Thème : Écologie
Nous ne pouvons plus être socialistes sans être aussi écologistes. Parce que le réchauffement climatique accélère et frappe d’abord, ici et ailleurs, les plus pauvres et les plus précaires. Parce que la 6e extinction de masse menace gravement la biodiversité et donc les conditions de la vie humaine sur Terre. Les conséquences sont massives, en Californie, dans les Hauts de France comme à Mayotte et nous savons que le coût de l’inaction sera quatre fois supérieur au coût de l’action.
Socialistes, nous constatons que le système capitaliste mondialisé, ultra libéral et ultra productiviste, qui est à la source de la surexploitation de la nature, ne saura pas se contenir pour éviter le pire. C’est ce système qui, dans le même mouvement, exploite les femmes et les hommes et accapare, pour les gaspiller les ressources, limitées, de la planète : c’est ce système qu’il faut combattre et nos solutions, celles du socialisme démocratique, de la régulation de l’économie, du partage des richesses, à l’échelle mondiale, européenne et nationale, sont les seules possibles.
Nous connaissons les solutions : accélérer les économies d’énergie et la transition énergétique vers les ENR pour réduire la part des énergies fossiles ; donner un prix au carbone pour recréer des lieux de production en France de ce que nous consommons ; réorienter notre modèle agricole pour sortir nos agriculteurs de la dépendance à un système fondé sur un productivisme destructeur ; faire de l’eau un bien commun, géré de manière démocratique, pour sortir des logiques d’accaparement qui sont aujourd’hui en place. Nous défendons une vraie planification écologique, assise sur des financements innovants, avec notamment la création d’une caisse d’amortissement de la dette climatique. La transition écologique sera nécessairement européenne. Nous porterons, de façon ambitieuse au niveau européen avec nos partenaires et alliés des évolutions au niveau de l’Europe et du monde afin que les engagements internationaux de la France et de l’Europe soient réellement mis en œuvre.
Nous devons produire autrement, ce qui implique d’abord de concevoir d’autres outils d’évaluation de la richesse créée que le PIB et les indicateurs actuels. Il faut progressivement mais résolument passer d’un modèle de production et de consommation qui privilégie le jetable, pour aller vers un modèle dans lequel on produit moins mais mieux, des produits plus solides, dans lequel des emplois de réparation sont créés par l’interdiction de l’obsolescence programmée et l’obligation légale de réparabilité sans limitation de durée.
Promouvoir au niveau européen un prix croissant et prévisible donné au carbone rendra possible la relocalisation progressive de certaines productions délocalisées à des milliers de km pour des raisons de différentiel de coût, alimentant de nouveaux gisements d’emploi : oui, il est possible à la fois de surproduire moins, et de produire davantage en Europe et en France. L’accompagnement de la réindustrialisation du pays est un enjeu majeur et un objectif pour les socialistes.
Ce sont aussi nos modes de consommation qui sont à changer. Nous proposons de limiter et encadrer les publicités instaurant la consommation superflue comme une norme, interdire le recours aux manipulations psychologiques dans les publicités, interdire la publicité pour les enfants, limiter drastiquement l’intrusion publicitaire et le démarchage.
Nous devons nous déplacer autrement. Les mobilités représentent actuellement près de 23% des émissions de GES, dont 9% pour le fret. Ce secteur doit se transformer pour diminuer sa consommation d’énergie fossile. L’Etat et l’Europe ont à relever ce défi : transformation des mobilités dont soutien au fluvial, au fret ferroviaire, diminution du transport routier, fin des financements à tout équipement ajoutant de la pollution, etc… Aujourd’hui, le rail est doublement pénalisé : l’usager doit à la fois payer son trajet, mais aussi, pour 40% du prix du billet, les infrastructures. Pour alléger la facture, inciter à l’utilisation du train, d’autres financements sont nécessaires : pourquoi ne pas imaginer un report vers le ferroviaire d’une partie des recettes des autoroutes ? Nous soutiendrons la réouverture ou le maintien des petites lignes de train, mais aussi des RER métropolitains, pour que le déplacement par voie ferrée soit un véritable choix au quotidien. Pour cela, des moyens nouveaux sont nécessaires pour les collectivités territoriales : nous proposons que les futurs contrats de plan Etat-régions appliquent une priorité absolue au ferroviaire et aux transports collectifs par rapport aux routes et autoroutes.
