UNIR - Pour la santé, des soins publics et de qualité, partout en France


Thème : Santé


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Notre système de santé a longtemps été un modèle pour le monde entier. L’OMS disait même en 2000 qu’il était le meilleur, à la fois performant et égalitaire. Mais ces temps paraissent désormais bien lointains, tant les difficultés se sont accumulées, tant pour les patients que pour les soignants.

Certes, nous gardons des soins de qualité pour celles et ceux qui peuvent y accéder, et nous conservons des domaines d’excellence. Mais les obstacles pour accéder aux soins sont de plus en plus nombreux, et parfois insurmontables, qu’il s’agisse des déserts médicaux, retardant ou empêchant des suivis adaptés, ou encore de la saturation des urgences qui ne fait que s’aggraver. Cette situation de pénurie pèse plus fortement sur les populations les plus vulnérables socialement et économiquement : soins non remboursés (reste à charge), moindres mobilité et agilité pour accéder à des consultations, modes de vie et d’alimentation fragilisant, ou encore activités professionnelles qui usent physiquement et psychologiquement.

Ainsi, aujourd’hui en France, les hommes cadres de 35 ans vivront en moyenne cinq ans de plus que les ouvriers (1). Chez les femmes, cette différence s’est accrue depuis 30 ans, passant de 2,6 à 3,4 ans (2). De même, le diabète touche presque trois fois plus les plus pauvres que les plus riches, et les taux de mortalité de la pandémie du Covid, nettement plus élevés dans les départements les plus populaires, n’ont fait que confirmer cette injustice devant la maladie.

Il faut également rajouter à ces difficultés d'accès le coût des soins qui augmente, entre les déremboursements successifs de la Sécurité sociale et les hausses de cotisations d’assurance maladie complémentaires.

Nous ne pouvons pas rester passifs devant ces réalités qui fracassent des vies et ébranlent un des piliers essentiels de notre démocratie, l’égalité devant la santé, qui font reculer la promesse républicaine au profit du vote RN. L’échec du système conduit aussi à alourdir fortement les dépenses publiques, comme nous l’avons vu cette année avec une épidémie de grippe coûteuse que l’on aurait pu limiter grâce à des mesures préventives et plus de vaccinations.

Il est temps de repenser et de reconstruire un système de santé alliant excellence et égalité. Celui-ci doit s’appuyer avant tout sur le secteur public pour donner les mêmes chances à tous, sur ses personnels, qu’il faut plus que jamais reconnaître et valoriser, ainsi que sur une vision globale associant médecine de ville et médecine hospitalière. Nous devons porter simultanément deux missions aussi importantes l’une que l’autre, la prévention et le soin, avec un engagement fort de l'État et de la Sécurité sociale sur des grands objectifs de santé publique à atteindre, définis par une loi de programmation. Celle-ci permettra de mobiliser tous les acteurs pour améliorer réellement l’état de santé de la population, avec un suivi rigoureux des résultats.

 

POUR UN SERVICE PUBLIC TERRITORIAL DE SANTÉ

Le système de santé doit être pensé à l'échelle des territoires afin de tenir compte des enjeux de santé publique et des caractéristiques géographiques et sociales locales.

Nous proposons ainsi la création d’un service public territorial de santé (SPTS), porteur des missions de prévention et de soins complets avec une responsabilité populationnelle. Il comprendrait les hôpitaux publics du territoire, les centres de santé à but non lucratif, et tous les professionnels de santé conventionnés avec l’assurance maladie sans dépassements d’honoraires. Les établissements privés sans but lucratif et les médecins en secteur 2 pourront être intégrés au SPTS, mais en respectant des règles claires concernant leur participation au service public (gardes et permanence des soins, urgences, absence de restrictions sociales et médicales aux prises en charge) et leurs modes de rémunération (plafonnement des dépassements et des tarifs, tiers payant, etc.).

Les composantes du SPTS seront accompagnées par des modes de financement garantissant une soutenabilité à moyen et long terme, et la capacité à répondre aux besoins des publics les plus divers, pour les soins de proximité courants mais aussi pour les soins les plus exigeants et complexes. Une attention particulière devra être portée aux populations les plus fragiles : grande précarité, troubles psychiques, familles mono-parentales, handicap, sujets âgés, patients en ALD, etc.

