Une vraie politique de paix sociale


Thème : Politique sociale


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Si la paix et le vivre ensemble s’apprennent, cela s’expérimente surtout depuis la petite enfance,  depuis les premières interactions de l’enfant avec son environnement, et tout au long de la vie. Ce qui  a été vécu dans les premières années influence la capacité d’être en relation avec les autres, ainsi que  la confiance en soi et la confiance dans les autres. 

Et par la suite, pour préparer à cette paix, tant intérieure que dans les rapports sociaux, diverses  disciplines peuvent être enseignées, différentes approches peuvent être utilisées, et ce à différents  stades de la scolarisation. Là aussi, il est impératif de prévenir et non de guérir, d’apprendre à connaître  l’autre, à le respecter et à cohabiter avec lui pour éviter les tensions. Aujourd’hui, nombre de choix  politiques exacerbent ces tensions puis tentent de les gérer, aboutissant au constat inéluctable des  rapports de l’administration pénitentiaire : une politique qui se concentre sur le répressif et délaisse  la dimension sociale et économique conduit à davantage d’insécurité, de délits, d’incarcérations et  donc de dépenses publiques. 

C’est pour cela que, à l’inverse, que nous devons lutter contre les inégalités et la pauvreté, et aussi  rendre de la dignité à chaque citoyen. C’est ainsi que nous irons vers une société apaisée, enrichie, où  chacun vivra en sécurité. 

La pratique courante du tout-répressif s’attaque aux symptômes sans chercher à en comprendre les  causes ni a fortiori à y remédier, entreprend de réagir à l’action hostile, gère le conflit dans une optique  politique de répression, alors que nous souhaitons au contraire prévenir cette action hostile et éviter  ce conflit dans une optique politique de pacification. Et bien sûr, une telle politique amorcée  aujourd’hui devra se poursuivre sur plusieurs décennies pour être réellement efficace. 

« Une civilisation du bonheur est possible. Les solutions existent, mais l’opinion les  ignore car les structures actuelles et les détenteurs du pouvoir économique et  politique s’y opposent » René Dumont, candidat à l’élection présidentielle de 1974 

FAVORISER L’INSERTION SOCIALE DE L’ENFANT ET DE L’ADOLESCENT

Nous faisons nôtres les propositions suivantes du collectif ALERTE : 

  • En âge scolaire, une priorité : la lutte contre le décrochage scolaire, prévention d’une inégalité,  pour donner des chances égales à tous les enfants 
  • À l’âge de la prise d’autonomie, permettre l’accès à une information adaptée et à leurs droits, trop  souvent ignorés. Les aider à construire des relations sociales « insérantes » 
  • À l’entrée dans le monde du travail, conforter les dispositifs spécifiques, garantie Jeunes, ÉPIDE,  E2C, écoles de production, et accorder une attention particulière aux jeunes les plus vulnérables.  En particulier les sortants de la Protection de l’enfance et les mineurs non-accompagnés • Conforter l’entreprise dans son rôle d’insertion, en accueillant des jeunes sortant de formation 

Par ailleurs, nous reprenons les mesures mises en place avec succès par l’Islande pour faire décroître  les diverses addictions chez les grands enfants et les adolescents, qui permettent également une  meilleure insertion dans le corps social :

  • Renforcer les liens entre les parents et l’école, via des réunions au minimum bimensuelles de  représentations de parents, allant bien au-delà, en nombre et en compétences, des délégations  actuelles 
  • Assurer un gros effort budgétaire pour les activités sportives et culturelles: augmenter le  financement public pour les pratiques sportives encadrées, la musique, l’art, la danse et autres  clubs; donner aux enfants issus de familles à faible revenu une aide complémentaire leur  permettant de prendre part à ces activités, sous la forme d’une carte de loisirs 

PRÉVENIR LA MALTRAITANCE 

Mettre en place un programme institutionnel de prévention de la maltraitance, incluant la mise à  disposition de différents supports à l’usage des enfants, des adolescents, des parents et des  formateurs, ainsi que le lancement de campagnes grand public. Un excellent exemple est donné par  Yapaka, programme de prévention de la maltraitance à l’initiative du ministère de la Fédération  Wallonie-Bruxelles en Belgique. 

