Un toit pour étudier, un droit pour réussir : l'urgence du logement étudiant


Thème : Logement


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Le logement est l’un des premiers déterminants de la réussite universitaire. Pourtant, en France, plus d’ 1,5 million d’étudiants sont en situation de mal-logement et 87 000 ont entamé l’année universitaire 2023 sans solution d’hébergement stable. Les loyers dans le parc privé atteignent des sommets, absorbant parfois jusqu’à 70 % du budget mensuel des étudiants. À Paris, un studio moyen coûte plus de 900 euros, une somme largement inaccessible pour la majorité des étudiants dont le revenu médian avoisine 800 euros par mois. Cette crise s’aggrave d’années en années, restreignant l’accès aux études supérieures et accentuant la reproduction des inégalités sociales.

Le manque structurel de logements dédiés aux étudiants est au cœur du problème. Les résidences universitaires publiques sont saturées et ne permettent de loger qu’un quart des étudiants boursiers. Sur ces 10 dernières années,le nombre d’étudiants a augmenté de 20 %, tandis que la capacité d’accueil des résidences du CROUS n’a progressé que de 5 %. Cette pénurie force les étudiants à se tourner vers le marché privé, où ils sont confrontés à des loyers excessifs, des logements parfois insalubres et des exigences financières qu’ils ne peuvent satisfaire. Plus d’un quart des étudiants doivent travailler en parallèle de leurs études pour subvenir à leurs besoins, une situation qui fragilise leur réussite académique et accroît le risque d’échec universitaire.

Face à cette tension sur le marché locatif, la flambée des loyers dans les villes universitaires est devenue un obstacle majeur : à Lyon, Bordeaux et Montpellier, les prix ont bondi de 20 % en cinq ans, poussant les étudiants à s’éloigner de leur campus, rallongeant leur temps de trajet et augmentant leurs frais de transport. La conséquence est directe : près de 60 % des étudiants vivent sous le seuil de pauvreté et un quart d’entre eux envisagent d’abandonner leurs études faute de ressources suffisantes.

Les aides publiques, quant à elles, ne permettent plus de répondre efficacement à cette crise. Les APL ont été réduites ces dernières années et leur mode de calcul, basé sur les revenus en temps réel, pénalise ceux qui alternent entre emploi et périodes de précarité. De plus, le système de garantie locative reste un frein : 30 % des étudiants se sont déjà vu refuser une location faute de garant, une situation qui favorise ceux qui bénéficient d’un soutien parental et exclut les plus précaires. Le dispositif « Visale », bien qu’étant une avancée, est encore trop méconnu et insuffisamment accepté par les bailleurs notamment par crainte de complications administratives.

L’enjeu ne se limite pas seulement à la question du logement : la crise du logement étudiant est aussi une crise de l’autonomie. L’âge moyen de décohabitation en France est de 23,8 ans, bien au-delà de nombreux pays européens où les étudiants bénéficient d’un soutien public renforcé. L’absence d’une politique ambitieuse en matière de logement étudiant force de nombreux jeunes à dépendre financièrement de leur famille, accentuant ainsi les inégalités sociales.

Sans intervention rapide et massive, les inégalités continueront de se creuser et seuls les étudiants issus de milieux favorisés pourront poursuivre des études supérieures dans des conditions dignes. Il est donc urgent d’adopter une approche volontariste, combinant construction massive de logements, régulation du marché locatif et réformes des aides pour garantir à chaque étudiant un droit fondamental : celui d’avoir un toit pour étudier sereinement.

 

Construire et rénover massivement les logements étudiants : une priorité nationale

Pour répondre à la crise du logement étudiant, l'État doit engager un plan de construction et de rénovation des logements étudiants. Les résidences universitaires publiques sont saturées et ne couvrent qu'une fraction des besoins. Cette pénurie de places dans les résidences CROUS pousse les étudiants vers le marché privé, où ils sont confrontés à des loyers excessifs et des exigences financières inaccessibles.

