Une autre « loi recherche » est possible

Mardi 17 novembre 2020

 

Olivier Faure, Premier secrétaire du Parti socialiste

Isabelle This Saint-Jean, secrétaire nationale aux Études et à la Prospective

Yannick Trigance, secrétaire national à l'Éducation et à l'Enseignement supérieur

 

Le projet de loi pour la recherche (LPPR) arrive en dernière lecture à l'Assemblée nationale aujourd'hui. Le Parti socialiste fait part de son opposition à ce texte et apporte son soutien aux universitaires et aux personnels de la recherche mobilisés.

 

En effet, contrairement à la communication du gouvernement, cette loi insincère financièrement n'apportera pas les moyens indispensables à la recherche et à l'université. Ce point a d'ailleurs été souligné par le Conseil d'État. Le budget qui y sera alloué n’atteindra pas 1 % du PIB, ce qui permettrait d'accroître les financements des laboratoires, de recruter et d'augmenter les salaires. La loi n'apporte aucune solution aux universités dont on connaît pourtant la situation financière catastrophique. Elle ne propose pas davantage de solution à la précarité étudiante que la crise sanitaire est venue révéler avec force.

 

Elle contient en revanche des dispositifs d'emploi dérogatoires au statut des universitaires, qui garantit pourtant une recherche libre de tout conflit d’intérêt et de toute pression. Là où il aurait fallu améliorer la situation de l'emploi scientifique au sein des universités et des organismes publics de recherche, la loi précarise.

 

L’adoption de deux amendements, introduits de nuit lors de la discussion au Sénat, constitue une attaque sans précédent contre l’indépendance des universitaires et la liberté d’expression sur les campus. Le premier crée un délit de « trouble à la tranquillité et d’atteinte au bon ordre des établissements » pénalisant (d’au moins un an d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende) le fait de « pénétrer ou de se maintenir dans un établissement d’enseignement supérieur sans y être habilité » (et jusqu’à trois ans et 45 000 euros d’amende lorsque le délit est commis en réunion). Cette disposition est une atteinte inadmissible à l’un des registres traditionnels des mouvements étudiants et à notre modèle démocratique. Le second amendement, portant sur les procédures de recrutement, vide le Conseil national des universités d’une partie de ses missions de qualification et compromet l'évaluation académique des candidats.

 

Cette loi constitue une remise en cause inédite des libertés académiques et de l'indépendance des universitaires, élément central des libertés publiques, principe consacré comme fondamental, reconnu par les lois de la République et intégré au bloc de constitutionnalité après la décision 93-322 DC rendue par le Conseil constitutionnel le 28 juillet 1993.

 

Les parlementaires socialistes se sont opposés à cette loi tout au long du processus par le dépôt de centaines d'amendements qui ont systématiquement été écartés. Pour la première fois dans l’histoire des lois de programmation, les députés socialistes ont proposé une autre trajectoire budgétaire. Ce véritable contre-projet proposait d’atteindre enfin 1 % du PIB consacré à la recherche publique. En raison de toutes les dispositions attentatoires aux libertés et aux principes qui fondent notre service public de la recherche, les sénateurs socialistes ont par ailleurs annoncé qu’ils déposeraient un recours au Conseil constitutionnel.

 

Parce que nous considérons que la recherche et l'université sont plus que jamais essentielles pour notre avenir. Parce que nous portons les principes de l'émancipation et de la liberté de pensée et faisons du savoir, de son élaboration et de sa transmission, des éléments centraux de notre projet, nous nous opposons à cette loi.

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