Une politique de sécurité plus efficace dans tous les territoires de la République


Thème : Sécurité


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Dans leur histoire, au niveau national lorsqu’ils gouvernaient comme dans les collectivités locales qu’ils dirigent, les socialistes ont toujours porté avec force dans leur action les questions de sécurité. La sécurité s’impose aujourd’hui comme une préoccupation principale des Françaises et des Français : pour autant, il est fréquemment reproché à la Gauche de délaisser ce sujet essentiel – au bénéfice de la place prise par la droite et l’extrême droite… Nous, socialistes, refusons sur ce sujet la démagogie et la stigmatisation et y préférons les approches fondées sur la raison, l’expérience et l’efficacité. Alors même que, nous le savons, l’insécurité touche en premier les catégories populaires et les personnes les plus vulnérables, celles qui sont au cœur de notre engagement politique, nous devons donc réaffirmer notre position avec fermeté et humanité, fidèle à nos valeurs.

Nous, élus locaux, maires adjoints chargé de la prévention, de la tranquillité publique et de la sécurité dans nos villes, petites et grandes, partout en France, forts de notre expérience du quotidien, sommes convaincus de l’absolue nécessité de faire entendre avec force la voix des socialistes sur ces enjeux. Nous sommes, tous les jours, confrontés aux inquiétudes de nos concitoyennes et concitoyens, à leur épuisement face à la montée de la violence et au développement des trafics en tout genre. Nous croyons en l’autorité publique, en la nécessité de l’ordre républicain, nous voulons en renforcer l’efficacité.

Depuis la prise de nos mandats en 2020, nous avons créé un réseau des élus PS en responsabilité sur ces sujets. De nos échanges sont nées les propositions ci-dessous.  

 

DU « CONTINUUM DE SÉCURITÉ » AU CONTINUUM DE « SÉCURITÉ-PRÉVENTION-JUSTICE »

Depuis plusieurs années, le débat public et la politique gouvernementale semblent dominés par la notion de « continuum de sécurité ». Ce concept pose la nécessité, difficilement contestable, de synergie entre l’ensemble des forces de sécurité y compris privées dans l’ambition d’une réponse collective, complémentaire, coordonnée, plus efficace et adaptée aux problématiques rencontrées. Une réponse censée donc être étendue, centrée sur une coopération des corps.

Outre l'absence de résultats concrets de la mise en œuvre de cette notion, notre expérience quotidienne des problématiques de sécurité nous fait porter un regard critique sur ce concept étriqué, inefficace dans les faits tant explosent aujourd’hui toutes les formes d’insécurités : violences aux personnes, trafics en tout genre (dont le trafic de drogues dont on mesure l’aujourd’hui l’inefficacité des politiques, ou encore le trafic de cigarettes en pleine expansion), violences intrafamiliales, violences sexistes et sexuelles, atteintes aux biens, nuisances du quotidien… Le gouvernement fait d’abord une faute en ne considérant plus désormais que les politiques de sécurité se résument aux seules forces régaliennes de sécurité « étendues » des forces de sécurité privée. Le projet de loi actuellement en discussion sur la sécurité intérieure en est l’illustration : la nécessaire mobilisation de tous les acteurs de la sécurité pour mieux assurer la sécurité des Français n’est pas abordée (et - nous le regrettons - pas un mot notamment sur les polices municipales qui aujourd’hui sont présentes dans la quasi-totalité des grandes agglomérations et petites villes) !

Par ailleurs, si l'action des forces de sécurité est absolument indispensable – et les socialistes plaident pour leur renforcement – elles ne sont malheureusement pas suffisantes. Leur action seule conçue comme la réponse unique aux problématiques de sécurité est une vision restrictive et inefficace. C’est un sérieux retour en arrière tant il est évident (et semblait acquis !) qu’une bonne politique de sécurité ne peut se concevoir sans corrélativement des actions efficaces en matière de lutte contre les inégalités, d’éducation et de prévention de la délinquance. C’est là un apport de la gauche et singulièrement des socialistes que nous devons réaffirmer avec force.