APAISER LE MONDE SCOLAIRE 

Proposer des séances de supervision, c’est-à-dire d’analyse des pratiques des professeurs souvent  dépassés par les enfants difficiles qu’ils rencontrent et qui perturbent la classe. De nombreux  dispositifs d’aide aux professeurs face aux enfants en difficulté existent, mais la supervision n’en fait  pas partie. Il arrive qu’un professeur d’école maternelle se mette en arrêt maladie parce qu’un enfant  difficile l’a poussé à bout. C’est dommageable pour l’enfant qui est déjà dans la toute-puissance et qui  s’y voit confirmé, pouvant en ressentir de la culpabilité qui va s’exprimer, non pas dans la  reconnaissance de ce qu’il a provoqué mais par encore plus d’agressivité projetée à l’extérieur, et qui  se retrouve une nouvelle fois face à un adulte qui ne tient pas la route, augmentant son sentiment d’insécurité. 

Donner dans la formation des professeurs et des directeurs d’établissements davantage de place à la  psychologie et à la connaissance du développement affectif de l’enfant. 

Dès l’école primaire et durant toute la scolarité jusqu’au bac, démarrer chaque journée d’école par  une discipline d’apaisement mental et d’éveil corporel : yoga, gymnastique chinoise (qi gong),  méditation... Elles sont un excellent moyen, en début de journée, de faciliter le passage des enfants en  mode apprentissage, surtout lorsque, comme dans beaucoup de familles, la journée commence par :  « Réveille-toi ! Habille-toi ! On est en retard ! Vite ! ». Pratiqués avec régularité dès l’école primaire,  de tels sas peuvent contribuer avec efficacité à améliorer non seulement les résultats scolaires, mais  aussi les rapports interpersonnels tant entre les enfants qu’entre les enfants et leurs enseignants. En  effet, ils sont réparateurs d’une part des inégalités sociologiques liées aux conditions de travail à la  maison, d’autre part des handicaps psychomoteurs (liés eux-mêmes aux inégalités sociologiques),  environ 10 % des élèves présentant une hypoprosexie (insuffisance d’attention) et une hyperactivité. 

Toutes ces disciplines permettent de faire baisser le taux de cortisol (l’hormone dite « du stress ») et de  déclencher la sécrétion d’ocytocine (l’hormone dite « du bonheur ») et d’endorphines. Le Kindness  curriculum aux États-Unis et la Value-Based Education au Royaume-Uni (présente dans 10 % des écoles)  sont deux types d’interventions efficaces qui pourraient être prises comme base de réflexion. 

Mettre en place un programme national d’orchestres pour la jeunesse, sur le modèle du El Sistema  vénézuélien, non sur la base de projets spécifiques comme aujourd’hui mais systématiquement.  Depuis une petite quarantaine d’années, El Sistema (dont l’UNESCO reconnaît les mérites) utilise avec  succès la pratique orchestrale symphonique pour la formation des enfants des milieux défavorisés, la 

réadaptation et la prévention des comportements criminels. Une expérience est en cours à Pau,  nommée, par référence à l’institution vénézuélienne, El Camino : ses retombées sont très positives. 

L’Inter-American Development Bank, pesant les avantages tels un fléchissement des taux de  décrochement scolaire et une baisse de la criminalité, a calculé que chaque dollar investi dans El  Sistema permettrait de recueillir 1,7 dollar en dividendes sociaux. 

Changer l’orientation de notre système scolaire, afin d’une part de favoriser également l’intelligence  émotionnelle, l’intelligence intuitive, l’intelligence créative, l’expression de soi, la sensibilité, l’humain,  l’émotionnel, le spirituel, le beau, d’autre part remplacer les situations systématiques de concurrence  par un enseignement de la coopération et de la complémentarité. Les chercheurs qui ont étudié les  bushmen du Kalahari ont noté chez eux un « complexe d’humilité », chaque chasseur ne s’attribuant  pas son succès mais l’attribuant au groupe, ce qui conduit à une absence de rivalité, donc à une  absence de conflits. 

ACCOMPAGNER LE FRANCHISSEMENT DE DIFFICULTÉS FAMILIALES Augmenter le nombre d’Espaces Écoute Parents (lieux accueillant les familles pour un  accompagnement et un suivi thérapeutiques, mais aussi des parents, enfants, adolescents,  séparément ou ensemble selon les cas), et apprendre aux intervenants des services sociaux à  privilégier l’approche contextuelle. Le premier but est d’aider les parents à se sentir plus compétents  dans leur mission de parents, sans les culpabiliser ; un second but est d’aider les enfants et les  adolescents à faire l’expérience d’un autre type de relation à l’adulte et à modifier leurs  comportements difficiles, leur permettant de traverser cette période délicate de leur vie en famille  tout en restaurant la confiance dans les relations. 

