Thème : Santé
Face à la crise profonde d’accès aux soins qui touche nombre de nos concitoyens, il est indispensable d’agir pour redonner à chacun le droit fondamental à « la protection de la santé » tel que garanti par la Constitution. La désertification médicale n’est pas seulement le résultat d’un déséquilibre inéluctable entre offre et demande, elle est aussi et surtout le fruit naturel d’un libéralisme outrancier appliqué à la santé : aucune contrainte d’installation des médecins généralistes et absence totale de planification de l’offre de la part de l’Etat. Les deux faces d’une même pièce qui nourrit la concentration de l’offre dans les métropoles et ignore nos territoires périurbains et ruraux.
I. Les déserts médicaux : fruits mûrs d’une logique comptable et du laisser-aller libéral
Les déserts médicaux concernent une partie sans cesse croissante de la société. Pour les identifier, on prend essentiellement en compte l’accessibilité aux médecins généralistes qui sont la porte d’entrée au système de santé. L’absence de services d’urgence à proximité est considérée comme une circonstance aggravante. Ces zones cumulent généralement les désavantages : pas d’accès à des généralistes, délais longs pour les spécialistes, pénurie de pharmaciens, de sage-femme, d’infirmiers et de kinés.
Les déserts touchent essentiellement la ruralité et la périurbanité tout en épargnant la majorité des villes de plus de 200 000 habitants ; les jeunes médecins ayant tendance à s’installer davantage dans les grandes villes que le reste de la population (57% contre 43%). Ce processus contribue à renforcer les inégalités territoriales et suit la logique des fermetures de bureaux de poste, de casernes militaires, de maternités et autres services publics de proximité.
Les causes ayant menées à cette désertification sont connues :
Une raréfaction de l’offre globale par la baisse drastique du nombre de médecins formés (-250% en 16 ans !). C’est l’effet du numerus clausus, l’objectif initialement visé étant la baisse des dépenses d’assurance maladie
Une explosion de la demande nationale notamment causée par le vieillissement de la population ; les plus de 65 ans étant plus consommateurs de soins que les autres. Il faut donc numériquement plus de médecins par tête d’habitant.
Une absence totale de volonté d’adapter l’offre en fonction des besoins de chaque territoire. Au contraire, une résignation réelle à contraindre les territoires à composer avec l’offre que les généralistes veulent bien proposer en fonction de choix de vie individuels. Pourtant, la santé n’est pas un marché comme un autre
Les causes ayant mené à cette désertification ont des répercussions de long terme. La densité des médecins généralistes ne retrouverait son niveau de 2021 qu’en 2031. Dans l’hypothèse de l’absence d’arrivées de praticiens à diplôme hors Union Européenne, cette échéance est retardée de 3 ans, en 2034 !
Cependant, la remontée progressive des effectifs due à la fin du numerus clausus ne garantit en rien une égale répartition des généralistes sur le territoire. Au contraire, à iso-mesures, les études prédisent en 2030 une verticale du vide allant de la Picardie à l’Auvergne en passant par le Centre-Val de Loire et la Bourgogne.
Alors, face à cette fatalité annoncée, que faire pour enrayer au plus vite cette dynamique ? Comment ne pas voir qu’à la carte des déserts médicaux se substitue celle du vote RN ? Comment le PS peut-il se contenter d’un système entièrement dérégulé qui renforce des inégalités sociales et de territoire ?
II. Encadrer les installations tout en suscitant, à moyen terme, des vocations issues de la diversité sociale et géographique du pays
1. Territorialiser la formation des étudiants en médecine pour susciter des vocations
Pour lutter contre la désertification médicale, il est impératif d’intégrer dès la formation des étudiants en médecine, et notamment lors de leurs 4 années d’internat, des passages obligés dans les territoires sous-dotés de notre République ; au moins 50 % du temps soit 2 ans. Ainsi, pour beaucoup, ils seront confrontés à une réalité d’exercice différente et découvriront un environnement de vie et de travail nouveau. Cela pourrait susciter des vocations et aurait le mérite d'élargir le champ des possibles pour les internes de médecine. On ne s’installe pas dans des territoires qu’on méconnaît ou ignore pendant 9 ans de formation.
La territorialisation doit s’appuyer sur des universitaires qui enseignent et soignent également dans les territoires pendant une partie de leur temps (50% d’exercice dans la ville universitaire, 50 % dans les territoires sous-dotés). Ces derniers pourront garantir la qualité de la formation, donner des cours à proximité et accompagner l’apprentissage des étudiants aux côtés des maîtres de stage non universitaires. Les initiatives de certaines régions, dont la région Centre-Val de Loire, de créer des postes de chefs de clinique territoriaux sont des exemples à généraliser.
Enfin, la territorialisation doit s’attacher à un recrutement des futurs praticiens plus diversifié géographiquement et moins sujets à reproduction sociale. L’établissement de prépas dès le lycée et de filières ciblées de recrutement pour les jeunes issus de QPV et de zones sous-denses, est une nécessité. Il est prouvé que les médecins généralistes libéraux s’installent souvent à proximité de leur lieu de naissance. Dans cette continuité, la création de campus délocalisés à proximité des zones sous-denses et des QPV pour les trois premières années de médecine permettra de favoriser la réussite des apprenants et éviter que l’éloignement et le coût du logement, soient un frein aux vocations.
