Une gauche qui met en œuvre les progrès scientifiques et technologiques pour modérer le dérèglement climatique, s’y adapter et réindustrialiser notre économie


Thème : Progrès scientifiques et décarbonation


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Une gauche qui met en œuvre les progrès scientifiques et technologiques pour modérer le dérèglement climatique, s’y adapter et réindustrialiser notre économie

La gauche, héritière des Lumières, sait que le bon usage de la science fait progresser les sociétés vers plus de démocratie et plus de bien-être pour tous. Nous sommes les héritiers des écrits de Jean Jaurès sur la science et plus récemment des 110 propositions de François Mitterrand qui annonçaient :

  • La recherche sera stimulée [...].

  • La recherche fondamentale sera un objectif essentiel : d’importants crédits publics lui

    seront consacrés [,..].

    ...et des gouvernements de Pierre Mauroy qui comprenaient un Ministre d’Etat chargé de de la Recherche et de la Technologie et qui ont confirmé le programme électronucléaire dont nous bénéficions aujourd’hui.

    Comme eux, nous croyons au progrès que permettent la recherche scientifique et les nouvelles technologies. Nous savons qu’elles nous permettent d’envisager l’avenir sans devoir nous plier à une quelconque décroissance telle que préconisée par certains écologistes mais au contraire à maintenir une croissance que nous mettons au bénéfice des moins fortunés et d’une économie respectueuse de la planète.

    C’est pourquoi nous nous engageons pour le climat à réduire drastiquement nos émissions de gaz à effet de serre par la décarbonation de l’économie et une transition énergétique fondée sur des énergies non carbonées – hydrauliques, renouvelables et nucléaire - comme à nous adapter au réchauffement climatique aujourd’hui inéluctable en raison des émissions déjà accumulées ... Nous misons également sur la réindustrialisation de notre économie nationale dans le respect de la planète en solidarité avec nos partenaires de l’Union Européenne en suivant les recommandations du rapport de Mario Draghi.

    Outre le climat, il s’agit aussi de s’attaquer aux pollutions diverses. Si la nuisance environnementale des plastiques est réelle il faut aussi prendre conscience des apports de ces matériaux qui continueront à jouer des rôles majeurs pour la société. Une nouvelle chimie durable des polymères (synthèse, récupération et recyclage) constitue un enjeu majeur de l’industrie.

    Liés à ceux-là, nous gardons à l’esprit deux objectifs dont l’importance est évidente : rehausser le niveau de l’enseignement des sciences et augmenter les budgets publics et privés de recherche et développement.

1. Sortir des énergies fossiles

Nous situons nos engagements à l’échéance de l’horizon 2050 où nous ambitionnons alors d’avoir réalisé, conformément aux directives du Green Deal de l’UE et sa déclinaison « Fit for 55 » que nous approuvons, une forte réduction de nos importations d’énergies fossiles et leur remplacement chaque fois que possible par de l’électricité non carbonée. Outre la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre (GES), la diminution de ces importations sera très bénéfique pour rééquilibrer notre balance commerciale.

1.1 Décarboner l’industrie

L’hydrogène actuellement utilisé dans l’industrie émet des gaz à effet de serre (car produit à partir du méthane pétrolier CH4) pour un volume d’émissions de CO2 ... équivalant à celui du transport aérien. Cet hydrogène devra dorénavant être produit par électrolyse avec de l’électricité non carbonée à moins de faire appel à d’autres technologies. Ainsi en sera-t-il de la sidérurgie qui réduit actuellement le minerais dans des fours à coke très émetteurs de GES ou la fabrication des engrais, comme également la production de ciment pour le bâtiment, tous doivent mettre en œuvre de nouveaux procédés non émetteurs de GES.

1.2 Décarboner l’isolation et le chauffage des bâtiments

A horizon 2050, les bâtiments seront encore à 90% ceux d’aujourd’hui. Il convient d’ici là de les isoler et les chauffer mieux, voire les rafraichir en été, sans émettre de GES. Il reviendra aux collectivités locales, que nous doterons des compétences et moyens nécessaires par une nouvelle phase de décentralisation, de piloter cette démarche en accompagnement des propriétaires immobiliers.

Promouvoir les pompes à chaleur1, ainsi que les réseaux de chaleur urbain, s’impose pour les nouvelles constructions, voire en substitution aux chaudières du bâti existant. Car la pompe à chaleur est électrique, donc pratiquement non carbonée, et son efficacité énergétique est 6 fois plus performante que celle d’une chaudière à combustion.

1.3 Décarboner la mobilité des personnes et les transports de marchandises

Pour la mobilité des personnes, nous accompagnerons les collectivités locales qui concevront un urbanisme durable et favoriseront les déplacements deux-roues (simples ou électriques), le covoiturage, ainsi que le développement de réseaux de transports électrifiés urbains et péri-urbains. Nous inciterons aussi à l’usage de véhicules électriques notamment par l’aménagement par les collectivités locales d’emplacements de parkings équipés de bornes de recharge2.