L’axe principal du SPTS sera constitué d’un partenariat fort entre les hôpitaux et les professionnels de santé de ville, et notamment les centres de santé s’inscrivant dans une démarche de santé publique.

Ces liens forts « ville-hôpital » permettront de partager des objectifs de santé publics communs et de créer des parcours de soin répondant au mieux aux besoins de la population (soins non programmés, recours spécialisés, ou encore suivis post-hospitalisation). Ils permettront également de mutualiser les connaissances et les compétences pour les programmes de prévention, construits de manière collective et portés au plus près de la population grâce aux contacts entretenus avec les acteurs de proximité (PMI, écoles, universités, CCAS, etc.). Ces coopérations seront aussi précieuses pour le développement d’une recherche en santé publique et en soins primaires, insuffisante en France.

Pour que les hôpitaux puissent s’impliquer pleinement dans le fonctionnement et la création de centres de santé, il est nécessaire de créer de nouveaux cadres d’emploi (inter fonctions publiques) pour que des professionnels puissent exercer de manière conjointe dans des structures de ville et à l’hôpital.

UNE NOUVELLE MÉDECINE DE VILLE, PLUS ACCESSIBLE ET PLUS EFFICACE

Nous souhaitons que le modèle des centres de santé soit soutenu de manière volontariste, qu’il permette d’expérimenter de nouvelles règles de financement et de porter les missions de santé publique dont le pays a besoin. Ces structures répondent aux attentes de beaucoup de jeunes professionnels, au travers d’un exercice collectif pluri-professionnel et d’un statut de salariat, avec ainsi l’intérêt de pouvoir développer une offre de soins compensant progressivement les manques sur beaucoup de territoires urbains, périurbains et ruraux.

Le paiement à l’acte dans les centres de santé n’est pas pertinent pour la collectivité car il incite à multiplier les consultations ou les interventions. Par ailleurs, il ne correspond pas aux missions de ces structures, qui prennent souvent en charge des situations complexes nécessitant des consultations longues et des interventions d’éducation thérapeutique. Un financement forfaitaire, dit à la « capitation », prenant en compte le nombre de patients pris en charge et leurs caractéristiques, doit être instauré, associé à des financements dédiés à des missions de santé publique (prévention, dépistages, éducation thérapeutique, etc.) et un intéressement collectif lié à l’évolution de l’état de santé du bassin de vie.

Les modes de rémunération des médecins libéraux doivent également évoluer pour promouvoir des pratiques en équipes pluriprofessionnelles, impliquant notamment les infirmiers. L’objectif, pour les soins primaires, est une convergence de tous les modes d’exercice vers les grands objectifs d’amélioration de la santé publique définis au plan national.

Pour réduire les inégalités géographiques et sociales d’accès aux soins, conformément à la proposition de loi transpartisane portée par le député Guillaume Garot, il est nécessaire d’introduire des règles de régulation à l’installation, accompagnées d’incitations et d’aides pour les praticiens choisissant d’exercer dans les territoires les plus délaissés.

RENFORCER L’HÔPITAL DANS SES MISSIONS DE SANTÉ PUBLIQUE

Les principales difficultés rencontrées par les hôpitaux publics proviennent d’un sous-financement récurrent, aussi bien pour ses dépenses de personnels (ayant conduit à une perte dramatique d’attractivité des métiers du soin) que pour ses investissements, conduisant à des fermetures de lits et de structures. Le financement des hôpitaux doit être défini de manière pluri-annuelle, dans le cadre d’une loi de programmation sanitaire et médico-sociale, établie en début de quinquennat sur la base d’une réelle évaluation des besoins de santé de la population, et pas uniquement sur des critères comptables. Cette loi de programmation serait ensuite affinée chaque année dans la loi de financement de la Sécurité sociale, avec des Objectifs nationaux de santé publique remplaçant l’ONDAM.

Une sanctuarisation des dépenses de personnels doit garantir le maintien d’effectifs soignants suffisants (« ratios » minimum obtenus grâce à la loi portée en 2025 par les parlementaires socialistes). Un plan pluriannuel des investissements publics hospitaliers est également nécessaire pour moderniser radicalement l’outil de travail des soignants et les conditions de prise en charge des malades. Il doit concerner tant l’investissement courant indispensable à l’entretien des services et à l’achat de matériel, que l’investissement structurant pour des grandes opérations.