Mais en sus de ce rappel salutaire, nous considérons qu’il faut désormais également aller plus loin.  Au « continuum de sécurité », nous proposons que les socialistes portent l'ambition d'y substituer un principe plus opérant de « continuum de prévention – sécurité – justice » et de le décliner opérationnellement (textes et gouvernance, financements et moyens, cultures professionnelles des acteurs, etc.). Le lien avec la Justice doit être renforcé tant en matière de définition des politiques pénales sur les territoires (il n’est plus concevable que les élus locaux ne soient en aucune manière associés à cette définition tant peuvent être différentes les problématiques d’un territoire à l’autre), qu’en matière d’information sur la mise en œuvre des peines (en milieu fermé ou ouvert) et de participation à la mise en place de peines de substitution ou de réparation, toujours au bénéfice de l’efficacité.

Politiquement l’horizon qui doit être le nôtre est celui de la baisse significative de l’insécurité pour les Français. Concrètement, l’atteinte de cet objectif passe par une coopération et une mobilisation renforcée de TOUS les acteurs des politiques de sécurité : les acteurs de l’éducation, de la protection de l'enfance et de la prévention spécialisée, de l’éducation populaire et du social au service de la prévention, les forces de sécurité intérieures (police et gendarmerie) et locales (polices municipales), les parquets et les services du Ministère de la justice (SPIP notamment), sans oublier le rôle désormais essentiel des bailleurs publics en terme de prévention et de lutte contre la délinquance. 

 

POUR UN NOUVEL ACTE DE DÉCENTRALISATION DANS LE CHAMP DE LA SECURITE

Dans le cadre de ce nouveau continuum, se pose la question du comment, de la réalisation concrète et donc du pilotage de ces politiques publiques renouvelées. Là encore, nous souhaitons que le Parti socialiste dessine une voie, qui parte du local, et de ses acteurs. En effet, pour nous, cette autre voie doit être pensée et portée par les Maires, l’autorité publique de proximité.

Les municipalités sont en effet en première ligne, recueillant les doléances, accompagnant les victimes, accueillant les témoignages... Elles sont aussi l’unique pivot qui peut, sur un territoire donné, légitimement fédérer, faire converger vers un même objectif un éventail large d’acteurs. Elles seules peuvent véritablement mettre autour d’une même table tous les acteurs précités comme elles savent le faire autour des Conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance et des instances qui en découlent, pour les amener à travailler conjointement, à initier une synergie pour répondre aux enjeux auxquels chacun, individuellement, est confronté.

A cela s’ajoute le rôle désormais majeur et établi des maires dans la mise en œuvre opérationnelle des politiques de sécurité. La police de proximité, créée par Lionel Jospin, détruite par la droite de Nicolas Sarkozy, existe désormais dans la plupart des territoires sous la forme des polices municipales qui se sont très fortement développées, mais de manière très inégale (en fonction des moyens, de l’historique et des choix politiques des communes – certaines n’en disposant d’ailleurs toujours pas pour ces raisons et étant de fait privées de toute police de proximité assurant des missions aussi essentielles au quotidien que le remisage de véhicules en fourrière !). En zone rurale, c’est la gendarmerie qui joue ce rôle. Ne faut-il pas prendre acte de cette réalité et, plutôt que de laisser prospérer les inégalités territoriales, cette forme de décentralisation anarchique et inavouée des politiques de sécurité, dire que désormais les polices de proximité sont les polices municipales ? Il faut dans ce cas en tirer toutes les conséquences : réaffirmer avec force la distinction entre le rôle des polices municipales et celui de la police nationale (le pénal, les enquêtes, le maintien de l’ordre, l’antiterrorisme à la police nationale, les missions de lutte contre les incivilités, de tranquillité / sécurité publique, de sûreté et de salubrité aux polices municipales), mettre fin à la logique de substitution PN/PM à l’œuvre dans certains territoires, s’assurer d’une dévolution juste et équitable des moyens et assurer une coordination efficace sur le terrain.