Nous devons réorienter notre modèle de production agricole. Le secteur agricole représente 25% des émissions nationales de GES. L’agriculture a été depuis 50 ans un fleuron de l’économie française. Elle doit le rester mais une transformation majeure de ce secteur est nécessaire. Les paysans et agriculteurs sont désormais prisonniers d’un système libéral mis en place par des acteurs majeurs de ce marché où les intérêts financiers priment sur toute autre considération. Pour mener à bien cette transition, les agriculteurs ont besoin de soutien en contrepartie de leur engagement dans de nouveaux modes de production. Nous soutiendrons tous les projets de transition : passage en bio, soutien à la filière de transformation et distribution de produits bio, diminution et substitution des produits phyto, pesticides polluants. Il est temps d’agir au niveau européen pour infléchir la PAC vers une politique durable et protectrice et pour revoir ou sortir des traités internationaux qui permettent l’importation en Europe de productions agricoles ne répondant pas aux normes en vigueur chez nous, générant de la déforestation importée – comme le Mercosur.
Nous devons porter une véritable politique énergétique reposant sur les économies d’énergie et l’efficacité énergétique, le soutien réel aux ENR dans la production électrique et en lançant rapidement les travaux importants qui devront permettre de garantir le fonctionnement et la sécurité des centrales existantes. Le nucléaire ne doit plus être vu comme un tabou pour certains et un totem pour d’autres : il a sa place dans le mix énergétique jusqu’en 2050 environ et les centrales actuelles –hormis celles qui devront fermer en raison de leur ancienneté- doivent être maintenues en bon état de fonctionnement et de sécurité. Les investissements doivent être consacrés à cet objectif. Les projets d’EPR 2, qui ne peuvent être vus comme une solution miracle et dont la Cour des comptes relève l’absence d’équilibre financier, seront réinterrogés sous cet angle. En parallèle, la France doit retrouver sa capacité de recherche pour améliorer constamment le traitement des déchets nucléaires. A ce titre, la France mettra fin au recul de notre recherche et y apportera en priorité son soutien.
La priorité doit être donnée aux économies d’énergie à la fois dans les logements et les bâtiments tertiaires. Nous proposons de préfinancer la rénovation thermique des logements, en commençant par les passoires thermiques qui concernent bien davantage les plus modestes, l’Etat récupérant les sommes engagées lors de la vente ou de la succession du bien, d’orienter les financements publics vers la rénovation performante, atteignant le niveau Bâtiment Basse Consommation ou équivalent et former toujours plus de professionnels.
La France est le mauvais élève de l’UE en matière de production d’ENR et nous proposons de lever les freins de développement aux différentes filières (éolien, solaire, photovoltaïque, biomasse solide et biogaz, récupération de chaleur, etc.) pour répondre à de nouveaux besoins énergétiques ; de désinvestir massivement dans les énergies fossiles qui accroissent nos vulnérabilités et reporter sur les ENR les sommes dépensées chaque année pour les gaz et le pétrole ; de prioriser des projets d’énergie renouvelable développés en cohérence avec les enjeux de chaque territoire ; de soutenir massivement les projets de chauffage urbain –le chauffage représentant 40% de l’énergie consommée en France. Une vision stratégique, s’appuyant sur une programmation pluriannuelle de l’énergie rénovée, est nécessaire.
La préservation d’une biodiversité qui est aujourd’hui en grand danger implique de revoir les modèles d’aménagement pratiqués depuis des décennies. La planète a perdu en moyenne près de 70% de ses populations d'animaux sauvages en une cinquantaine d'années, selon l'évaluation de référence du Fonds mondial pour la nature (WWF), qui pointe le lien de plus en plus marqué entre perte de biodiversité et réchauffement climatique. La destruction des habitats naturels (pour développer l'agriculture), la surexploitation, le braconnage et le changement climatique sont trois facteurs principaux. Suivent la pollution de l'air, de l'eau et du sol, ainsi que la dissémination par l'homme des espèces invasives.
