Un système judiciaire pour servir et protéger


Thème : Justice


Notre police, de par le fossé qui la sépare de la population, notre Justice, dont la lenteur est devenue proverbiale, notre système pénitentiaire, qui crée des délinquants plus qu’il n’en remet dans le droit  chemin, sont au cœur de multiples critiques. Il faut bien sûr augmenter les moyens humains et  techniques qui leur sont attribués, mais l’accroissement de leur efficacité ne se réduit pas à une  mesure budgétaire. C’est dans l’attitude même des forces de l’ordre qu’il faut rechercher un progrès,  afin de redorer leur blason et de les rapprocher de la population au service de laquelle elles sont  censées se trouver. C’est dans l’indépendance des magistrats et dans la mise en place d’une Justice  restauratrice et plus seulement punitive qu’il convient d’aller. 

« Faire justice est bien. Rendre justice est mieux. » Victor Hugo 

REDONNER À LA POLICE SES LETTRES DE NOBLESSE ET LES MOYENS D’AMÉLIORER SES  CONDITIONS DE TRAVAIL 

Rendre exemplaire ce service conçu pour protéger et servir, former les agents à une relation de  confiance avec le public, les doter de meilleurs moyens notamment pour les missions de prévention  des délinquances. 

La France est le pays d’Europe où la confiance de la population dans sa police est la plus faible et où la  défiance des policiers envers les citoyens est la plus forte. 

Définir avec les forces de l’ordre les moyens d’améliorer leurs conditions de travail et leur efficacité,  et recentrer leurs missions sur le terrain, via la diminution des « tâches indues » qui leur incombent. 

Prendre en compte l’avis de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) sur  la prévention des pratiques de contrôles d’identité abusives et/ou discriminatoires 

ADAPTER LA LUTTE CONTRE LES MENACES TERRORISTES 

Adapter les moyens humains et techniques des services de renseignement aux menaces terroristes.  En leur attribuant les effectifs, les compétences et les ressources matérielles nécessaire pour faire face  à l’évolution des menaces dirigées contre la société (attentats, cyber-terrorisme…). 

Intégrer les services de renseignement intérieur et extérieur, afin de mieux lutter contre le terrorisme. 

Redéfinir notre politique étrangère et de défense, qui détermine le niveau d’exposition de notre pays  à l’essentiel des attaques à caractère terroriste. 

Mettre en place d’une politique de prévention de la violence et de préservation de la paix sociale,  incluant des services de santé mentale bien dotés et présents. 

L’auteur de l’attentat au camion de Nice en juillet 2016 était dépressif et décrit comme mentalement  instable par son propre père, et avait été en contact avec les services psychiatriques. 

Concentrer les efforts de prévention du terrorisme sur les lieux de recrutement qui sont les prisons  (voir plus bas, « Mettre en place en milieu carcéral une vraie politique de réinsertion » et « Lancer un  plan d’urgence pour les prisons »), les assemblées clandestines et le « web profond ».

Plaider à Bruxelles pour une meilleure coopération européenne en matière de sécurité et de défense,  notamment pour la création d’une police européenne chargée des crimes transfrontières. 

HUMANISER LES CONDITIONS DE GARDE À VUE 

Définir et enseigner aux fonctionnaires de police et aux militaires de la gendarmerie une doctrine claire  et équilibrée relative à l’usage des mesures de sécurité appliquées aux personnes gardées à vue et  soumettre ces agents un régime de responsabilité compatible avec une application individualisée et  mesurée de cette doctrine. 

Renoncer à héberger de nuit des personnes gardées à vue dans des unités de gendarmerie qui ne  disposent pas des moyens nécessaires pour assurer des conditions de séjour dignes et une surveillance  suffisante. Pour cela prévoir leur hébergement dans un service de police ou de gendarmerie dans  lequel la surveillance est constante. 

Procéder de manière rigoureuse aux contrôles hiérarchique et judiciaire dans les services de police les  plus sollicités et mettre en place un suivi des préconisations formulées à l’occasion de ces contrôles. 

Prendre toute mesure utile pour que les fonctionnaires de police ou les militaires de la gendarmerie  qui ont à prendre en charge des étrangers retenus pour vérification du droit au séjour connaissent et  appliquent les mesures adaptées à la situation de cette catégorie de personnes privées de liberté. 

Prendre des mesures spécifiques adaptées à la dignité de la femme et préconisées par le Contrôleur  général des lieux de privation de liberté. 

RENDRE LA JUSTICE PLUS EFFICACE 

Doter la Justice des moyens dignes d’un pays développé, la rendre plus simple et rapide, plus accessible  et sans passe-droit, notamment en suivant les conclusions de la mission d’information sur le  redressement de la Justice : 

Relever le budget et les effectifs de la Justice par le vote d’une loi de programmation quinquennale  La France consacre 1,9 % de son budget à la Justice, pour 2,2 % en moyenne dans le reste de  l’Europe (37e sur 45 pays). Plus de la moitié est consacrée à l’administration pénitentiaire et non  aux tribunaux ou à l’aide judiciaire. 

Réduire les délais de jugement, en renforçant les moyens humains et en résorbant les vacances de  postes de magistrats et de fonctionnaires des juridictions, en modernisant le service public de la  Justice via les nouvelles technologies, en allégeant la charge des juridictions, notamment par  l’encouragement des modes alternatifs de règlement des litiges, et en simplifiant et  dématérialisant les procédures. 

Améliorer la qualité des décisions de Justice, en première instance comme en appel, en renforçant  le travail collectif et collégial au sein des juridictions, en recentrant le juge sur sa fonction, grâce  au développement d’une équipe de collaborateurs, en améliorant les conditions matérielles de  travail des personnels et en créant un nouveau modèle de cour d’appel, fondé sur la notion de  taille efficiente. 

