Thème : Éducation
L’enseignement supérieur français connaît depuis plusieurs années une croissance de l’apprentissage. Selon les chiffres du ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, au 31 décembre 2023, les centres de formation d’apprentis accueillaient 635 900 étudiants préparant un diplôme de l’enseignement supérieur (+10 % en un an et + 33 % en deux ans). Près d’un tiers de ces apprentis sont inscrits en STS, 16 % en écoles de commerce et 31 % dans diverses autres formations principalement privées.
L’alternance, et en particulier l’apprentissage, permet une immersion concrète dans le monde du travail, tout en suivant un cursus académique et peut répondre à la fois aux aspirations de certains jeunes et à un besoin réel de professionnalisation de certains cursus.
Si la voie de l’apprentissage dans l’enseignement supérieur peut contribuer à l’insertion professionnelle des jeunes, l’actualité démontre, une nouvelle fois, notamment avec la publication du livre de Claire Marchal, Le Cube. Révélations sur les dérives de l’enseignement supérieur privé, la nécessité d’un encadrement réel et d’une moralisation rigoureuse et d’une clarification des pratiques.
Cette contribution ne vise pas à rallumer une quelconque « guerre » entre l’apprentissage dans le secteur public et dans le secteur privé mais bien de préconiser des pistes pour un déploiement respectueux des obligations légales fixées par France Compétences, par la certification Qualiopi, afin de répondre aux attentes légitimes des jeunes, des familles, et des employeurs.
Qui a pu visiter un salon consacré à l’alternance a pu constater l’offre pléthorique, parfois illisible, pour les jeunes et leurs familles.
Face à cette situation, il est plus que nécessaire de travailler sur plusieurs axes et notre Parti doit faire des propositions concrètes.
1. L’information des familles et des jeunes : un droit fondamental
Si nous ne remettons pas en cause l’offre liée à l’alternance, il convient de lutter contre des pratiques intolérables : démarchage commercial agressif, appellations douteuses, promesses non tenues d’employabilité…
Trop souvent, les jeunes et leurs familles s'engagent dans des formations en alternance sans disposer d'une information complète, fiable et lisible. Il est primordial d'améliorer l'information fournie aux familles et aux jeunes concernant les formations en apprentissage dans l'enseignement supérieur.
Il est donc indispensable de :
- Fournir une information claire et préalable sur le coût réel de la formation, les modalités pédagogiques, le rythme d'alternance, les débouchés professionnels, et les taux de réussite et d’insertion ;
- Garantir que les dénominations des cursus soient strictement conformes aux intitulés et niveaux enregistrés auprès de France Compétences et donc interdire l'utilisation de dénominations de cursus qui ne respectent pas les appellations déposées auprès de France Compétences.
- Mettre en place un répertoire officiel des dénominations autorisées.
Établir des sanctions pour les établissements utilisant des appellations non conformes.
- Contrôler régulièrement les communications des établissements de formation.
2. France Compétences : un cadre à consolider
Créée en 2019, France Compétences, institution nationale publique, est chargée officiellement de la régulation et du financement de la formation professionnelle et de l’apprentissage.
Parmi ses missions, elle doit établir et garantir la pertinence des certifications (actualisation du Répertoire national des certifications professionnelles et du Répertoire spécifique), réguler la qualité des actions de formation et réguler les coûts et règles de prise en charge des financeurs publics.
Pour éviter les dérives, elle doit être une véritable instance de contrôle et de labellisation des formations enregistrées.
Pour cela, nous préconisons les éléments suivants :
- Mise en place d’une cartographie nationale des formations avec transparence sur les coûts, résultats, et modalités de validation des compétences ;
- Obligation pour chaque organisme certificateur d’être audité par les services de l’Etat ou un organisme indépendant sur la base d’un cahier des charges strict pour vérifier la cohérence entre les éléments déclarés et ceux réellement mis en place dans les différents établissements ;
- Une vigilance accrue sur le respect des blocs de compétences tels que déposés auprès de France Compétences dans les fiches RNCP : chaque compétence doit être réellement développée, évaluée et validée, en s’appuyant sur des grilles claires, opposables et harmonisées.
