Avec son plan « France relance », en partie mis en œuvre par le projet de loi de finances pour 2021 (PLF 2021), le gouvernement fait le pari d’une relance basée exclusivement sur la reprise de l’investissement, et notamment de l’investissement public.
Dans son communiqué de presse relatif à la présentation du budget 2021, le groupe Socialistes et apparentés à l’Assemblée nationale dénonce à juste titre une relance « unijambiste », qui oublie le besoin d’une relance à court terme, la demande et le soutien aux Françaises et Français les plus modestes.
Toutefois, si l’on accepte de prendre au mot le gouvernement, le PLF 2021 devrait être l’occasion d’un fort soutien aux collectivités territoriales et ce pour une double raison :
- Les collectivités territoriales et les intercommunalités portent chaque année 70 % de l’investissement public (achats de matériels, construction d’équipements…) : il ne peut donc y avoir de relance sans reprise de l’investissement local ;
- Les finances et l’investissement des collectivités ont fortement pâti des conséquences de la crise sanitaire. Dans une note récente, la Banque postale évalue la chute de la capacité d’autofinancement (permettant aux collectivités de financer leurs investissements sans emprunter) des collectivités en 2020 à -18 % et celle de l’investissement local à -6 %.
Vu les incertitudes liées au contexte sanitaire, qui se dégrade depuis plusieurs semaines, il ne pourra y avoir de reprise de l’investissement public local sans soutien financier fort aux collectivités, sachant que l’année 2021 est une année d’élections départementales et régionales (donc peu propice à l’investissement de ces deux catégories de collectivités).
Or la lecture des dispositions du PLF 2021 indique que le gouvernement n’a absolument pas pris la mesure de la situation financière des collectivités territoriales et de leur rôle central dans le rebond de l’investissement :
- S’agissant des crédits de soutien à l’investissement public local, le PLF 2021 ne procède à aucune revalorisation et ne fait que reconduire les montants votés dans le budget de l’année dernière. Il y a tout juste 100 millions d’euros supplémentaires en crédits de paiement (crédits qui représentent la limite supérieure des dépenses pouvant être payées en 2021) qui sont ouverts, sur le milliard d’euros annoncé à l’été (soit seulement 10 % de l’ambition affichée il y a quelques mois par le gouvernement).
- S’agissant de la dotation globale de fonctionnement (DGF), son montant est stable depuis 2018. Mais cette stabilité est en trompe-l’œil, puisque le gouvernement fait financer par une partie des crédits (190 millions d’euros) de cette enveloppe ses engagements en matière de réduction des inégalités de richesse entre collectivités, au lieu de les financer lui-même comme c’était le cas dans le passé. Loin des promesses gouvernementales, il faut donc s’attendre à une baisse de DGF pour au moins la moitié des communes en 2021, comme ce fut déjà le cas en 2020. Pour être complet, le gouvernement utilise ce même tour de passe-passe au sein de l’enveloppe des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales, à hauteur de 50 millions d’euros.
- S’agissant de la fiscalité locale, le PLF 2021 confirme la suppression (de manière progressive entre 2021 et 2023) de la taxe d’habitation pour les 20 % des Français les plus riches. Dans un précédent billet, publié à l’automne 2019, je revenais longuement sur les écueils de cette réforme qui affaiblit l’autonomie fiscale des collectivités, qui supprime le dernier impôt universel local et dont les effets en matière de pouvoir d’achat sont injustement répartis entre les Français et entre les territoires.
- Toujours au sujet de la fiscalité locale, le PLF 2021 supprime pour 10 milliards d’euros d’impôts dits de production (qui regroupent les impôts acquittés par les entreprises avant résultat comptable), avec la suppression de la part régionale de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) pour environ 7 milliards d’euros et la division par deux des impôts fonciers des établissements industriels pour environ 3 milliards d’euros. Les régions seront compensées via l’attribution d’une fraction de TVA, quand les communes et intercommunalités, au titre de la baisse des recettes de leurs impôts fonciers, seront compensées via un prélèvement sur les recettes de l’État, selon un mécanisme qui n’assurera pas leur compensation intégrale contrairement aux engagements du gouvernement.
- Le PLF 2021 engage aussi le versement du deuxième acompte des mécanismes de compensation de pertes de recettes fiscales et domaniales votés dans le cadre du budget rectificatif de cet été. Le gouvernement renonce donc bel et bien à intégrer dans ces mécanismes la compensation des pertes de recettes tarifaires. Il est également nécessaire de rappeler que ces mécanismes, par leurs règles de fonctionnement, excluent de nombreuses collectivités de leur périmètre.
S’il fallait retenir un (petit) point positif, c’est la décision du gouvernement d’accélérer la mise en œuvre du « plan eau DOM », visant à moderniser les réseaux d’eau en outre-mer. C’était une demande des socialistes dans le cadre de leur plan de rebond (proposition 22).
Cependant, il faut rappeler que le gouvernement se limite à n’engager concrètement pour ce plan que 15 millions d’euros en 2021, sur un total de 50 millions d’euros. Par ailleurs, le plan de relance ne consacre que 1 % de son montant aux territoires ultra-marins, qui représentent pourtant 4 % de la population française et dont les spécificités et le besoin de rattrapage imposeraient une place beaucoup plus importante dans la relance. Enfin, cette priorité du gouvernement n’est possible que parce que ces crédits sont issus du plan de relance européen, ce qui mérite d’être souligné.
En résumé, le gouvernement ne se donne pas les moyens de réussir la relance. D’une part, le pari d’une relance par l’investissement est incompatible avec une relance à court terme et se prive, pour des raisons idéologiques, des effets positifs du soutien à la demande. D’autre part, les mesures actuelles du PLF 2021 ne soutiendront pas suffisamment l’investissement public local l’année prochaine, alors qu’il est le réel moteur de la relance. Sans relance par les territoires, il n’y aura donc pas de relance possible, qui plus est si l’ambition est de porter une relance verte.
- Mercredi 30 septembre 2020