Renforcer la proximité de l’institution judiciaire, en particulier pour les litiges de la vie courante,  en créant un tribunal départemental unique de première instance, en principe départemental et  comportant plusieurs sites en remplacement des actuels tribunaux d’instance et de grande  instance. 

Dématérialiser la procédure judiciaire, ce qui présentera des avantages écologiques et  économiques du fait de la diminution de la consommation de papier, mais aussi procéduraux du  fait de la facilité de transfert et d’accès à l’information.

Assurer un financement pérenne de l’aide juridictionnelle, tout en renforçant le contrôle de son  attribution et en mobilisant mieux la protection juridique assurantielle (rétablir un « droit de  timbre » pour l’accès à la Justice, modulable en fonction du type d’instance et assurant le bon  contrôle de l’attribution de l’aide) 

METTRE EN PLACE UNE JUSTICE RESTAURATRICE 

La justice doit être incitative et plus seulement punitive, des alternatives à l’emprisonnement doivent  être développées ainsi que des plateformes externes d’accompagnement ouvertes en continu : 

Favoriser les initiatives financées par les citoyens 

Dépénaliser plusieurs infractions, comme les délits de racolage passif et de mendicité  agressive, de transformer certains délits passibles de prison en contravention de 5e classe,  c’est-à-dire en simple amende (usage de stupéfiants, et, hors récidive, de la conduite sans  permis ou sous l’emprise de l’alcool) 

Créer une peine de substitution (« peine de probation »), alternative à la prison, pour certains  délits 

Faire de la détention provisoire (incarcération entre le moment des faits et celui du jugement)  une « mesure exceptionnelle » 

Automatiser la libération conditionnelle : le rapport propose également, pour les condamnés  à moins de cinq ans de prison, une libération conditionnelle automatique aux deux-tiers de  leur peine, sauf opposition motivée d’un juge. Pour les condamnés à plus de cinq ans, serait  automatisé un examen de leur situation en milieu de peine. Actuellement, un détenu peut  faire une demande de libération conditionnelle à mi-peine, ou aux deux-tiers s’il est récidiviste,  mais il n’y a aucune automaticité 

Créer un numerus clausus des places en prison.  

Actuellement en France : environ 80 000 personnes sont condamnées à la prison dont 70 000 seulement  sont incarcérées, pour une capacité de 60 000 personnes environ. 

GARANTIR LA SPÉCIFICITÉ DE LA JUSTICE DES MINEURS 

Garantir, en toute circonstance, la spécificité de la Justice pénale des mineurs, conformément aux  engagements internationaux de la France. 

Un enfant délinquant est d’abord un enfant en danger 

METTRE EN PLACE EN MILIEU CARCÉRAL UNE VRAIE POLITIQUE DE RÉINSERTION

Orienter la politique d’emprisonnement vers la réinsertion et l’humaniser, pour éviter la surcharge des  prisons, source de récidive et de radicalisation. 

Près de 40 % des condamnés sont récidivistes D’après une étude du Centre international d’étude de la  radicalisation (ICSR) de Londres, 57 % des djihadistes étudiés ont passé du temps en prison avant leur  radicalisation, et 27 % s’y sont radicalisés. 

Donner l’opportunité aux détenus de longue durée d’améliorer leur niveau de formation et d’obtenir  une qualification ou un diplôme leur permettant une réinsertion. 

43,4 % des prisonniers sont sans diplôme et 76,2 % ne dépassent pas le niveau CAP (Enquête de  l’administration pénitentiaire en 2014) 

Mettre en place, en s’inspirant du modèle suédois, un accompagnement des prisonniers vers la liberté.

Préparer longtemps à l’avance la remise en liberté, ce qui implique de renforcer  considérablement les moyens humains des Services pénitentiaires d’insertion et de probation.  Contrairement à la France et à ses 80 % de sorties sèches, la Suède a mis en place un « sas de  sortie », qui permet l’accompagnement progressif des prisonniers vers la liberté. Les  halvvagshus (maisons de mi-parcours), dont les résidents ont souvent purgé de longues  peines, en sont un exemple. 

Généraliser la libération conditionnelle aux deux-tiers de la peine. Le service des probations  n’a pas seulement la responsabilité de surveiller les ex-détenus, mais aussi de leur fournir un  programme de traitement, en cas de dépendance à l’alcool, à la drogue, ou de problèmes de  violence. Si, en France, chaque conseiller d’insertion et de probation suit, selon les syndicats,  autour de 130 personnes, en Suède, c’est plutôt de 30 à 35. Par ailleurs, les agents publics y  sont épaulés par plus de 4 000 superviseurs bénévoles, appelés quand l’administration estime  qu’un soutien additionnel est nécessaire. 

Permettre aux magistrats d’utiliser un arsenal de sanctions alternatives: bracelets  électroniques, surveillance électronique, sursis avec mise à l’épreuve, travail d’intérêt général,  injonction de soins. En Suède, 4 300 condamnés sont sous écrou et 13 000 purgent leur peine  à l’extérieur. 

Permettre que la peine soit purgée avec dignité. Les détenus suédois sont par exemple en  chambre individuelle ou exceptionnellement double, dans les conditions les plus proches de  la vie normale. 

Permettre aux détenus de garder le contact avec leur famille et leurs amis, afin de faciliter la  réinsertion, sauf contre-indication posée par le juge. 

Généraliser la possibilité de travailler en prison, ce qui est un facteur de facilitation pour la  réinsertion. Aujourd’hui en France, seuls environ 30 % des détenus ont cette possibilité.


Premier signataire :

Mathieu GITTON secrétaire de section de Belgique


 

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