- Contrôler les missions confiées en entreprise pour qu’elles couvrent les compétences mentionnées dans le titre déposé auprès de France Compétences afin d’éviter que des jeunes se retrouvent dans une inadéquation entre le contenu de leur cursus et leur alternance.
3. Qualiopi : un outil de qualité à faire vivre
Mise en place par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, la certification Qualiopi impose en théorie un cadre structurant basé sur un référentiel national unique. Au-delà des textes législatifs, cette démarche qualité peut parfois être vidée de sa substance si les audits restent trop administratifs. Face à ce risque, il convient de :
- Renforcer le contrôle de la réalité pédagogique : conformité des programmes avec les référentiels, qualité des intervenants et leur adéquation avec les compétences à transmettre, présence effective des étudiants, qualité des contenus, adéquation entre les objectifs et les moyens, déploiement pédagogique des heures de formations (volume horaire réel, temps en autonomie, présentiel, face à face pédagogique…)
- Exiger une évaluation systématique des compétences, en lien avec les référentiels déposés, y compris en entreprise et exiger les éléments de preuves pour l’ensemble des alternants.
- Sanctionner les pratiques non conformes par le retrait ou la suspension de certification, y compris en cas d’inadéquation entre la formation annoncée et celle réellement délivrée.
4. Clarifier les rôles et encadrer les pratiques
La multiplication des acteurs dans l’alternance (CFA, établissements privés, universités, écoles…) nécessite une clarification urgente des responsabilités.
Pour répondre à cette exigence, nous proposons que :
- L’organisme certificateur, officiellement enregistré auprès de France Compétences, reste le seul garant de la conformité pédagogique et ne puisse déléguer aveuglément à un tiers l’exécution de la formation ;
- Toute sous-traitance doit être formalisée, transparente, déclarée, avec les responsabilités clairement réparties dans le respect des cahiers des charges déposés auprès de France Compétences ;
- Les entreprises s’engagent contractuellement à garantir un encadrement de qualité, en lien avec les blocs de compétences du diplôme ou titre visé. Cet encadrement nécessite l’attribution d’un tuteur dûment formé et responsable du parcours de formation en entreprise.
- Des contrôles puissent être réalisés pour évaluer les conditions d’accueil et de formation en entreprise et que des sanctions puissent être appliquées en cas de manquement.
5. Un contrôle public renforcé et juste
Moraliser l’apprentissage ne signifie pas le freiner, mais en garantir l’intégrité et la crédibilité.
Pour ce faire, nous préconisons les éléments suivants :
- Renforcer les moyens mis à disposition pour contrôler les établissements (moyens budgétaires, humains…)
- La mise en place de contrôles aléatoires et inopinés des organismes de formation par les services de l’État et/ou des inspections régulières sur site par des experts indépendants, incluant des entretiens avec les apprentis, l’analyse des contenus de formation et les modalités pédagogiques pour s’assurer de la réalité du contenu des formations. Les contrôles annoncés en amont laissent le temps aux organismes peu scrupuleux de préparer les documents administratifs permettant de répondre aux demandes ;
- Le renforcement du contrôle des validations de compétences durant le cursus de formation (évaluations formatives et certificatives) et lors des jurys nationaux de certification pour s’assurer du lien direct avec les dossiers déposés auprès de France Compétences. Les jurys de certification devraient être composés de jury mixte (académiques et professionnels) et intégré un représentant de France Compétences ;
- La création obligatoire par les organismes de formation d’un portfolio de compétences pour chaque étudiant/apprenti, régulièrement mis à jour et vérifié.
- Le croisement systématique entre les référentiels RNCP, les évaluations réalisées, et les preuves de l'acquisition des compétences ;
- La suspension temporaire ou définitive des financements en cas de manquement et des sanctions juridiques si des pratiques trompeuses sont constatées ;
- La création d’un observatoire de la qualité de l’alternance, associant les pouvoirs publics, les branches professionnelles, les organisations syndicales (en incluant notamment celles des étudiants et des apprentis) et les organismes certificateurs.