Les soins doivent être financés par une combinaison de plusieurs modalités :
en fonction du nombre de patients ou des populations prises en charge, pour les soins non programmés et les maladies chroniques ;
à la journée pour des interventions difficiles à standardiser comme les soins palliatifs ou psychiatriques ;
à l’activité pour les interventions simples et programmées avec des tarifs correspondant aux coûts réels comme en chirurgie;
au forfait pour des missions de santé publique, d’enseignements et de recherche.
à la qualité, de manière transversale, pour encourager et récompenser les bonnes pratiques

Pour redonner une motivation et du sens au travail des soignants, et ainsi accroître leur nombre et leur stabilité dans les services, des perspectives d’évolution de carrière doivent leur être données. Ceci inclut des revalorisations salariales massives et la bonification des postes à responsabilité et des missions spécifiques comme les fonctions de cadres ou d’infirmiers de pratique avancée (IPA, dont il faut augmenter très nettement le nombre), aujourd’hui très insuffisamment reconnus. De plus, la direction des hôpitaux doit reposer sur un partage plus équilibré des décisions entre les personnels administratifs, médicaux et soignants.

Pour préserver l’égalité d’accès aux soins, les consultations privées à l’hôpital doivent être plus encadrées, avec des dépassements d’honoraires contenus. Par ailleurs, nous proposons une évolution progressive vers une couverture complète des soins hospitaliers par l’assurance maladie, afin de supprimer le recouvrement complexe et coûteux de la participation des complémentaires. A terme, c’est un véritable panier de soins hospitaliers et de ville essentiels ainsi que de médicaments qui pourrait être entièrement couvert par la Sécurité sociale, créant ainsi une “Grande Sécu”.

Certaines disciplines doivent faire l’objet de financements renforcés du fait de leur grande fragilité dans le système actuel alors que leurs missions sont essentielles pour la santé publique : la médecine d’urgence, la gériatrie et la pédiatrie. De plus, la psychiatrie et la pédo-psychiatrie doivent faire l’objet d’une loi d’orientation spécifique et d’un plan d’ensemble permettant de renforcer toutes les structures débordées, en hospitalisation comme en consultation, avec des aides supplémentaires pour les services intervenant dans les territoires défavorisés. Les cliniques privées doivent participer aux activités d’urgence et aux prises en charge psychiatriques complexes.

DES MESURES GÉNÉRALES POUR UN SYSTÈME DE SANTÉ PLUS JUSTE

Une des dérives actuelles les plus inquiétantes de notre système de santé est l’excès de financiarisation de nombreuses filières de soins privées, dans les secteurs de la radiologie, des laboratoires biologiques, dans les soins dentaires et de plus en plus dans les soins primaires (centres de consultation non programmée, télémédecine, etc.). Cette évolution conduit à des pratiques de recherche de bénéfices à tout prix, dangereuses pour la qualité des soins du fait de l’absence de continuité et de personnalisation des prises en charge, avec des profits indus aux dépens de collectivité. Il est donc nécessaire d’encadrer beaucoup plus strictement cette financiarisation des acteurs.

Pour réduire les dépenses de santé et améliorer la qualité des soins, un travail de fond sur la pertinence des soins doit être mené, en renforçant la formation et les contrôles sur les recommandations de bonnes pratiques et en instaurant des financements incitatifs. En parallèle, une politique puissante de prévention primaire doit être mise en œuvre, financée à hauteur des besoins (au moins 4% des dépenses de santé), et évaluée systématiquement : lutte contre les facteurs et les comportements néfastes à la santé, contre les lobbys de l’industrie agroalimentaire, de l’alcool et du tabac, renforcement de la santé scolaire et de la santé au travail, et mise en place de campagnes de dépistage ciblé. Nous proposons de former des unités mobiles de prévention fonctionnant dans une logique « d’aller vers » à destination des publics fragiles (personnes âgées, isolées, revenus les plus faibles, étudiants, grande précarité, troubles de la santé mentale, etc.).

La question des ruptures d’approvisionnement des médicaments commence à poser de véritables pertes de chance pour des maladies graves. Il est donc nécessaire de revoir les politiques du médicament, sur les prix d’achat et sur les autorisations (plus restrictives en France, limitant la gamme des médicaments disponibles). Les accords passés avec les firmes pharmaceutiques doivent inciter à des relocalisations en France ou en Europe, et comporter des engagements sur les stocks minimaux mis à disposition par les industriels pour les médicaments essentiels.

