Thème : Société
La démocratie représentative, pilier fondamental de notre système politique, traverse une crise profonde. L’abstention record aux élections, la montée de la défiance envers les institutions et la banalisation de la violence envers les élus sont des symptômes d’un affaiblissement inédit du lien démocratique. Face à ces défis, il devient impératif de repenser nos pratiques démocratiques pour redonner aux citoyens un rôle actif et continu dans la prise de décision.
Ni le retour à un pouvoir plus vertical, ni l’illusion d’une démocratie directe inadaptée aux réalités contemporaines ne constituent des solutions viables. L’enjeu est plutôt de bâtir une démocratie renouvelée, dans laquelle la participation citoyenne ne se limite plus aux seules échéances électorales, mais s’inscrit dans un processus permanent d’échange, de consultation et de co-construction des politiques publiques.
Dans cette perspective, les Socialistes doivent porter un ensemble de réformes visant à renforcer la participation des citoyens à tous les niveaux de la décision politique. Cela passe par une véritable décentralisation, une meilleure prise en compte des dispositifs délibératifs, l’intégration des outils numériques et un renforcement du contrôle démocratique sur l’action publique. Ces transformations sont aujourd’hui essentielles pour restaurer la confiance, garantir une prise de décision plus légitime et lutter contre la montée des populismes.
La proposition en bref :
Il est temps d’engager une refondation démocratique ambitieuse, portée par une vision progressiste et inclusive.
*** Renforcer la participation citoyenne en plaçant l'intelligence collective et la légitimité populaire au cœur de nos pratiques démocratiques.
*** Lutter contre la montée des populismes en recréant un débat apaisé et constructif.
*** Adapter nos institutions à la complexité contemporaine en rendant le processus législatif plus accessible, transparent et efficace.
Pour une démocratie plus inclusive
- Une démocratie représentative en crise
La démocratie représentative traverse une crise profonde, marquée par une abstention croissante et une défiance grandissante envers les institutions. Alors que l’abstention atteignait 26 % au premier tour de l’élection présidentielle de 2022 et culminait à 52,49 % lors des élections législatives, près de 70 % des Français déclarent aujourd’hui ne plus faire confiance aux responsables politiques, estimant que leur voix n’est pas prise en compte dans les décisions publiques. Ce sentiment d’éloignement nourrit un désengagement citoyen et fragilise le lien démocratique.
La solution ne réside pourtant ni dans un retour au centralisme autoritaire, ni dans une démocratie directe figée, mais bien dans une démocratie renouvelée, qui combine engagement citoyen, délibération et innovation technologique.
- Une démocratie interactive pour redonner la voix aux citoyens
Les socialistes doivent porter cette transformation démocratique en intégrant les citoyens et la société civile de manière continue et participative dans le processus décisionnel. La démocratie interactive est une solution pragmatique qui conserve la structure institutionnelle de la démocratie représentative tout en y intégrant des mécanismes de participation active. Elle vise à faire des citoyens de véritables acteurs de la vie publique, plutôt que de simples spectateurs passifs.
En impliquant directement les citoyens dans l'élaboration des politiques publiques, cette approche améliore l'acceptabilité des décisions et renforce leur légitimité. Cela permet également de réduire le fossé entre gouvernants et gouvernés en instaurant des mécanismes de transparence et de concertation qui restaurent la confiance envers les institutions. Enfin, en favorisant la délibération et l'échange d'informations, elle contribue à un débat public plus apaisé et éclairé, évitant que les décisions ne soient prises sous l'effet de l'émotion ou de la désinformation.
Face à une Ve République à bout de souffle, nous devons redonner toute leur place aux citoyens en les impliquant de manière continue dans le processus décisionnel. Nous proposons pour cela de :
*** Promouvoir une décentralisation réelle en consolidant la démocratie locale, notamment en renouant avec l’esprit de la décentralisation porté par Gaston Deferre.
*** Exploiter les atouts du numérique pour permettre au plus grand nombre de citoyens de s'engager dans la vie publique d’une manière qui soit adaptée aux contraintes quotidiennes.
*** Instaurer le référendum d’initiative citoyenne (RIC) et renforcer le référendum d’initiative partagée en abaissant le seuil de signatures citoyennes requis.
*** Réformer la démocratie représentative pour assurer une représentation équitable et sortir d’un modèle marqué par une concentration excessive du pouvoir exécutif en tendant vers une représentation proportionnelle plus forte.
Pour une démocratie plus délibérative
- Une opinion publique fracturée
Face à l’isolement grandissant des individus, alimenté par la fragmentation de l’opinion publique et la polarisation des débats, nous devons renforcer la participation collective et dépasser les logiques de confrontation. Les récents exemples de conventions citoyennes ont prouvé qu'il était possible d'intégrer efficacement la délibération citoyenne à la prise de décision politique, à condition d’en garantir la sincérité et l’impact.
