UN NOUVEL ÉLAN POUR L'EUROPE : VERS UNE PLANIFICATION ÉCOLOGIQUE ET SOCIALE RENFORCÉE

Thème : Europe


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UN NOUVEL ÉLAN POUR L'EUROPE : VERS UNE PLANIFICATION ÉCOLOGIQUE ET SOCIALE RENFORCÉE

 

« Si l’élaboration des politiques européennes compromet la cohésion et sacrifie des normes sociales, le projet européen n’a aucune chance de recueillir le soutien des citoyens européens. » Jacques Delors

À l'heure où le spectre du dérèglement climatique assombrit chaque horizon, où les crises sociales et économiques exacerbent les inégalités déjà criantes, l'Europe doit impérativement réinventer son avenir autour d'un projet commun ambitieux et solidaire. Face aux dogmes néolibéraux qui ont longtemps prévalu, il est temps de promouvoir une politique profondément humaniste, écologique et équitable, guidée par une « boussole du progrès » véritablement à la hauteur des défis contemporains.

VERS UNE DEUXIÈME ÉTAPE DU PACTE VERT

Si le Pacte vert européen, adopté après les élections de 2019, a posé les fondations nécessaires à une bifurcation écologique, force est de constater que sa première phase demeure largement insuffisante face aux enjeux actuels. Entre réformes inachevées et persistance de l'orthodoxie libérale, nous devons reconnaître avec lucidité que le plus difficile reste à accomplir. Les prochaines élections européennes de 2024 offrent une opportunité historique pour réaligner les calendriers politiques et engager une deuxième étape décisive du Pacte vert. Celleci devra remettre à plat l'ensemble des politiques européennes, les orientant vers une transition écologique radicale et juste.

DE NOUVEAUX OUTILS POUR UNE TRANSITION JUSTE

Afin de réussir cette transition d'envergure, nous devons impérativement renforcer l'ancrage environnemental au sein des traités européens. En modifiant l'article 37 de la Charte des droits fondamentaux pour y inscrire explicitement le droit à un environnement sain, nous affirmerons notre engagement solennel envers la biodiversité, la qualité de l'air, de l'eau et des sols, tout en intégrant les dimensions sanitaires et environnementales des pollutions.

Une gouvernance plus ouverte, transparente et participative est également nécessaire. Nous proposons ainsi la création d'un forum européen du Pacte vert qui, tous les six mois, avant chaque Conseil européen, associerait les syndicats, les ONG, les collectivités locales et l'ensemble des citoyens dans un exercice démocratique inédit de suivi et d'évaluation.

LA JUSTICE CLIMATIQUE AU CŒUR DE NOS ENGAGEMENTS

Le progrès écologique ne saurait se réaliser au détriment des plus vulnérables. Face aux menaces que représentent la hausse des prix, la précarité énergétique ou les bouleversements économiques engendrés par la transition, nous devons mettre en place un véritable Pacte européen pour la justice climatique. Celuici devra comporter un paquet législatif complet incluant le renforcement des fonds dédiés, un revenu minimum garanti, des règles plus strictes sur la gouvernance des entreprises et un plan de lutte contre les vulnérabilités sociales et territoriales.

LA RÉSILIENCE : UN DEVOIR DE VÉRITÉpage1image17866672 

Face aux réalités incontournables du changement climatique, l'Europe ne peut plus se réfugier derrière le langage ambigu d'une résilience mal définie. Une stratégie juridiquement contraignante d'adaptation au changement climatique est indispensable, articulée autour d'une planification rigoureuse des investissements et des actions collectives. Les États membres devront établir et mettre en œuvre des stratégies nationales spécifiques d'adaptation, financées et supervisées à l'échelle européenne pour garantir efficacité et équité.

SOBRIÉTÉ ET SOLIDARITÉ EUROPÉENNE

Pour accompagner ces mutations profondes de nos modes de vie, nous devons promouvoir la sobriété comme une valeur collective. Un forum européen de la sobriété, porté par la société civile, permettra de structurer et diffuser à grande échelle les initiatives locales et nationales exemplaires, faisant ainsi de cette démarche un vecteur de citoyenneté européenne renforcée.