Enfin, un travail de refonte des cursus de formation des métiers médicaux et paramédicaux doit être mené, en remettant en cause la sélection par Parcoursup, pour former plus de professionnels et favoriser la réussite des étudiants les plus aptes à ces métiers et les plus motivés. Des antennes de formation des facultés de santé dans les déserts médicaux doivent être créées, avec des politiques d’accompagnement des lycéens de ces territoires pour favoriser l’accès aux études.

Concernant les médecins à diplôme étranger, il est indispensable de revaloriser leur statut et leur salaire et d’accélérer les procédures d’autorisation d’exercice car ils contribuent autant que leurs collègues français au bon fonctionnement de nos hôpitaux et de notre système de santé.

 

(1) Insee (2024)
(2) Drees (2022)


Contributeurs : Antoine PELISSOLO (94), Morgane ROLLAND (99), Cédric MARECHAL (45), Christophe LANNELONGUE (00), Audrey GATIAN (13), Thomas GODARD (94), Eric SARGIACOMO (40), Malika BONNOT (69), Nina KARAM LEDER (75), Caroline RACINE (57), Aline MAURICE (34), Agathe BOURRETERE (40), Laura GANDOLFI (69), Rozenn BONNET (40), Emma PINÇON (31), Philippe QUÉRÉ (95), Alex CHARBONNEL (32), Michel MOUREAU (63), Olivier FOURNET (82), Nicolas TELLIER (33), Jean Claude MAURIN (26), Gauthier DUFOSSEZ (69), Gautier PEZY (16), Antoine DALLET (17), Nicolas LE VIAVANT (40), Àhmed MIRAOUÎ (62), Titouan MARY (51), Gwendal MANSO (40), Dominique RAT (40), Damien ROUTA (40), Eden MATIONGO (77), Killian MONTESQUIEU (75), Damien THOMAS (75), Christian HUGUIES (40), Bruno PÉRAN (31), Thierry JACQUET (69), Jerome GUILLEM (33), Marina PARODI (40), Benjamin ALLAIX (49), Stéphane GUTHINGER (24), Vincent TISON (37), Marie-Pierre DUHA PERRIAT (40), Yoann GARCIA (33), Lionel OLLIVIER (60), Jennifer BOHRER BARREAU (53), Johanne HADZLIK (59), Richard MARSAN (40), Jean-Marie DARRICAU (40), Elouan LAHET (40), Jean-Michel EON (44), Karine GARRALON (40), Abel GAGO (69), Denis BREVET (40), Nicolas DELAUTRETTE (87), Benedicte LECACHEUX (14), Florence SABARD (75), Johel GREVET (62), Gauthier DETROUSSEL (27), Maxime FLEURY (24), Lucas BERGÉ (58), Elias BENDAOUADJI (57), Didier KAHN (40), Dominique BOLLIET (69), François-Marie CAILLEAU (29), Anne-Marie KAHN (40), Gauthier DUFOSSEZ (69), Yann AUZIAS (69), Alex CHARBONNEL (32), Roger GONNET (63), Hans TORVIC LECLERC (18), Robert CABÉ (40), Bernard BETNA (40), Vincent VAN ACKER (75), Mehdi KEMOUNE (91), Paul COUTARD (75), Victor LE MONIER (21), Jean Marc BILLAC (40), Romain MIDA (60), Antoine TERRIER (40), Grégoire GOURDON (49), Noé COLLOMB (69), Justine CHASSEUR (40), Jeanne DALLOT (75), Nicolas DZIEZUK (57), Manon AUDAP (40), Lucas HAMIDI (62), Théo IBERRAKENE (59), Jean-Pierre TRABESSE (40), Olivier DUCOURTIEUX (87), Matthias EVANO (75), Rolande CASSAGNEAU (40), Zoé BOURLON (40), Yann AUZIAS (69), Abel GAGO (69), Pierre HADZLIK (59), Stéphane GEMMANI (38), Stéphane GEMMANI (38), Noé GUIGONET (13), Hélène HOMMERY (22), Quentin LE MENÉ (45), Quentin LATOUR (31), Jean WOHRER (75), Xavier DEMANGEON (40), Thomas ROSSET (75), Arnaud BATTEFORT (23)


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