C’est dans cette logique que nous appelons donc à ce que le Parti socialiste, conformément à son Histoire et à sa culture décentralisatrice, mette dans le débat public la proposition d’un nouvel acte de décentralisation qui réaffirmerait et renforcerait le rôle des Maires dans le pilotage des politiques de prévention et de sécurité sur leur territoire, en faisant de la sécurité une compétence pleine et entière des communes et en rendant de droit commun l’existence et le financement des Polices municipales. Cette nouvelle vague de décentralisation doit bien sûr s'accompagner de moyens budgétaires et le cas échéant de transferts de personnels. Une première piste serait de revoir le mode de calcul de la Dotation Globale de Fonctionnement et les mécanismes de péréquation afin que ceux-ci intègrent les enjeux de sécurité et mettent fin à l’inégalité des territoires. Une seconde consiste en une réforme à la hauteur des enjeux des polices municipales : refonte de leur formation, tenue plus régulière de concours, réflexions liées à la grille indiciaire, politiques de fidélisation... Ces évolutions constituent des prérequis visant à permettre l’égalité des citoyens, quel que soit le niveau de richesse de leur commune, en matière de sécurité, ainsi qu’à mettre fin à la concurrence malsaine que se livrent les villes dans le développement de leur police municipale.

Cet acte politique et institutionnel fort que nous appelons de nos vœux permettrait à notre sens une réponse plus efficace car centrée sur la mobilisation et l’impulsion locale d’acteurs dont le travail et l’action sont actuellement souvent trop centralisés et déconnectés du terrain. Cela s’inscrirait dans une marche vers une égalité réelle des territoires et des citoyens, par l’instauration d’un service public de la sécurité de proximité adapté, en moyens et en actions, aux enjeux locaux.

 

POUR UNE « RÉVOLUTION » DE LA « MAISON » POLICE NATIONALE

Nous l'avons dit plus haut : les forces de sécurité sont centrales à toute politique de sécurité et comme élus locaux, nous mesurons tous les jours, leur engagement au service de la sécurité et de la tranquillité publique. Ils doivent à ce titre bénéficier de toute notre reconnaissance et de notre plein soutien. Parmi ces forces de sécurité, l'institution Police nationale, avec des 150 000 personnels chargés de la sécurité au sein des territoires urbains, occupe une place absolument essentielle et fait pourtant l'objet de critiques nombreuses tant internes (mobilisations syndicales, détresse psycho-sociale de nombreux agents, etc.) qu'externes (inefficacité de ses actions par exemple en matière de trafic de stupéfiants, comportements de certains agents dénoncés, etc.). Le lien police-population mérite d’être réinventé et renforcé, conformément à l’avis rendu par la CNCDH en 2021. A cet égard, toute réforme de la police nationale passe par la mise en place d’une instance déontologique indépendante, condition d’une confiance renouvelée entre la population et sa police nationale.

Si le renforcement des effectifs était indispensable, les actes du gouvernement en matière de réforme de la police sont très insuffisants voire contreproductifs : non-alignement des capacités de formations et statu quo organisationnel lors du recrutement massif d’effectifs supplémentaires (indispensables), casse de la police judiciaire, absence de réflexion sur les évolutions managériales à impulser, fermeture et difficulté d’accès à l’institution (il n’est désormais plus toujours possible de rentrer dans un commissariat pour y déposer une plainte, notamment en l’absence de la sacro-sainte pré-plainte en ligne !), coopération avec les élus locaux et autres acteurs des politiques de sécurité dépendante des relations interpersonnelles locales, etc.

Et pourtant : nous avons éminemment besoin d’une police en état de marche ! Le Parti socialiste doit porter haut et fort l'ambition prioritaire de réformer cette institution indispensable à notre pacte républicain, en faveur de celles et ceux qu'elle sert, citoyennes et citoyens, et de celles et ceux qui la composent, policières et policiers. Car il ne suffit pas de plaider en faveur d'un nouveau continuum ou d’un acte de décentralisation, il faut définir les prérequis de leur mise en œuvre.

