-construction accompagnées, qui permettent tout à la fois de travailler sur l’habitat, sur la manière d’habiter et sur l’insertion sociale.
Financer et mobiliser le secteur associatif pour ces trois types d’actions (réhabilitation, auto réhabilitation et auto-construction) et utiliser les ressources dégagées par le développement du service civique.
Initier ou accompagner beaucoup plus fortement, notamment sur le plan technique, les projets d’habitats participatifs, de logements intergénérationnels, les éco-quartiers et éco-hameaux, ainsi que les plateformes collaboratives locales ou spécialisées, afin de favoriser une diversification de l’offre de logements et une meilleure adéquation avec des besoins ou des modes d’habiter spécifiques.
Ne sous-estimons pas la capacité des citoyens à trouver eux-mêmes des solutions à leurs problèmes de logement et permettons-leur de les mettre en œuvre !
Mieux mobiliser le parc privé, pour élargir l’offre à caractère social, par un plus grand développement de « l’usufruit social » (un bailleur achète l’usufruit du logement, pour une durée prédéfinie, à un acquéreur privé qui n’achète que la part en nue-propriété puis devient propriétaire de l’ensemble à la fin du contrat). De la même manière, développer les systèmes de gestion et d’intermédiation locatives – comme à Paris – et les dispositifs de contrôle de la spéculation locative. Il est même envisageable de proposer aux bailleurs privés, sous conditions de prix et de qualité du logement, de bénéficier des services habitat des collectivités.
Premier signataire :
Mathieu GITTON secrétaire de section de Belgique