Quant au transport de marchandises la solution du ferroutage a montré ses limites. Outre la « livraison au dernier kilomètre » qui peut sans conteste être effectuée par véhicules électriques, on doit développer de la motorisation électrique des camions ; à cet égard, nous pensons que la solution des batteries s’avérera plus opérationnelle que la pile à combustible hydrogène ; cela devra s’accompagner d’installation tous les quelques 100 km sur autoroutes de bornes de recharges pour camions.

S’agissant du transport maritime et de l’aérien, il faudra s’engager dans la production de combustibles « e-fuels3 » produits industriellement à partir d’hydrogène et de récupération de CO2. Notre électricité déjà très largement non carbonée nous donne à cet égard un avantage concurrentiel significatif sur nos concurrents européens qui refusent encore le nucléaire (Allemagne, Autriche, Luxembourg, ...). Là aussi nous nous appuierons sur la réglementation européenne qui impose aux compagnies aériennes d’utiliser à terme jusqu’à 70 % de « e- kérosène » renouvelable.

2. Notre stratégie de production d’électricité non carbonée

Les perspectives évoquées ci-dessus de substitution d’électricité aux énergies fossiles et la production des e-fuels plus et nos ambitions de réindustrialisation augmentant nos besoins en énergie, ainsi que la vente d’électricité à nos voisins, nous conduisent à l’ambition de doubler notre capacité de production d’électricité par rapport à ce qu’elle est aujourd’hui. Cette ambition, qui n’est pas une prévision, a pour but d’assurer à nos concitoyens de ne pas être confrontés à une pénurie d’électricité dont les plus petits revenus, ceux que l’on qualifie de « précaires énergétiques », seraient les premières victimes. Nous sommes socialistes et c’est à eux que nous pensons en premier.

Nous récusons avec vigueur les projets de taxation des consommations d’électricité. S’il faut taxer des énergies, ce sont les fossiles dont l’on veut diminuer la consommation !

2.1 Les équipements de production à programmer

A moyen terme,
un fort développement des énergies éoliennes, en mer essentiellement, et photovoltaïques, notamment agrivoltaïque, est souhaitable ainsi que de nouvelles retenues hydroélectriques pour stocker l’énergie ; mais celles-ci seules ne peuvent suffire.

L’électronucléaire est indispensable. Leurs développements respectifs seront arbitrés selon les coûts complets de chaque énergie4.

Ce sera d’abord par la prolongation de la durée de fonctionnement du parc nucléaire existant légèrement augmenté en puissance disponible, puis par la construction de trois paires d’EPR2 – un modèle d’EPR reconfiguré pour requérir un génie civil plus facile à réaliser que ceux déjà en service ou en cours de construction à Flamanville, en Finlande et à Hinkley Point (UK) – destinés à compléter puis à compenser les plus anciens réacteurs arrivant en fin de vie.

Mais il conviendra d’aller au-delà. Faudra-t-il poursuivre sur davantage d’EPR2 ? Cela dépendra de la capacité d’EDF de construire les premiers EPR2 aux normes de sureté requises par la nouvelle Autorité de Sureté Nucléaire et de Radioprotection (ASNR), dans les temps et à des coûts satisfaisants. Nous pensons néanmoins stratégique – tant que la performance en conception et en réalisation n’est pas démontrée, ce qui attendra au moins un premier retour d’expérience de l’aménagement de Penly 3-4 où doit être construite la première paire d’EPR2 – d’envisager un autre modèle un peu moins puissant donc requérant moins de génie civil et d’ouvrir un choix pour les décisions futures ...

Outre ces réacteurs de forte puissance, nous pensons indispensable d’aller de l’avant dans le projet du petit réacteur modulaire Nuward, destiné certes à l’exportation vers des pays à réseaux électriques de moindre puissance, mais qui pourrait trouver également sa pertinence pour des projet spécifiques, en France (Hexagone ou DOM-TOM).

Et il faut aussi préparer une nouvelle génération de réacteurs dits à « neutrons rapides » (RNR) dont nous avons malencontreusement interrompu les premières expérimentations (Superphénix en 1997 et Astrid en 2018). Car, en raison des ressources limitées en U235 dont la disponibilité s’épuisera vers la fin du siècle, il n’y a pas de nucléaire durable sans surrégénérateurs qui permettront d’utiliser comme combustible l’uranium naturel U238 dont les disponibilités sont abondantes. Un tel projet d’intérêt planétaire est certes dans nos compétences mais nécessiterait un budget de développement, de quelques 50 Mds€ que nous devrions tenter de partager avec d’autres partenaires, certains pays européens voire aussi le Japon.

Outre la satisfaction de répondre aux besoins en énergie du pays, il faut également avoir l’ambition de rééquilibrer notre balance commerciale en exportant une part de notre électricité non carbonée à nos voisins et de placer notre industrie nucléaire comme maitre d’œuvre de la construction de centrales en pays tiers.

Enfin nous devons coopérer avec les pays membres de l’Alliance européenne du nucléaire5 qui misent comme nous sur une production d’électricité décarbonée abondante et avec lesquels nous pourrons envisager d’élargir nos programmes de construction si nos offres s’avèrent compétitives.