Nous voulons renforcer la protection de l’environnement pour préserver les milieux naturels, y compris par des zones maritimes et terrestres totalement préservées de la présence et des activités humaines pour redonner à la biodiversité la possibilité de se régénérer. La doctrine “Eviter, Réduire, Compenser”, visionnaire en son temps, est aujourd’hui devenue un droit à la destruction de la nature en contrepartie de compensations rarement efficaces : elle doit être repensée.
Les terres agricoles, les forêts, les sources d’eau et les réserves halieutiques doivent être considérées comme des biens communs, et gérées selon des méthodes démocratiques garantissant leur durabilité et privilégiant leur valeur d’usage sur les profits. Nous proposons de créer un crime d’écocide et une juridiction spécialisée pour en juger. Nous pensons que la question de doter de la personnalité juridique les espaces naturels (fleuves, forêts etc…), complexe, mérite pourtant d’être posée. L’eau mérite une vraie loi fondatrice. La préservation de la sa qualité implique, notamment, la réduction drastique et rapide des pesticides qui sont à l’origine d’une pollution généralisée des nappes dans les secteurs de grandes cultures ou d’élevage intensif : le principe pollueur-payeur doit s’appliquer alors qu’aujourd’hui la facture –et 83% des taxes sur l’eau- est payée par le consommateur ménage –qui ne consomme que 20% du total de l’eau. La vigilance sur l’accès à l’eau, qui manquera en France dans les dix ans à venir dans certaines régions, justifie des mesures d’économie sur les secteurs économiques les plus consommateurs et la fin des gaspillages –en particulier la généralisation que l’on constate de la neige de culture pour faire face au réchauffement climatique en montagne. Un débat national et local sur le partage de l’eau est indispensable et des moyens doivent être apportés aux collectivités locales chargées de ces actions.
Nous savons que ce n’est pas suffisant : pour que l’écologie ne soit pas perçue comme une crainte pour la majorité de nos concitoyens des tours comme des bourgs, elle doit rimer pour eux avec réduction des inégalités : tiers payant à 100% pour l’isolation de leur logement, remboursable à la vente ou à la succession ; alternatives réelles à l’utilisation solitaire de la voiture individuelle au quotidien, à la fois par le développement des solutions de covoiturage, l’offre de transports collectifs vers les zones d’emploi et la facilitation de l’accès à un véhicule électrique ; protection de leurs biens par la fin de l’obsolescence programmée qui oblige à une surconsommation mécanique, désastreuse pour l’environnement (comme le montrent les marques Shein et autres) mais aussi dévastatrices pour le pouvoir d’achat de nos concitoyens : moins consommer, des produits certes un peu plus onéreux mais beaucoup plus durable, concilie les deux enjeux que sont la sobriété et la qualité de vie.
Le financement de ce projet doit entrer en résonance avec notre projet politique global : celui d’un meilleur partage des richesses et de la valeur ajoutée, aujourd’hui confisquée de manière de plus en plus intensive par un nombre toujours plus réduit d’entreprises et de particuliers. Mieux payer le travail, c’est rendre possible ces transitions dans les modes de consommation. Mieux partager les richesses, c’est rendre possibles les politiques publiques d’accompagnement et de services. Notre écologie ne sera sociale que lorsqu’il ne sera plus possible de lui adjoindre un qualificatif - positive, punitive - et qu’elle permettra de mobiliser toutes les catégories sociales de la société autour d’un projet juste et redistributif, destiné à combattre l’immobilisme et la procrastination.
Il faut le dire sans artifice, nous avons collectivement échoué à mettre un terme à la guerre que nous menons à la nature, pour reprendre les mots d’Hubert Reeves.