Cela passe, à notre sens, d'une part par une remise à plat globale et démocratique de la doctrine d'emploi de la Police nationale - quelles sont ses missions, ses priorités, ses modes d'action ? et d'autre part par la définition et la mise en œuvre d'une organisation et d'une politique de ressources humaines moderne, vertueuse et susceptible de façonner une culture professionnelle en adéquation avec la doctrine redéfinie. Redonner de l'attractivité au métier (par les modalités salariales, le sens de la nouvelle doctrine définie et les méthodes managériales renouvelées), penser le recrutement de façon à disposer d'un vivier diversifié et représentatif, former davantage et mieux les agents (et donc plus exclusivement aux techniques d'interventions mais aussi aux compétences psychosociales indispensables à l'exercice du métier), fidéliser les agents par le prisme du quotidien (conditions de travail) comme des perspectives (carrières à la carte), éviter l'entre soi via une ouverture culturelle de l'institution aux membres externes, etc.

Les ressources humaines de la Police nationale ne doivent plus être dictées par une politique à court terme alimentée par les intérêts divers et variés et la pression de l’actualité – à l'image du gouvernement distribuant des poignées de policiers aux villes qui le demandent suffisamment fort ou le justifient suffisamment bien – mais pensée comme le véritable outil stratégique permettant de remettre l'institution en état de « bon fonctionnement » : fini la machine à broyer pour les fonctionnaires de police, retour d'un « service public de la sécurité » au service d'objectifs démocratiquement définis et en rapport avec la réalité effective et la situation de chaque territoire.

Alors que la police nationale a toujours bénéficié de l’action des socialistes lorsqu’ils étaient au pouvoir, nous croyons que le Parti socialiste doit prendre appui sur l'expérience de ses élus locaux qui œuvrent tous les jours concrètement pour la sécurité de leurs concitoyens, travaillent au quotidien avec la Police nationale et tous les acteurs de sécurité, animent les Stratégies territoriales de prévention et de sécurité et ont pris leur responsabilité quant aux doctrines, organisations et RH de leurs propres polices municipales, pour porter des préconisations ambitieuses en matière.


Signataires :

Loline BERTIN, Adjointe au Maire de Montreuil déléguée à la sécurité, prévention et vie nocturne,

Nicolas NORDMAN, Adjoint à la Maire de Paris en charge de la Prévention, de la Sécurité, de la Police Municipale et de l’Aide aux Victimes,

Shamime ATTAR, Adjoint au Maire de Vitry-sur-Seine à la mutation de l'espace public, 

Lionel ADAM, Adjoint au Maire de Nancy, délégué à la Sécurité, salubrité et tranquillité publiques, Sympathisant socialiste,

Pascal BOLO, Adjoint à la Maire de Nantes à la sécurité et à la tranquillité publique,

Kader CHEKHEMANI, Adjoint au Maire de Rouen en charge de la Tranquillité Publique de la Propreté et du Stationnement,

Sébastien COTE, Adjoint au Maire de Montpellier délégué à la protection de la population, la tranquillité publique et les affaires militaires,

Yann CROMBECQUE, Adjoint au Maire de Villeurbanne Prévention Sécurité / Jeunesse et Éducation populaire / Élections,  

Yohann ELICE, Adjointe au Maire de La Courneuve en charge de la tranquillité publique, des finances locales, du développement économique et de la ville numérique,

Nathalie KOENDERS, Première adjointe au Maire de Dijon déléguée Transition écologique, climat et environnement, tranquillité publique et administration générale,

Sylvie MANTION, Adjointe au Maire de Villejuif déléguée à la Tranquillité Prévention,

Jean-Claude MENAULT, Adjoint à la Maire de Lille délégué à la sécurité, prévention et médiation, Sympathisant socialiste,

Mustapha MOUSALLI, Adjoint au Maire de Bourges délégué à la Sécurité, à l'hygiène, à la Propreté Urbaine, Sympathisant socialiste,

Yannick OHANESSIAN, Adjoint au Maire de Marseille en charge de la tranquillité publique, de la prévention, du Bataillon de Marins Pompiers et de la sécurité,

Nesrine REZZAG BARA, Adjointe au Maire de Nanterre déléguée à la sécurité, prévention, médiation,

Emilie TRIGO, Adjointe au Maire de Bagnolet chargée de la tranquillité publique, du CSLPD et de la démocratie locale,

Guillaume LAFEUILLE, adjoint au Maire des Lilas à la Tranquillité publique, vie économique et commerciale.

Lénaïc BRIERO, adjointe au Maire de Rennes déléguée à la sécurité, au monde combattant et aux politiques mémorielles


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