LA RÉDUCTION DES ÉMISSIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE : VERS UN BUDGET CARBONE EUROPÉEN

Les objectifs européens actuels de réduction des émissions doivent impérativement intégrer les émissions importées et être dissociés clairement des objectifs d'absorption du carbone. La mise en place d'un budget carbone européen, établi sur des périodes quinquennales jusqu'à 2050, garantira une répartition équitable des efforts entre États membres et assurera une trajectoire ambitieuse de décarbonation intégrale.

UNE AMBITION RENOUVELÉE POUR LA BIODIVERSITÉ

Face à l'effondrement dramatique de la biodiversité, la restauration des écosystèmes les plus dégradés doit devenir une priorité absolue. La sortie rapide et définitive du glyphosate, l'abandon progressif des pesticides et la restauration active des sols devront être au cœur des politiques agricoles européennes renouvelées, inscrivant l'Europe comme leader d'une agriculture saine et durable.

LA SCIENCE ET L'INNOVATION AU SERVICE DE L'HUMANITÉ

Enfin, il convient de dépasser le faux dilemme entre changement de modèle et innovation scientifique. Tout en affirmant notre confiance dans la science et l'innovation, nous devons adopter une approche rigoureusement encadrée par le principe de précaution, la transparence et le débat démocratique. Cela implique une recherche libre et indépendante, protégée des intérêts industriels et capable de répondre aux grands défis de notre époque.

PROPOSITIONS

En conclusion nous proposons :

1. Aller au bout du pacte vert : Le pacte vert pour l’Europe est la stratégie de l’UE pour atteindre la neutralité climatique d’ici à 2050 et faire face aux défis environnementaux. Il comprend des mesures dans des domaines tels que le climat, l’énergie, les transports, l’agriculture, la biodiversité ou la finance durable. Je m’engage à soutenir et à renforcer le pacte vert, en veillant à ce qu’il soit mis en œuvre de manière cohérente, ambitieuse et solidaire. Je propose notamment de :

o Relever l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de l’UE à au moins 60 % d’ici à 2030 par rapport à 1990, au lieu des 55 % actuels

o Accélérer le déploiement des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique, en fixant des objectifs contraignants pour les États membres et en mobilisant des financements publics et privés.

o Développer une mobilité durable et décarbonée, en favorisant les transports publics, le ferroviaire, le vélo et la marche, en réduisant la part de l’aviation et du routier, et en instaurant une taxe carbone aux frontières de l’UE.

o Promouvoir une agriculture biologique et agroécologique, respectueuse de la biodiversité, du bienêtre animal et de la santé des consommateurs, en réformant la politique agricole commune (PAC) et en soutenant la transition des agriculteurs.

o Protéger et restaurer la biodiversité, en créant un réseau européen d’aires protégées couvrant au moins 30 % du territoire et des eaux de l’UE, en interdisant les pesticides les plus nocifs et en luttant contre le commerce illégal d’espèces sauvages.

o Intégrer la finance durable dans le système financier européen, en renforçant les obligations de transparence et de responsabilité des acteurs financiers sur les impacts environnementaux et sociaux de leurs activités, en orientant les investissements vers les projets verts et en désinvestissant des activités polluantes.

2. Prendre le tournant de la justice écologique : La transition écologique ne peut réussir que si elle est juste et équitable, c’estdire si elle prend en compte les besoins et les droits de tous les citoyens, notamment les plus vulnérables et les plus affectés par les conséquences du changement climatique et de la dégradation de l’environnement. Je m’engage à promouvoir la justice écologique, en veillant à ce que la transition écologique soit accompagnée de mesures sociales et solidaires. Je propose notamment de :

o Créer un fonds européen pour la justice sociale et climatique, doté de 100 milliards d’euros par an, pour financer des actions visant à réduire la précarité énergétique, à soutenir la reconversion professionnelle des travailleurs des secteurs en déclin, à favoriser l’accès à l’éducation environnementale et à renforcer la participation citoyenne aux politiques écologiques.

o Mettre en place un revenu minimum européen, garanti à tous les citoyens de l’UE qui se trouvent sous le seuil de pauvreté, afin de leur assurer un niveau de vie décent et de leur permettre d’accéder aux biens et services essentiels, notamment écologiques.