2. Encadrer progressivement l’installation des médecins généralistes : Pour une politique du besoin plutôt que de l’offre
Alors que les mesures incitatives coûtent chères et sont inefficaces selon plusieurs rapports du Sénat, de l’Assemblée nationale, de la Drees et de l’OCDE, il conviendrait enfin, loin de tout dogme, d’essayer plusieurs mesures d’encadrement de l’installation des généralistes en s’appuyant, d’une part, sur ce qui existe déjà en France pour d’autres professionnels de santé et, d’autre part, sur des exemples étrangers.
Il conviendrait d’introduire des mesures désincitatives allant dans le sens d’une restriction (et non suppression) de la liberté d’installation :
Impossibilité d’être en secteur 2 dans les zones sur-denses comme c’est le cas dans le cadre du conventionnement sélectif des infirmiers, sage-femmes et kinés,
Interdiction de s’installer dans des zones sur-denses (ex de l’Allemagne), les médecins exerçant leur choix dans l’ensemble des autres zones disponibles en France. Cette interdiction pourrait intervenir après une première phase de 3 années d’expérimentation de la 1ere solution susmentionnée.
Des mesures d’obligations temporaires devraient également être envisagées avec, notamment, un passage obligé d’exercice dans les zones déficitaires de la région de formation, pendant un à 2 ans à la sortie des études avec, en contrepartie, des tarifs majorés améliorant la rémunération. En complément, afin de faciliter l’installation et toutes les difficultés opérationnelles associées à un déménagement potentiellement temporaire, il sera mis à disposition des locaux et un logement.
En somme, le Parti socialiste doit proposer un ensemble de mesures cohérent et offensif sur la question des déserts médicaux pour mettre fin au sentiment d’impuissance des pouvoirs publics sur ce sujet et au ressenti de délaissement des territoires non métropolitains (périurbanité et ruralités) face à des problématiques qui ne touchent pas Paris intra-muros. La garantie d’un accès à un médecin traitant pour tous doit être un priorité du programme du parti conformément à ses valeurs et à son exigence d’égalité.
Contributeurs : Cédric MARECHAL (45), Fanny PIDOUX (45), Audrey GATIAN (13), Pierre PRIBETICH (21), Thomas GODARD (94), Eric SARGIACOMO (40), Malika BONNOT (69), Caroline RACINE (57), Agathe BOURRETERE (40), Rozenn BONNET (40), Aline MAURICE (34), Emma PINÇON (31), Philippe QUÉRÉ (95), Alex CHARBONNEL (32), Michel MOUREAU (63), Olivier FOURNET (82), Nicolas TELLIER (33), Jean Claude MAURIN (26), Gauthier DUFOSSEZ (69), Gautier PEZY (16), Antoine DALLET (17), Philippe BLET (62), Nicolas LE VIAVANT (40), Àhmed MIRAOUÎ (62), Titouan MARY (51), Gwendal MANSO (40), Dominique RAT (40), Damien ROUTA (40), Eden MATIONGO (77), Killian MONTESQUIEU (75), Damien THOMAS (75), Cyril NOVAKOVIC (75), Nicole HOSTIER-GLORIEUX (38), Christian HUGUIES (40), Bruno PÉRAN (31), Thierry JACQUET (69), Jerome GUILLEM (33), Marina PARODI (40), Benjamin ALLAIX (49), Nicolas BIGHETTI DE FLOGNY (60), Stéphane GUTHINGER (24), Vincent TISON (37), Marie-Pierre DUHA PERRIAT (40), Yoann GARCIA (33), Lionel OLLIVIER (60), Jacques LARROUX (40), Jennifer BOHRER BARREAU (53), Richard MARSAN (40), Elouan LAHET (40), Jean-Michel EON (44), Karine GARRALON (40), Abel GAGO (69), Timothé LUCIUS (45), Denis BREVET (40), Nicolas DELAUTRETTE (87), Benedicte LECACHEUX (14), Florence SABARD (75), Johel GREVET (62), Gauthier DETROUSSEL (27), Maxime FLEURY (24), Lucas BERGÉ (58), Elias BENDAOUADJI (57), Didier KAHN (40), Dominique BOLLIET (69), François-Marie CAILLEAU (29), Anne-Marie KAHN (40), Gauthier DUFOSSEZ (69), Yann AUZIAS (69), Nathalie PERCHAT (30), Alex CHARBONNEL (32), Roger GONNET (63), Hans TORVIC LECLERC (18), Robert CABÉ (40), Bernard BETNA (40), Vincent VAN ACKER (75), Mehdi KEMOUNE (91), Emmanuelle RAMOND (44), Aurore PAGEAUD (62), Paul COUTARD (75), Victor LE MONIER (21), Jean Marc BILLAC (40), Romain MIDA (60), Antoine TERRIER (40), Grégoire GOURDON (49), Noé COLLOMB (69), Justine CHASSEUR (40), Jeanne DALLOT (75), Nicolas DZIEZUK (57), Manon AUDAP (40), Lucas HAMIDI (62), Jean-Pierre TRABESSE (40), Olivier DUCOURTIEUX (87), Matthias EVANO (75), Rolande CASSAGNEAU (40), Zoé BOURLON (40), Yann AUZIAS (69), Abel GAGO (69), Pierre HADZLIK (59), Stéphane GEMMANI (38), Stéphane GEMMANI (38), Noé GUIGONET (13), Helene HOMMERY (22), Quentin LE MENÉ (45), Quentin LATOUR (31), Jean WOHRER (75), Thomas ROSSET (75), Arnaud BATTEFORT (23)