Propositions :

  • Cartographie nationale des terrains : identifier les zones prioritaires pour construire de nouvelles résidences étudiantes sur des terrains publics sous-utilisés. Une cartographie nationale permettrait de repérer les terrains appartenant à l'État, aux collectivités locales ou à divers organismes publics, qui pourraient être utilisés pour la construction de logements étudiants : ces terrains pourraient être cédés à des prix symboliques voire gratuitement pour accélérer la mise en œuvre des projets et réduire les coûts globaux.
  • Simplification des procédures administratives : réduire les délais d'instruction des permis de construire et assouplir les réglementations pour accélérer les projets. Les procédures administratives actuelles sont souvent longues et complexes, retardant la construction de nouveaux logements. Une réforme visant à simplifier ces procédures permettrait de réduire les délais et de faciliter la mise en chantier de nouvelles résidences. Cela pourrait inclure des mesures telles que la réduction des délais d'instruction des permis de construire et l'assouplissement des réglementations freinant l'aboutissement des projets.
  • Financement pérenne : créer un fonds national dédié, alimenté par des dotations publiques et des prêts à taux zéro, pour financer les nouvelles constructions. Le financement des nouvelles résidences doit être assuré par un partenariat entre l'État, les collectivités territoriales et la Caisse des Dépôts, qui a déjà démontré son efficacité dans le financement du logement social. Un fonds national dédié garantirait un financement pérenne pour la construction de logements étudiants, permettant de répondre aux besoins croissants des étudiants.
  • Rénovation thermique et modernisation : rénover 80 000 logements étudiants d'ici 2030 pour améliorer leur performance énergétique et leur confort. Plus de la moitié des logements en cités universitaires datent d'avant 1990 et ne répondent plus aux normes actuelles. Une rénovation thermique d'ampleur permettrait d'améliorer le confort des étudiants et de réduire l'empreinte énergétique du parc universitaire. Cette modernisation doit également inclure la mise aux normes des bâtiments en matière d'accessibilité, de sécurité et de confort.

 

Réguler le marché locatif étudiant : protéger les jeunes face aux abus

Le marché locatif privé, largement dérégulé, expose les étudiants à des loyers excessifs et des pratiques abusives. Il est nécessaire et impératif de renforcer l'encadrement des loyers et de protéger les droits des locataires pour garantir un accès au logement décent et abordable.

Propositions :

  • Encadrement des loyers : généraliser l'encadrement des loyers dans toutes les villes universitaires et renforcer les contrôles et sanctions contre les abus. Dans les grandes villes universitaires, les loyers atteignent des niveaux inaccessibles pour la majorité des étudiants. Par exemple, à Paris, un studio coûte en moyenne 900 euros par mois, et même dans des villes moyennes comme Rennes ou Bordeaux, les prix dépassent 500 euros. L'encadrement des loyers doit être accompagné de contrôles rigoureux et de sanctions réelles contre les propriétaires qui contournent la loi en imposant des loyers abusifs déguisés en « compléments de loyer ».
  • Interdiction des garanties excessives : limiter les exigences de garanties financières et imposer l'acceptation de la garantie Visale pour tous les étudiants. Les étudiants, souvent primo-accédants au marché locatif, sont particulièrement vulnérables aux pratiques abusives de certains propriétaires, qu'il s'agisse de demandes de garanties excessives ou de conditions de logement indécentes. Il est indispensable d'interdire aux bailleurs d'exiger plusieurs garants pour un même logement et de plafonner le dépôt de garantie à un mois de loyer maximum.
  • Lutte contre l'habitat indigne : renforcer les contrôles des logements et sanctionner les propriétaires louant des biens insalubres. Près de 15 % des étudiants vivent dans des logements insalubres ou non conformes aux normes de sécurité. Il est essentiel de renforcer les contrôles des logements étudiants et d'imposer des sanctions sévères aux propriétaires louant des biens indignes. Un label de qualité pourrait être créé pour certifier les logements respectant des critères stricts de décence, d'équipement et de performance énergétique.
  • Développement de solutions alternatives : encourager l'intermédiation locative et la cohabitation intergénérationnelle pour offrir des logements sécurisés et abordables. Le secteur privé restera une composante essentielle du logement étudiant, mais il doit être encadré pour éviter les dérives spéculatives. Encourager l'intermédiation locative permettrait de sécuriser l'accès au logement étudiant en développant des dispositifs comme Louez Solidaire ou Solibail, où les propriétaires confient la gestion de leurs biens à des associations en échange d'une garantie de paiement et d'une exonération fiscale. La cohabitation intergénérationnelle pourrait également être favorisée en mettant en place un réseau national où les étudiants pourraient être logés chez des seniors en échange d'une aide au quotidien.

