Thème : Société
A travers le mouvement des gilets jaunes ou celui des émeutes urbaines, les territoires relégués ont exprimé un même sentiment d’abandon et de frustration face à des inégalités croissantes. Cette France insuffisamment reconnue et sous-rémunérée des travailleurs de la première ligne est indispensable à notre modèle économique et social.
Disons-le franchement, si nos élus locaux parviennent encore à garder la confiance des habitants de ces territoires, le Parti socialiste n’incarne plus à l’échelle nationale le parti de l’espoir qu’il fut à leurs yeux par le passé. Aussi leurs colères et leurs frustrations trouvent-elles des débouchés ailleurs, tantôt du côté de la France insoumise dans les banlieues, tantôt du côté du RN dans de nombreuses ruralités, chacun prospérant sur la défense d’une identité sociale et culturelle par opposition à d’autres.
Nous ne regagnerons la confiance des uns et des autres qu’à la condition de dépasser ces oppositions stériles entre l’urbain et le rural et le sentiment d’une domination culturelle d’une France sur une autre. Qui ignore que la désertification médicale menace tout autant les enfants du Mirail à Toulouse que les personnes âgées de la Nièvre ? Qui conteste que la promesse d’ascension par l’école est trop souvent trahie pour le fils d’ouvriers d’Aubervilliers comme pour la fille d’agriculteurs du Lot ? Si le recul des services publics est un danger pour notre pays, il est un poison mortel pour celles et ceux qui vivent hors du cœur des métropoles.
Nous, socialistes, avons le devoir de réhabiliter ces classes populaires dans le récit national et dans les politiques publiques. Là où les extrêmes se nourrissent de leur division, nous devons le redire : leur combat est le même, c’est celui de réformer le système pour davantage d’équité dans la redistribution des richesses qu’elles participent très largement à créer. Les classes populaires sont une, si elles réussissent la France réussit.
Nous défendrons ainsi la réalité d’une France de la banlieue qui concentre chaque jour davantage la pauvreté en particulier celle des plus jeunes et des mères célibataires. Passées les premières mesures sur le dédoublement des classes, les maisons France service et les promesses d’investissement pour la rénovation urbaine, les gouvernements successifs d’Emmanuel Macron ont rapidement tourné le dos aux QPV et à leur presque 6 millions d’habitants. La réponse aux émeutes de 2023 a été exclusivement sécuritaire mais si l’action régalienne dans les quartiers populaires concentrée sur la lutte contre les narcotrafics est importante, elle ne peut appréhender à elle seule la complexité des enjeux, la richesse humaine de ces territoires et la nécessité d’y investir sur le temps long.
La politique de la ville que nous porterons amplifiera l’action de l’Etat en matière de renouvellement urbain pour mieux lutter à la fois contre l’enclavement des banlieues et la consommation d’énergies fossiles préjudiciables à notre survie. Elle redynamisera les quartiers populaires en incitant les acteurs économiques à y investir tout en s’appuyant sur une politique migratoire efficace privilégiant la régulation économique et l’intégration. Enfin, elle fera œuvre de cohésion sociale et républicaine, et nous déploirons un grand plan de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations dans tous ces territoires.
A rebours de la culpabilisation de ces habitants que l’on suspecte d’être trop aidés alors qu’ils sont déficitaires dans la redistribution des richesses nationales depuis des décennies et souffrent du retrait des services publics mais aussi des espaces de sociabilité et de convivialité, nous voulons porter un plan d’investissement inédit dans l’accompagnement humain de ces territoires où la tentation du repli sur soi ne doit plus primer sur le sentiment de vivre dans un seul et même pays.
Nous ferons de la petite enfance, de l’éducation, de la santé, de la formation, de la culture et de la mixité sociale par le logement une priorité à travers une nouvelle génération de contrats de ville qui cesseront de substituer au droit commun universel des dispositifs transitoires et précaires, pour porter des actions de long terme susceptibles de rétablir la confiance dans une action publique repensée, réellement correctrice des inégalités. Nous lutterons sans relâche contre les discriminations et les velléités réactionnaires et suprémacistes internationales qui font souffler un vent mauvais sur le pays.
Sur tous les territoires, nous porterons le rétablissement de l’autorité publique par une même exigence d’accès aux services publics et de respect des lois contre le séparatisme social des plus favorisés. Priorités seront mises sur la mixité sociale, notamment par le renforcement de la loi SRU, et sur la programmation des prochaines grandes opérations de renouvellement urbain. Un principe de contractualisation territoriale garantira l’égalité républicaine tout en laissant les collectivités organiser le plus librement possible les solutions adaptées à leurs réalités. Nous ne cèderons ni à la tentation autoritaire de la recentralisation, ni à la pente de politiques décentralisées tellement diverses qu’elles portent atteintes à l’unité de la République. Un Etat garant pour les citoyens et partenaire des territoires, voilà notre ambition.
Nous porterons cette même exigence pour la France des bourgs, celle qui se sent abandonnée, aux marges des transformations du monde. Non pour y cultiver la nostalgie d’un monde passé, mais pour repenser un développement territorial garant du principe de continuité et d’égalité devant les services et les investissements publics et privés.
Nous regardons en face les difficultés inhérentes à la ruralité, au peuple de la route prisonnier du prix des carburants comme de l’énergie. Nous ne fermerons plus les yeux face à l’accaparement des terres et à la concentration inacceptable des aides agricoles au profit de quelques-uns et au détriment de la transition agroécologique de tous. Nous regarderons en face le défi vertigineux du vieillissement dans nos campagnes qui exigera un investissement massif dans la prise en charge de nos aînés comme le défend notre camarade Jérôme Guedj depuis de nombreuses années.