o Développer une fiscalité écologique juste et progressive, qui incite à réduire les émissions de gaz à effet de serre tout en tenant compte du pouvoir d’achat des ménages et des entreprises. Cette fiscalité serait basée sur le principe du pollueurpayeur, mais aussi sur celui du redistributeurbénéficiaire, c’estdire que les recettes seraient affectées à des mesures sociales et écologiques.

o Renforcer la coopération internationale pour la justice écologique, en soutenant les pays les plus pauvres et les plus vulnérables face au changement climatique, en augmentant l’aide publique au développement, en annulant la dette écologique des pays du Sud, en promouvant le transfert de technologies vertes et en défendant les droits humains et environnementaux dans les accords commerciaux.

Le financement de la transition écologique est un enjeu majeur, qui nécessite des moyens à la hauteur des ambitions. Nous proposons de financer ces propositions par trois sources principales :

3. Le budget de l’Union européenne : L’UE dispose d’un budget pluriannuel pour la période 20212027, qui s’élève à 1 074 milliards d’euros. Ce budget intègre le pacte vert pour l’Europe, qui est la stratégie de l’UE pour atteindre la neutralité climatique d’ici à 2050 et faire face aux défis environnementaux1. Le pacte vert prévoit de consacrer au moins 30 % du budget de l’UE à des

dépenses liées au climat, soit plus de 320 milliards d’euros sur sept ans. Le pacte vert comprend également un mécanisme pour une transition juste, doté de 17,5 milliards d’euros, qui vise à soutenir les régions les plus touchées par la transition écologique.

4. Le plan de relance européen : Face à la crise économique et sociale provoquée par la pandémie de Covid19, l’UE a adopté un plan de relance exceptionnel, baptisé Next Generation EU, qui mobilise 750 milliards d’euros sous forme de prêts et de subventions aux États membres. Ce plan de relance est étroitement lié au pacte vert, puisque chaque État membre doit consacrer au moins 37 % de son enveloppe nationale à des investissements et des réformes favorables au climat2. Ainsi, le plan de relance européen représente une opportunité historique de financer la transition écologique tout en soutenant la reprise économique.

5. La finance durable : Il s’agit d’intégrer les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans le système financier européen, afin d’orienter les flux financiers vers les activités vertes et durables, et de réduire les risques liés au changement climatique. L’UE a adopté un plan d’action pour la finance durable, qui comprend plusieurs mesures, telles que :

o La taxinomie de l’UE, qui est un système de classification des activités économiques selon leur contribution à la transition écologique. La taxinomie permet aux investisseurs d’identifier les projets verts et d’éviter le greenwashing, c’estdire la communication trompeuse sur les performances environnementales.

o Les obligations vertes européennes (EuGB), qui sont des titres de dette émis par l’UE pour financer des projets écologiques alignés sur la taxinomie. L’UE prévoit d’émettre jusqu’à 250 milliards d’euros d’EuGB dans le cadre du plan de relance européen, ce qui fera de l’UE le plus grand émetteur mondial d’obligations vertes.

o Les normes minimales harmonisées pour les labels verts, qui visent à garantir la qualité et la crédibilité des produits financiers verts, tels que les fonds d’investissement ou les produits d’épargne. Ces normes permettront aux investisseurs et aux épargnants de choisir des produits financiers verts en toute confiance.

Voilà, comment nous comptons financer nos propositions pour la bifurcation écologique de l’Europe et de ses politiques. Nous sommes convaincus que ces sources de financement sont suffisantes, réalistes et équitables. Elles permettront de mobiliser les ressources publiques et privées nécessaires pour faire face à l’urgence climatique et environnementale.

Face aux défis immenses auxquels nous sommes confrontés, l'Europe doit se hisser à la hauteur de ses responsabilités historiques. En refondant le Pacte vert européen autour des principes de justice climatique, de solidarité sociale et de planification démocratique, nous bâtirons une société européenne plus juste, durable et résiliente. C'est à cette tâche ardue mais exaltante que nous devons désormais consacrer toute notre énergie et toute notre volonté collective.


Contributeur : Mathieu GITTON membre du bureau national des adhésions


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