UNIR - Pour une nouvelle politique du logement


Thème : Social


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Chaque mois, les Français consacrent environ un quart de leurs revenus aux dépenses pour se loger, ce chiffre monte même à 30% pour les ménages les plus précaires. Malgré cet effort, comme le rappelle le dernier rapport de la Fondation pour le logement des défavorisés, plus de 15 millions de nos concitoyens sont mal-logés, soit plus d’une personne sur cinq.

Offre insuffisante, difficulté d’accès au crédit, précarité financière ou énergétique, logements surpeuplés, trop chers ou trop loins, les difficultés rencontrées par nos concitoyens pour se loger sont multiples et croissantes. Elles viennent ensuite percuter des ambitions professionnelles, des opportunités de formation ou des projets familiaux.

Depuis 2018, les gouvernements successifs d’Emmanuel Macron ont fait peser le coût du financement de sa politique sur les moyens dédiés au logement, entre baisses des APL, hausse de la TVA, diminution des aides à la pierre et réduction du soutien aux investisseurs.

Le résultat est sans appel, seulement 330 400 logements ont été autorisés en 2024, soit près de 130 000 de moins que la moyenne des trois années avant l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron. C’est le plus faible total depuis 1997 ! Quant au parc HLM, 30 000 logements sociaux de moins par an ont été produits depuis 2018 en comparaison de la période du quinquennat de François Hollande.

Parallèlement, la hausse des taux d’intérêt depuis 2021 a fait chuter le pouvoir d’achat immobilier des ménages, qui a diminué de 10m² entre 2021 et 2023. Le parc locatif privé, concurrencé par l’augmentation fulgurante de près de 900 000 meublés de tourisme de type Airbnb depuis 2016, est également en souffrance.
Ainsi, là où la politique du logement aurait dû réguler et compenser ces mouvements, elle n’a fait que les amplifier depuis 2017. Nos concitoyens se retrouvent coincés dans leurs parcours résidentiels, ne pouvant quitter le parc locatif privé pour acheter, ou le parc social pour le parc locatif privé. En bout de chaîne, le nombre de demandeurs de logements sociaux a explosé, atteignant 2,7 millions en 2024, en hausse de 24% en 5 ans et avec un rythme d’évolution désormais plus rapide que le nombre de logements sociaux produits chaque année.
Loin des chocs d’offre sans lendemain, il faut une politique de rupture avant que la crise du logement ne devienne hors de contrôle.

Solvabiliser les ménages pour relancer l’acquisition à la propriété

L’impossibilité d’accéder à la propriété est le premier verrou pour fluidifier le parc résidentiel, conséquence d'une inflation élevée sur les matériaux de construction depuis 2021 et surtout, de taux d’intérêts passés de 1,5% à 3,5% en deux ans. De nombreux ménages de la classe moyenne se sont ainsi retrouvés bloqués dans leurs projets autour du taux d’endettement maximal de 35%. Le prêt à taux zéro (PTZ) est l’outil de solvabilisation le plus efficace pour la puissance publique, sans que son coût ne soit excessif. Alors que le dispositif Pinel coûtait 38 000 euros par logement, consacrer 30 000€ au financement d’un PTZ permettrait de faire diminuer de 140€ par mois le coût d’un emprunt de 200 000€ sur 20 ans et de 170€ sur 15 ans. En concentrant cet effort budgétaire sur les primo-accédants dans le neuf, partout sur le territoire, l’Etat soutiendrait tout à la fois la primo-accession à la propriété et la production de logements neufs et ainsi l’activité économique.

Cette solvabilisation passe également par le développement en parallèle d’une conception différente de la propriété, dissociant le bâti du foncier et permettant de réduire fortement le coût d’acquisition pour les ménages.
C’est le modèle des baux réels solidaires, qui permettent une acquisition aidée à la propriété. Alors que le foncier peut représenter 30% du coût d’un logement dans les zones tendues, le développement d’une offre nouvelle assise sur cet outil juridique est de nature à faire accéder à la propriété des catégories de ménages qui aujourd’hui ne le conçoivent plus.

La gauche, fer de lance de l’accès à un logement abordable et économe en ressources

Alors qu’elle s’apprête à fêter son 25e anniversaire, la loi SRU, qui impose une part minimale de logements sociaux dans les communes d’une certaine taille, est toujours la cible de la droite et de l’extrême-droite. Elle marque l’attachement des socialistes à la solidarité mais aussi au besoin de planification de la production de logements.

En 2025, cette planification doit aussi être écologique, tant sur le choix des matériaux de construction que sur le recours à la rénovation lourde plutôt qu’à la démolition ou encore, sur la réduction de l’artificialisation des sols dans le contexte de l’objectif de zéro artificialisation nette (ZAN).