2.2 Les financements nécessaires

S’agissant des projets d’ENR, ce sont des énergéticiens indépendants ou EDF qui les financent en répondant aux appels à projets de la Commission de Régulation de l’énergie (CRE) et se rentabilisent sur la vente d’énergie au prix qu’ils ont souscrit.

S’agissant des projets nucléaires, ils seront financés par EDF. Or la majorité sortante nous laisse une entreprise publique lestée d’un déficit de l’ordre de 50 Mds €. Il sera absolument nécessaire que l’Etat-actionnaire apporte d’abord une souscription significative en capital pour la remettre à l’équilibre. Puis EDF autofinancera ses investissements par emprunts cautionnés par l’Etat pour obtenir des taux supportables. Mais ensuite c’est bien sûr EDF, donc ses clients, qui devra supporter les annuités résultantes comme cela avait été fait dans le passé pour financer le parc nucléaire actuel. Nous prenons l’engagement d’assurer de telles conditions de financement. D’après les estimations6 les coûts à financer au MW installé seront du même ordre que ceux des ENR alors que la production de ces derniers n’est pas pilotable car elle dépend du soleil ou du vent et qu’ils entrainent des coûts de raccordement au réseau supportés par RTE qui en réduisent la compétitivité.

Ceci représente une démarche industrielle et financière très ambitieuse qui nécessite la mise en place de mécanismes rigoureux d’évaluation technique et d’information approfondie. Il conviendra de soumettre sans plus tarder cette stratégie à l’approbation de la représentation nationale, ce que la majorité sortante ne s’est pas risqué à faire malgré les engagements pris ...

3. L’adaptation au changement climatique

Quels que soient les efforts en France et dans le monde pour limiter les émissions de GES, nous devrons vivre avec ceux qui sont déjà dans l’atmosphère ... Les épisodes climatiques violents que nous constatons ne diminueront pas. Au lieu d’une hausse de température limitée à 1°5 selon l’accord de Paris pour le climat, on s’attend aujourd’hui à quelques + 3° voire + 4° de hausse ... Nous devons donc travailler résolument à l’adaptation de nos cadres de vie à de nouvelles conditions climatiques difficiles.

Plus encore que pour l’abandon des énergies carbonées évoqué ci-dessus, le rôle des collectivités locales dans ce processus est essentiel : ce sont les Maires qui planifient l’urbanisme et délivrent des permis de construire ; ce sont les Régions qui doivent prémunir des dérèglements hydrologiques.

Il faudra impérativement :

  • -  Ne plus construire dans les zones inondables.

  • -  Ne plus artificialiser les sols et donc réutiliser/rénover dans les zones déjà construites.

  • -  Certaines zones qui étaient habitables ne le seront probablement plus ; la solidarité nationale doit donc accompagner les relogements de ces habitants dans des zones plus propices.

  • -  Dans les zones les plus chaudes, le rafraichissement des locaux de vie sera nécessaire ce que permettront les pompes à chaleur réversibles

    -...

Ces adaptations seront d’autant mieux acceptées qu’elle se feront dans la justice et non aux dépens des plus fragiles.

Une autre condition de l’acceptation de ces réaménagements est qu’ils soient menés par les collectivités locales (régions, métropoles, intercommunalités) proches des problèmes à résoudre et en capacité d’écouter les citoyens.

A rebours de la gouvernance « jupitérienne » de ces dernières années nous prenons l’engagement de préparer une nouvelle étape de décentralisation donnant aux Régions et aux Intercommunalités les moyens de ces adaptations.

Nous proposons aux Français des politiques de progrès !

Nous avons exposé ici des stratégies pour la sortie des énergies fossiles, la production d’électricité décarbonée et l’adaptation au changement climatique ; ces stratégies contribueront à la réindustrialisation qui est également abordée dans la contribution thématique « Réindustrialisation et droit à la reconversion ».

1 Si possible en milieu urbain des PAC eau-eau plutôt qu’air-eau ce qui suppose d’accéder à des réserves géothermiques sous-terraine à basse température.
2 Pourquoi d’ailleurs celles-ci, qui offrent l’éclairage public à leurs résidents, ne pourraient-elles pas leur offrir également la recharge nécessaire aux déplacement urbains journaliers ?
3 En anglais e-FAS pour Fuel Aéronautic Sustainable
4 Cf. « La stratégie électronucléaire : https://progressistes-socialdemocratie.eu/questions-energetiques- production-et-transition/
5 Bulgarie, Croatie, Finlande, France, Hongrie, Pays-Bas, Pologne, République tchèque, Roumanie, Slovaquie, Slovénie et Suède.

6 « L’avenir économique du nucléaire : leçons mondiales et françaises d’une décennie » par Laurent Joudon in La revue de l’énergie n° 674.

 


Contributeurs : Jacques ROGER-MACHART, Ancien député 1981-1993, Paris 17 Rémi THOMAS, Paris 10, Jean-Pierre FAVENNEC, Rueil Malmaison 92 / Soutenue par Debout les Socialistes


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