Trouver le chemin de la paix avec la nature, voilà le défi. Trouver le chemin de la paix avec la nature, voilà le récit. Le défi, car faute de le relever nous serons emportés par cette guerre à bas bruit dont nous n’avons pas conscience. La nature, dont la résilience n’est plus à démontrer, s’accommodera de notre entêtement. Le récit, car au-delà des mesures techniques qu’impose l’indispensable bifurcation écologique que nous devons porter, c’est le récit des étapes de cette bifurcation qui nous permettra de susciter l’adhésion et imposera l’action. C’est le récit, à l’école, dans les entreprises, dans les territoires, qui mobilisera la jeunesse, qui protègera les premières victimes de notre aveuglement que sont les citoyens les plus modestes et les plus exposés. C’est ce défi et ce récit que nous, socialistes, devront porter pour nous réconcilier avec la planète.
Contributeurs : Jean-François DEBAT (01), Philippe MARTIN (32), Fanny PIDOUX (45), Audrey GATIAN (13), Philippe MARTIN (32), Pierre PRIBETICH (21), Thomas GODARD (94), Eric SARGIACOMO (40), Malika BONNOT (69), Caroline RACINE (57), Aline MAURICE (34), Agathe BOURRETERE (40), Rozenn BONNET (40), Aline MAURICE (34), Emma PINÇON (31), Philippe QUÉRÉ (95), Alex CHARBONNEL (32), Michel MOUREAU (63), Olivier FOURNET (82), Nicolas TELLIER (33), Jean Claude MAURIN (26), Gauthier DUFOSSEZ (69), Gautier PEZY (16), Antoine DALLET (17), Philippe BLET (62), Nicolas LE VIAVANT (40), Vincent TISON (37), Àhmed MIRAOUÎ (62), Titouan MARY (51), Antoine FABRY (12), Gwendal MANSO (40), Dominique RAT (40), Damien ROUTA (40), Killian MONTESQUIEU (75), Damien THOMAS (75), Nicole HOSTIER-GLORIEUX (38), Christian HUGUIES (40), Bruno PÉRAN (31), Thierry JACQUET (69), Jerome GUILLEM (33), Marina PARODI (40), Benjamin ALLAIX (49), Stéphane GUTHINGER (24), Dominique BOLLIET (69), Marie-Pierre DUHA PERRIAT (40), Yoann GARCIA (33), Lionel OLLIVIER (60), Jacques LARROUX (40), Jennifer BOHRER BARREAU (53), Johanne HADZLIK (59), Jean-Marie DARRICAU (40), Elouan LAHET (40), Karine GARRALON (40), Abel GAGO (69), Timothé LUCIUS (45), Denis BREVET (40), Nicolas DELAUTRETTE (87), Benedicte LECACHEUX (14), Florence SABARD (75), Johel GREVET (62), Gauthier DETROUSSEL (27), Maxime FLEURY (24), Lucas BERGÉ (58), Elias BENDAOUADJI (57), Didier KAHN (40), Dominique BOLLIET (69), François-Marie CAILLEAU (29), Anne-Marie KAHN (40), Gauthier DUFOSSEZ (69), Yann AUZIAS (69), Alex CHARBONNEL (32), Hans TORVIC LECLERC (18), Robert CABÉ (40), Bernard BETNA (40), Vincent VAN ACKER (75), Mehdi KEMOUNE (91), Eric QUENARD (51), Emmanuelle RAMOND (44), Paul COUTARD (75), Victor LE MONIER (21), Jean Marc BILLAC (40), Romain MIDA (60), Antoine TERRIER (40), Grégoire GOURDON (49), Noé COLLOMB (69), Justine CHASSEUR (40), Nicolas DZIEZUK (57), Manon AUDAP (40), Lucas HAMIDI (62), Théo IBERRAKENE (59), Jean-Pierre TRABESSE (40), Olivier DUCOURTIEUX (87), Matthias EVANO (75), Rolande CASSAGNEAU (40), Zoé BOURLON (40), Yann AUZIAS (69), Abel GAGO (69), Pierre HADZLIK (59), Stéphane GEMMANI (38), Stéphane GEMMANI (38), Noé GUIGONET (13), Quentin LE MENÉ (45), Quentin LATOUR (31), Jean WOHRER (75), Xavier DEMANGEON (40), Cédric MARÉCHAL (45), Thomas ROSSET (75), Arnaud BATTEFORT (23)