Au-delà de la famille, il est possible d’amener les uns et les autres à sortir de spirales destructrices en  comprenant les raisons de cette destructivité. C’est une manière d’aider les jeunes pétris de légitimité  destructrice à ne pas se radicaliser... ou à sortir de cette radicalisation. 

Par ailleurs, nous faisons nôtres ces propositions de l’Union nationale des associations familiales  (UNAF) : 

  • Créer un site internet d’information sur les droits et devoirs selon les modes d’union, sur la  prévention des séparations (conseil conjugal et familial) et sur des dispositifs d’accompagnement  des parents séparés 
  • Organiser un service public de la médiation familiale et des espaces de rencontre afin d’assurer  leur pérennité, a fortiori lorsque les recours à ces dispositifs sont ordonnés par le juge ; permettre  aux enfants de garder un lien avec leurs parents, et aux parents d’exercer leur coparentalité 
  • Proposer un accompagnement budgétaire aux couples qui se séparent, par exemple dans le cadre  des séances « Être parent après la séparation » liées à la garantie d’impayés des pensions  alimentaires (GIPA), afin de prévenir les situations de surendettement 
  • Rétablir la place du juge dans les procédures de divorce et associer davantage l’enfant aux  décisions qui le concernent 

STIMULER LA COHÉSION SOCIALE 

Par le partage du temps de travail et par une détection des décrochages scolaires précoces, redonner  emploi, pouvoir d’achat et perspectives d’avenir à une partie de la population qui se sent abandonnée. 

Renforcer les effectifs des éducateurs de jeunes pour stimuler l’engagement personnel sur le temps  libéré par la semaine de quatre jours et accompagner les familles.

Selon un sondage Ipsos réalisé en 2010, 65 % des Français estiment que l’incivisme a eu tendance à  progresser ces dix dernières années. 

Favoriser le développement de communautés citoyennes locales et la promotion d’activités qui créent  du lien : associatives, sportives, culturelles ou citoyennes. Lancer une campagne de communication  visant à modifier le regard de la majorité du public sur les quartiers populaires, qui sont aussi des lieux  de solidarité, de réussite, d’innovation et de création. 

Renforcer la mixité sociale, à l’école, dans l’habitat, dans l’urbanisme, afin de casser la logique des  ghettos de riches et de pauvres. 

En outre, nous faisons nôtre cette proposition multiple du collectif ALERTE : 

  • Rendre effectif l’égal accès de tous aux vacances, temps de retrouvailles familiales • Mobiliser les collectivités et les associations, les hébergeurs et les acteurs économiques pour la  mise en œuvre de ce droit 
  • Impliquer le financement de la sécurité sociale pour l’exercice de ce droit pour les personnes âgées  comme outil de prévention 
  • Améliorer la lisibilité des aides au départ en vacances comme outil d’inclusion sociale 

RESPECTER ET DÉLIMITER LES DROITS CULTURELS ET SPIRITUELS 

Respecter les droits culturels qui garantissent à chacun la liberté de vivre son identité culturelle. 

Instaurer des Maisons des spiritualités pour faire se rencontrer des personnes issues de différents  univers culturels, ethniques, spirituels et religieux, ouvertes aux croyants, aux agnostiques et aux non croyants. 

Revenir à une stricte neutralité vis-à-vis des religions, essence de la loi de 1905. 

Supprimer le concordat en vigueur en Alsace-Moselle et dans les territoires français d’Outre-mer  concernés, car la laïcité s’impose à toutes et tous comme garante de l’équilibre entre les individus et  la nation, comme une approche philosophique du vivre ensemble, fondamentalement humaniste et respectueuse de l’autre. 

En Alsace-Moselle, ceci implique la suppression du financement public lié aux cultes, le désengagement  de l’État des facultés théologiques, la suppression de l’enseignement religieux à l’école ainsi que... la  suppression officielle du délit de blasphème ! 

Encourager le respect de la laïcité dans l’entreprise, via des règlements intérieurs adaptés. 

En septembre 2011, le Haut conseil à l’intégration faisait état de « la gravité d’une situation à laquelle  il convenait de remédier, pour peu que l’on soit attaché à ce que les entreprises ne se transforment pas  en champs de bataille ». 

Garantir par la loi l’égalité de traitement dans l’attribution des subventions culturelles, en empêchant  que celles-ci fassent intervenir des critères ethnique ou religieux. 

Agir au niveau gouvernemental pour bien dissocier les mesures anti-terroristes des éventuelles  mesures visant à réguler le culte musulman.


Premier signataire :

Mathieu GITTON secrétaire de section de Belgique 


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