 

Réformer les aides au logement : garantir l'autonomie des étudiants

Les aides publiques actuelles sont insuffisantes et inadaptées à la réalité financière des étudiants. Il est nécessaire de revaloriser les aides au logement et de faciliter l'accès aux garanties locatives pour permettre à chaque étudiant de se loger sans dépendre des revenus familiaux.

Propositions :

  • Revalorisation des APL : augmenter le montant des APL pour mieux refléter les coûts réels du marché locatif étudiant. Les APL, censées amortir l'impact du loyer sur le budget des étudiants, ont vu leur montant réduit au fil des réformes récentes. Leur mode de calcul, basé sur les revenus en temps réel, pénalise ceux qui alternent entre périodes d'emploi et de précarité. Il est impératif de revaloriser ces aides pour qu'elles correspondent mieux aux réalités du marché locatif étudiant et d'en simplifier les démarches d'attribution pour éviter les délais administratifs qui plongent certains jeunes dans des situations de grande précarité.
  • Généralisation de la garantie Visale : rendre obligatoire l'acceptation de la garantie Visale pour toutes les locations étudiantes. Le dispositif Visale, qui permet aux étudiants sans garant d'accéder à une caution gratuite prise en charge par Action Logement, constitue une avancée. Cependant, il est encore trop peu connu et insuffisamment accepté par les bailleurs. En rendant obligatoire l'acceptation de la garantie Visale pour toutes les locations étudiantes, on sécuriserait les bailleurs tout en supprimant un frein majeur à l'accès au logement, en particulier pour les étudiants issus de milieux modestes ou en rupture familiale.
  • Aide spécifique pour les charges énergétiques : mettre en place un dispositif d'accompagnement pour les étudiants logés dans des logements mal isolés ou aux charges excessives. La précarité énergétique constitue un fardeau supplémentaire pour les étudiants, qui peinent à assumer le coût des charges en plus du loyer. Une aide spécifique doit être mise en place pour prendre en compte ces dépenses, avec un dispositif d'accompagnement pour les étudiants logés dans des logements mal isolés ou aux charges excessives. Il est également essentiel d'inclure ces frais dans le calcul des aides au logement afin de mieux refléter les coûts réels auxquels sont confrontés les étudiants.

Le logement étudiant n'est pas seulement une question de confort ou de commodité ; c'est un pilier fondamental de l'égalité des chances et de la justice sociale. En garantissant à chaque étudiant un toit digne et abordable, nous investissons dans l'avenir de notre société. Chaque jeune mérite de pouvoir se consacrer pleinement à ses études sans être accablé par le fardeau du logement. Agir aujourd'hui, c'est permettre à la génération de demain de rêver, d'innover et de construire un avenir meilleur. Ensemble, faisons en sorte que chaque étudiant puisse non seulement rêver en grand, mais aussi vivre dans un cadre qui lui permette de réaliser ses rêves.

Garantir à chaque étudiant un toit, c’est garantir à chacun le droit de réussir. Le logement étudiant est une urgence sociale et républicaine : il est temps d’en faire une priorité nationale.


Contributeurs : Alexandre Ruiz, Militant dans la section du 12ème arrondissement du Parti socialiste Paris


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