Nous devrons répondre à l’une des angoisses les plus aigües dans nos villages : la désertification médicale qui accroît jour après jour la menace d’un déclin démographique de nos campagnes. L’exode des médecins précède l’exode rural, comme le désert médical préfigure le désert tout court. Le projet de loi transpartisane initié courageusement par Guillaume Garot constitue une première étape essentielle que la gauche devra amplifier une fois de retour aux responsabilités.
La revitalisation de nos villages passera inévitablement par une politique de reconquête des centre-bourgs avec la reconquête des logements comme moteur de son ambition. Nous défendrons la création d’un ANRU rural qui redonnera accès au logement pour tous, tout autant qu’il dynamisera la vie de nos villages.
Nous sommes à un point de bascule à tous les niveaux. Le destin de notre pays est sur le point de glisser vers un pouvoir populiste. Après les Etats-Unis, le Brésil, l’Argentine ou plus près de nous la Hongrie, l’Italie, la probabilité que la France soit prochainement dirigée par un gouvernement d’extrême droite n’a jamais été aussi grande pour ne pas dire aussi proche.
Une partie de ce destin se joue en ce moment même dans nos campagnes. Déclassées, oubliées depuis le lendemain de la Seconde Guerre mondiale, elles voient prospérer le vote RN sur le terreau de ces angoisses. Ses dirigeants l’ont bien compris, c’est là, dans cette colère et dans ces territoires que réside le réservoir de voix qui peut permettre demain au RN d’accéder au pouvoir. Ce risque n’a rien d’une fatalité. Nos campagnes se situent elles aussi à un point de bascule dans leur histoire. La tendance s’inverse, confirmée depuis la pandémie : les urbains sont de plus en plus nombreux à vouloir changer de vie et s’installer dans nos campagnes.
La question du récit est centrale pour la cohésion de notre pays. Ce récit doit à la fois répondre aux attentes spécifiques de nos territoires tout en dépassant les oppositions factices des classes populaires rurales et urbaines. Les socialistes ont la responsabilité de réinscrire ces réalités sociales dans l’agenda politique et de mettre en évidence les combats qui leur sont communs.
Notre projet de réconciliation s’applique aussi, et certainement d’abord, aux deux visages de la France populaire et laborieuse, polarisée comme jamais autour de deux votes extrêmes, alors qu’au fond rien ne les oppose.
Si nous passons à l’offensive, si nous déplaçons notre radicalité vers ces attentes et ces forces, si nous croyons dur comme fer que nos campagnes comme nos quartiers populaires sont l’avenir du pays et que la gauche en est le porte-drapeau, alors elle incarnera à nouveau l’espoir, et plus vite qu’elle ne le croit.
Contributeurs : Rémi BRANCO (46), Patrick HADDAD (95), Fanny PIDOUX (45), Audrey GATIAN (13), Philippe MARTIN (32), Thomas GODARD (94), Eric SARGIACOMO (40), Malika BONNOT (69), Caroline RACINE (57), Aline MAURICE (34), Agathe BOURRETERE (40), Rozenn BONNET (40), Aline MAURICE (34), Emma PINÇON (31), Philippe QUÉRÉ (95), Alex CHARBONNEL (32), Michel MOUREAU (63), Olivier FOURNET (82), Nicolas TELLIER (33), Jean Claude MAURIN (26), Gauthier DUFOSSEZ (69), Gautier PEZY (16), Antoine DALLET (17), Philippe BLET (62), Nicolas LE VIAVANT (40), Àhmed MIRAOUÎ (62), Titouan MARY (51), Antoine FABRY (12), Killian MONTESQUIEU (75), Damien THOMAS (75), Christian HUGUIES (40), Bruno PÉRAN (31), Thierry JACQUET (69), Jerome GUILLEM (33), Marina PARODI (40), Benjamin ALLAIX (49), Nicolas BIGHETTI DE FLOGNY (60), Marie-Pierre DUHA PERRIAT (40), Yoann GARCIA (33), Lionel OLLIVIER (60), Jennifer BOHRER BARREAU (53), Johanne HADZLIK (59), Jean-Marie DARRICAU (40), Elouan LAHET (40), Jean-Michel EON (44), Karine GARRALON (40), Denis BREVET (40), Nicolas DELAUTRETTE (87), Florence SABARD (75), Johel GREVET (62), Maxime FLEURY (24), Lucas BERGÉ (58), Elias BENDAOUADJI (57), Didier KAHN (40), Dominique BOLLIET (69), François-Marie CAILLEAU (29), Anne-Marie KAHN (40), Gauthier DUFOSSEZ (69), Yann AUZIAS (69), Alex CHARBONNEL (32), Hans TORVIC LECLERC (18), Robert CABÉ (40), Bernard BETNA (40), Vincent VAN ACKER (75), Mehdi KEMOUNE (91), Eric QUENARD (51), Paul COUTARD (75), Victor LE MONIER (21), Jean Marc BILLAC (40), Romain MIDA (60), Vincent TISON (37), Antoine TERRIER (40), Grégoire GOURDON (49), Noé COLLOMB (69), Justine CHASSEUR (40), Jeanne DALLOT (75), Nicolas DZIEZUK (57), Manon AUDAP (40), Lucas HAMIDI (62), Théo IBERRAKENE (59), Matthias EVANO (75), Rolande CASSAGNEAU (40), Zoé BOURLON (40), Yann AUZIAS (69), Pierre HADZLIK (59), Stéphane GEMMANI (38), Noé GUIGONET (13), Helene HOMMERY (22), Quentin LE MENÉ (45), Quentin LATOUR (31), Jean WOHRER (75), Matthis MONTEIL (75), Xavier DEMANGEON (40), Cédric MARÉCHAL (45), Thomas ROSSET (75), Arnaud BATTEFORT (23)