La démocratie ne peut aujourd’hui plus se résumer à des élections ponctuelles, mais doit reposer sur un dialogue continu, nourri par la réflexion collective, pour que chaque citoyen puisse être acteur de son avenir.
- L’exemple de la Convention Citoyenne pour le Climat
La Convention Citoyenne pour le Climat a illustré à la fois les forces et les faiblesses de la démocratie interactive. En réunissant 150 citoyens tirés au sort pour débattre et proposer des mesures sur la transition écologique, Emmanuel Macron a amorcé une nouvelle approche de la participation citoyenne. Si cette initiative est la preuve que les citoyens peuvent s’emparer de sujets complexes pour formuler des propositions ambitieuses, elle a aussi révélé ses limites : de nombreuses recommandations ont été rejetées ou édulcorées, mettant en lumière la nécessité de garantir un meilleur suivi des décisions issues de ces consultations.
Plutôt que de se limiter à des consultations ponctuelles, les socialistes doivent replacer la délibération collective au cœur du processus démocratique. Il est essentiel d’assurer aux citoyens le temps et les moyens de s’informer, de débattre et de réfléchir avant toute prise de décision. Multiplier les espaces de dialogue – qu’il s’agisse d’assemblées citoyennes, de conférences de consensus ou de forums de délibération en ligne – permettrait une prise de décision plus éclairée, inclusive et par conséquent participerait à la légitimation des décisions. L’objectif est double : donner aux citoyens les outils pour comprendre les implications des choix politiques et enrichir ainsi le processus démocratique. Ce modèle garantirait non seulement des décisions plus justes et équilibrées, mais aussi une plus grande acceptabilité des politiques publiques grâce à une co-construction active avec la population.
Face aux enjeux contemporains, il nous faut replacer l’intelligence collective et la légitimité populaire au cœur de nos pratiques démocratiques. Nous proposons pour cela de :
*** Utiliser plus régulièrement les conventions citoyennes à l’échelle nationale et à l’échelle locale, notamment sur des sujets du quotidien (services publics, santé, travail ou fiscalité).
*** Instaurer un mécanisme institutionnel pour garantir l’examen et la mise en œuvre des propositions issues de ces conventions.
*** Mettre en place un suivi et un contrôle citoyens sur l’examen et l’application des propositions.
*** Renforcer la transparence et définir des objectifs clairs pour ces dispositifs afin d’éviter l’instrumentalisation et la récupération politique
Pour un débat éclairé et apaisé
- Une défiance accrue envers les responsables politiques
L’actualité nous montre que la complexité des enjeux contemporains, l’opacité du processus décisionnel et la prolifération de désinformations fragilisent considérablement le débat public. L’évaluation des politiques publiques, encore sous-exploitée en France, pourrait jouer un rôle central pour éclairer le débat démocratique et renforcer la confiance des citoyens envers les institutions.
Dans un contexte de défiance accrue entre citoyens et les responsables publics, l’évaluation des politiques publiques peut jouer un rôle central, en apportant à notre démocratie des analyses fiables et factuelles pour éclairer à la fois le débat public et la prise de décision.
- La nécessité d’instaurer une culture de l’évaluation
Malgré certaines avancées, seules 12 % des politiques publiques font l’objet d’une évaluation indépendante en France, contre 70 % en Allemagne ou 90 % au Royaume-Uni. Ce retard s’explique par une organisation trop fragmentée et un manque de coordination entre les acteurs impliqués. Contrairement à d’autres pays où les universités et centres de recherche jouent un rôle clé, l’évaluation reste en grande partie sous contrôle administratif, réduisant ainsi son indépendance et son efficacité. De plus, près de la moitié des évaluations réalisées entre 2007 et 2017 n’ont pas été rendues publiques, alors qu’elles concernent des programmes financés par l’argent des contribuables.
Il est urgent d'insuffler une nouvelle ambition à l'évaluation des politiques publiques en lui attribuant les moyens et la reconnaissance qu'elle mérite. Nous devons renforcer le rôle du Parlement dans ce domaine, en le positionnant comme médiateur entre les experts et les citoyens, afin qu'il puisse pleinement assumer sa mission d’évaluation, consacrée par la révision constitutionnelle de 2008. Les politiques publiques les plus coûteuses ou ayant un impact sociétal majeur doivent faire l'objet d'une évaluation prioritaire, en mobilisant une communauté structurée et diversifiée d'évaluateurs ainsi que des méthodes rigoureuses. Nous devons aussi garantir l'indépendance des évaluations en instaurant des instances collégiales et pluralistes, prévenant tout conflit d'intérêts et impliquant régulièrement les citoyens tout au long du processus d'analyse. L’accès et la gestion des données publiques doivent enfin être améliorés afin d'assurer des évaluations fiables, en facilitant notamment la collecte et la coordination des données locales. Enfin, la transparence doit devenir un principe incontournable : les résultats des évaluations doivent être systématiquement rendus publics, accompagnés de recommandations claires et accessibles, tout en assurant un suivi rigoureux de leur mise en œuvre.
