Contribution de la section de Saint-Pourçain-sur-Sioule votée en AG du 3 octobre
Les règles qui s’appliquent dans les domaines de l’agriculture et de l’environnement sont largement inspirées de directives et règlements issues de la politique européenne. Le financement de la politique agricole est un des piliers de la construction de l’Union européenne. Elle a été largement inspirée par la France dont elle a été longtemps la principale bénéficiaire. La PAC a évolué au fil du temps notamment pour s’adapter au commerce international.
Les objectifs de la politique agricole précisés dans l’article 39 du traité de Rome signé en 1957 sont et demeurent :
a) d'accroître la productivité de l'agriculture en développant le progrès technique, en assurant le développement rationnel de la production agricole ainsi qu'un emploi optimum des facteurs de production, notamment de la main-d’œuvre ;
b) d'assurer ainsi un niveau de vie équitable à la population agricole, notamment par le relèvement du revenu individuel de ceux qui travaillent dans l'agriculture ;
c) de stabiliser les marchés ;
d) de garantir la sécurité des approvisionnements ;
e) d'assurer des prix raisonnables dans les livraisons aux consommateurs.
Il faut recontextualiser ces objectifs. A l’époque, la reconstruction du Pays et de l’Europe était la priorité. Mais sont-ils toujours d’actualité ?
-Les progrès dans le domaine de l’agriculture sont incontestables au niveau de la production et de la technicité. Au lendemain de la guerre, la France ne produisait que la moitié du blé qu’elle consommait. Elle comptait un peu plus de 40 millions d’habitants. Aujourd’hui, avec une population qui a augmenté de plus de 50%, notre production dépasse d’environ 20% notre consommation. Des efforts considérables ont donc bel et bien été réalisés. Mais depuis longtemps, des scientifiques démontrent les limites du système de production intensive notamment sur la santé humaine et sur l’environnement. L’autosuffisance alimentaire n’est pas acquise notamment pour la production des fruits, des légumes, du poisson... sans compter notre dépendance énergétique dans le modèle agricole de type intensif.
-Bien entendu que le revenu d’un agriculteur dans les années 50 était souvent très modeste. Mais 70 ans plus tard le revenu moyen d’un agriculteur est très en deçà de ce qu’il devrait être. Il est un peu au-dessus du SMIC pour un nombre d’heures travaillées très élevées. Les inégalités salariales au sein de la profession sont fortes. Leur salaire n’est pas issu essentiellement de la vente de leur production mais est constituée d’une part importante de subventions. Le système est donc très fragile.
-Quant à la stabilité des marchés prônée à l’époque, les règles du commerce mondiales ont favorisé des spéculations très importantes sur les denrées alimentaires de première nécessité déstabilisant la profession et engendrant des famines de grande ampleur dans le monde.
-Enfin les prix des denrées agricoles ne sont pas suffisamment rémunérateurs pour le producteur. Côté consommateurs, les prix pour des produits de qualité et issue d’une production locale restent souvent peu abordables pour bon nombre de français.
Si certains objectifs initiaux ont été atteints, des effets négatifs ont été induits dans le système de productions.
D’une politique de soutien des prix agricoles qui a contribué à une surproduction, la Politique Agricole Commune a ensuite privilégié un système d’aide directe lié à la superficie qui a conduit à concentrer les exploitations. Cette concentration a été une aubaine pour la filière du machinisme agricole qui a indirectement profité du système de la PAC. Les fermes se sont spécialisées dans des cultures au détriment de la diversification. L’impact sur l’environnement n’est pas neutre puisqu’il a été démontré l’intérêt des rotations des cultures pour diminuer l’usage des pesticides... La crise sanitaire actuelle a montré en début d’année la fragilité de nos approvisionnements.
Près de 750 000 agriculteurs en 2000, ils représentent aujourd’hui à peine 450 000 soit une chute de 40% en à peine une génération. L’aménagement et le développement de nos territoires ruraux passent par un maintien et un développement de la profession agricole dans des filières de qualité en limitant les intermédiaires souvent nombreux et qui accaparent une part non négligeable de la marge des productions agricoles.
Il est donc temps de revoir les objectifs de la Politique Agricoles Commune et de réorienter les aides pour limiter les concentrations et favoriser l’agriculture familiale. Ces orientations dépendent des règles de l’Union européenne mais aussi de celles que la France décide de mettre en place pour appliquer les directives européennes. Chaque Etat membre a donc des marges de manœuvre pour mettre en place et développer une agriculture respectueuse de l’environnement et à taille humaine.
Le changement climatique constaté depuis plusieurs années nécessite d’adapter nos modes d’exploitations et nos cultures. Or le système continue d’encourager des cultures gourmandes en eau dans des régions dont les étés sont de plus en plus secs. Le système accompagne encore largement les travaux de drainage et d’irrigation. Les prairies disparaissent au profit de cultures intensives. Des cultures souvent destinées à l’industrie (fabrication de l’amidon, de biocarburants...) ou à l’alimentation animale pour des élevages en stabulation. Les cultures intensives dégradent la qualité des sols et détruisent la biodiversité...
Là aussi il ne s’agit pas de détruire la filière industrielle agroalimentaire de surcroit performante et exportatrice. Mais elle doit intégrer la protection de l’environnement et du bien-être animal de manière systématique. Elle doit être un acteur pour accompagner l’agriculture de proximité plutôt que de favoriser sa disparition. Il est nécessaire de réorienter les aides pour soutenir cette production de qualité, valoriser les productions locales, créatrices d’emploi bien rémunéré et respectueuses de l’environnement. Il convient de rééquilibrer nos modes de production. L’agriculture de proximité et l’industrie ont leur place dans une société de 66 millions d’habitants. L’industrie ne doit pas étouffer l’exploitation familiale.
Enfin, les accords sur le commerce international ne doivent pas déstabiliser des filières de production locales avec l’importation de produits qui ne respectent pas les mêmes normes de qualité au niveau sanitaire, social et environnemental. Réciproquement nos excédents ne doivent pas inonder des marchés et déstabiliser les filières locales dans les pays en voie de développement. Un nouveau modèle de coopération doit être proposé.
Signataire :
François DARD, Saint-Pourçain-sur-Sioule (03).