Conclusion
Le PS doit porter un discours sur ce sujet qui concerne plusieurs millions de jeunes, et leurs familles.
L’enseignement supérieur, quel que soit le statut de l’établissement concerné, ne peut tolérer de zones grises. Former des individus, délivrer un diplôme, promettre une insertion, cela engage. Cela implique un respect strict des titres et certifications, une validation rigoureuse des compétences, une loyauté dans les relations avec les étudiants/alternants et leurs familles.
L’apprentissage dans le supérieur doit demeurer un acte éducatif et professionnel, non une activité lucrative masquée.
L’éthique doit revenir au cœur de l’action des établissements et des CFA. Il en va de l’avenir des jeunes, mais aussi de la crédibilité de tout un système.
La moralisation du secteur passe par une information loyale, des appellations vérifiées, une pédagogie rigoureuse, des contrôles effectifs, et un respect sans faille des référentiels validés. France Compétences et Qualiopi fournissent les outils, encore faut-il les utiliser pleinement.
Redonner du sens, de la confiance et de l’exigence à l’apprentissage, c’est garantir à la fois la réussite des jeunes, l’efficience des financements publics et la qualité de notre tissu économique.
Contributeurs : Yann CROMBECQUE (69), Eric SARGIACOMO (40), Jean-François DEBAT (10), Fanny PIDOUX (45), Audrey GATIAN (13), Stéphane GEMMANI (38), Thomas GODARD (94), Sophie ROQUES (13), Malika BONNOT (69), Caroline RACINE (57), Aline MAURICE (34), Agathe BOURRETERE (40), Rozenn BONNET (40), Aline MAURICE (34), Emma PINÇON (31), Benjamin GAULT (30), Philippe QUÉRÉ (95), Alex CHARBONNEL (32), Nicolas TELLIER (33), Jean-Claude MAURIN (26), Gauthier DUFOSSEZ (69), Gautier PEZY (16), Antoine DALLET (17), Nicolas LE VIAVANT (40), Àhmed MIRAOUÎ (62), Thomas FAGART (92), Dominique RAT (40), Killian MONTESQUIEU (75), Damien THOMAS (75), Christian HUGUIES (40), Bruno PÉRAN (31), Thierry JACQUET (69), Jerome GUILLEM (33), Marina PARODI (40), Benjamin ALLAIX (49), Stéphane GUTHINGER (24), Dominique BOLLIET (69), Marie-Pierre DUHA PERRIAT (40), Yoann GARCIA (33), Lionel OLLIVIER (60), Jennifer BOHRER BARREAU (53), Johanne HADZLIK (59), Jean-Marie DARRICAU (40), Elouan LAHET (40), Jean-Michel EON (44), Abel GAGO (69), Denis BREVET (40), Nicolas DELAUTRETTE (87), Benedicte LECACHEUX (14), Florence SABARD (75), Johel GREVET (62), Pierre CROS (40), Lucas BERGÉ (58), Elias BENDAOUADJI (57), Dominique BOLLIET (69), Gauthier DUFOSSEZ (69), Yann AUZIAS (69), Alex CHARBONNEL (32), Roger GONNET (63), Hans TORVIC LECLERC (18), Robert CABÉ (40), Bernard BETNA (40), Vincent VAN ACKER (75), Paul COUTARD (75), Victor LE MONIER (21), Romain MIDA (60), Antoine TERRIER (40), Grégoire GOURDON (49), Noé COLLOMB (69), Justine CHASSEUR (40), Jeanne DALLOT (75), Nicolas DZIEZUK (57), Manon AUDAP (40), Matthias EVANO (75), Zoé BOURLON (40), Yann AUZIAS (69), Abel GAGO (69), Pierre HADZLIK (59), Noé GUIGONET (13), Helene HOMMERY (22), Quentin LE MENÉ (45), Quentin LATOUR (31), Jean WOHRER (75), Xavier DEMANGEON (40), Arnaud BATTEFORT (23)