Face à la montée des populismes et à la défiance envers les institutions, il est urgent de restaurer un débat public apaisé et fondé sur des analyses objectives. Nous proposons donc de :
*** Renforcer la culture de l’évaluation des politiques publiques en instaurant un programme pluriannuel d’évaluations prioritaires, ciblant en premier lieu les politiques ayant un impact financier et social majeur.
*** Renforcer le rôle du Parlement, non seulement en tant que commanditaire d’évaluations mais aussi en tant que garant du débat démocratique autour de leurs résultats.
*** Faciliter l’accès et l’exploitation des données publiques en améliorant l’interopérabilité des bases de données administratives, en simplifiant les procédures d’accès pour les chercheurs et en poursuivant les efforts d’ouverture des données.
Instaurer une obligation de publication systématique des évaluations, avec une présentation accessible et pédagogique des conclusions. Un portail unique et interactif pourrait être développé, permettant à chaque citoyen de consulter toutes les évaluations en cours et leurs recommandations, quelle que soit l’institution en charge.
En mettant en œuvre ces propositions, nous pourrons faire de l’évaluation des politiques publiques un véritable outil de transformation, au service de la transparence, de l’efficacité de l’action publique et de la confiance démocratique.
Contributeurs : Thomas ROSSET (75), Fanny PIDOUX (45), Audrey GATIAN (13), Thomas GODARD (94), Sophie ROQUES (13), Eric SARGIACOMO (40), Malika BONNOT (69), Caroline RACINE (57), Aline MAURICE (34), Agathe BOURRETERE (40), Rozenn BONNET (40), Aline MAURICE (34), Emma PINÇON (31), Philippe QUÉRÉ (95), Alex CHARBONNEL (32), Michel MOUREAU (63), Nicolas TELLIER (33), Jean Claude MAURIN (26), Gautier PEZY (16), Antoine DALLET (17), Nicolas LE VIAVANT (40), Àhmed MIRAOUÎ (62), Titouan MARY (51), Antoine FABRY (12), Damien ROUTA (40), Killian MONTESQUIEU (75), Damien THOMAS (75), Cyril NOVAKOVIC (75), Christian HUGUIES (40), Bruno PÉRAN (31), Thierry JACQUET (69), Jerome GUILLEM (33), Marina PARODI (40), Benjamin ALLAIX (49), Nicolas BIGHETTI DE FLOGNY (60), Vincent TISON (37), Marie-Pierre DUHA PERRIAT (40), Yoann GARCIA (33), Lionel OLLIVIER (60), Jennifer BOHRER BARREAU (53), Johanne HADZLIK (59), Elouan LAHET (40), Jean-Michel EON (44), Karine GARRALON (40), Abel GAGO (69), Denis BREVET (40), Nicolas DELAUTRETTE (87), Benedicte LECACHEUX (14), Florence SABARD (75), Johel GREVET (62), Gauthier DETROUSSEL (27), Lucas BERGÉ (58), Elias BENDAOUADJI (57), Dominique BOLLIET (69), François-Marie CAILLEAU (29), Yann AUZIAS (69), Alex CHARBONNEL (32), Hans TORVIC LECLERC (18), Robert CABÉ (40), Bernard BETNA (40), Vincent VAN ACKER (75), Paul COUTARD (75), Victor LE MONIER (21), Jean Marc BILLAC (40), Romain MIDA (60), Antoine TERRIER (40), Florian SENTIGNAN (94), Grégoire GOURDON (49), Noé COLLOMB (69), Justine CHASSEUR (40), Jeanne DALLOT (75), Nicolas DZIEZUK (57), Manon AUDAP (40), Olivier DUCOURTIEUX (87), Matthias EVANO (75), Rolande CASSAGNEAU (40), Zoé BOURLON (40), Yann AUZIAS (69), Abel GAGO (69), Pierre HADZLIK (59), Stéphane GEMMANI (38), Noé GUIGONET (13), Quentin LE MENÉ (45), Quentin LATOUR (31), Jean WOHRER (75), Matthis MONTEIL (75), Cédric MARÉCHAL (45), Arnaud BATTEFORT (23)