Reconquérir le bâti existant et les terres déjà artificialisées, c’est réduire l’impact environnemental du logement mais aussi son coût pour nos concitoyens. Les friches représentent ainsi un potentiel considérable mais elles sont souvent polluées avec des coûts de dépollution qui peuvent atteindre 8% du coût total du projet et contrarier leur équilibre économique. En réorientant 750 millions d’euros de taxe sur les activités polluantes (TGAP) vers un fonds friche dédié à leur transformation en logements, dont une part de logements sociaux, nous pourrions faciliter la production de tels logements notamment en zone tendue où le foncier est rare et cher, sans artificialisation nouvelle. A titre d’illustration, l’appel à projet lancé par le Gouvernement en 2021-2022 avait permis le recyclage de 3375 hectares de friches et la production de près de 6 700 000 m² de surfaces de logements dont un tiers de logements sociaux.

Contraindre les projets immobiliers à la réalisation d’une part de logements sociaux c’est aussi une manière de revitaliser la loi SRU. Sur 1031 communes soumises à la loi SRU, 659 n’ont pas atteint leurs objectifs dont le tiers a réalisé moins de 20% de ces objectifs. Ces communes carencées revendiquent pour une part significative d’entre elles de ne pas en construire, quand leurs maires, toujours de droite, ne font pas campagne sur cette revendication.

Les sanctions financières ne sont pas suffisamment efficaces et les sanctions liées au transfert de la compétence urbanisme au Préfet trop dépendantes des moyens déconcentrés de l’Etat. En imposant systématiquement que tout projet immobilier (au-delà d’une certaine surface de plancher) dispose d’une part minimale de logements sociaux, on rendrait de fait impossible toute construction nouvelle, ou toute réhabilitation à neuf significative. Cet outil serait nettement plus efficace pour contraindre les communes les plus récalcitrantes à respecter la loi.
Construire plus de logements abordables, privés comme sociaux, passera également par un meilleur soutien de l’Etat aux bailleurs sociaux, en supprimant la réduction de loyer de solidarité qui représente chaque année une ponction, désormais de 1,1 milliard d’euros, sur leur capacité à investir. En rendant ces crédits aux bailleurs dans une logique de contractualisation vers la construction neuve ou la réhabilitation lourde, l’objectif de 125 000 logements sociaux par an pourrait enfin être atteint.

Enfin, à l’ère de la généralisation du télétravail et du flex-office , la transformation d’espace de bureaux en logements doit être facilitée et soutenue. En Île-de-France en 2024, la surface de bureaux vacants a représenté pas moins de 5,6 millions de mètres carrés. Transformer seulement 20% de cette surface en logements permettrait de produire de l’ordre de 16 000 logements sans un mètre carré d’artificialisation supplémentaire.

Un logement accessible et adapté aux besoins des ménages

Mais il ne suffit pas de relancer la production de logements, privés comme sociaux, pour répondre à la crise à laquelle nos concitoyens sont confrontés. Nous avons trop longtemps produit pour produire, sans nous soucier de l’adéquation entre l’offre et la demande de logements.

Cette réalité est particulièrement marquée dans le parc social, alors que l’effet conjugué des obligations SRU, du coût du foncier et de la diminution des financements publics, ont souvent amené à privilégier la production des logements les moins sociaux, sans considération du profil des demandeurs.

Comme le souligne le 30e rapport annuel sur l’état du mal-logement, alors que 65% des demandeurs sont sous les plafonds de ressources des logements financés en PLAI (le logement le plus social) en 2023, ces derniers ne représentent que 33% des logements produits, contre 30% pour les logements financés en PLS (les moins sociaux). Cela induit parfois des situations ubuesques où certaines collectivités peinent à attribuer leurs logements sociaux financés en PLS à des demandeurs suffisamment solvables pour les occuper alors qu’ils croulent sous les demandes par ailleurs.

Il en va de même sur les caractéristiques physiques des logements. Les petits logements (T1 et T2), ne représentent que 19% du parc locatif social, alors que 48% des demandeurs, et même 56% des primo-demandeurs sont des personnes isolées.

Il est donc essentiel que le soutien de l’Etat, mais aussi des collectivités territoriales et de la Caisse des dépôts et consignations, soit renforcé et fléché, territoire par territoire, sur les typologies de logements sociaux les plus adaptés au profil des demandeurs. Les conférences intercommunales du logement pourraient jouer ce rôle.

Il nous faut également mieux réguler le parc locatif existant, notamment en luttant contre les excès des meublés de tourisme, pour lesquels un cadre fiscal très favorable a entraîné une concurrence déloyale dans les métropoles et zones touristiques au détriment du logement permanent. Une loi vient d’être votée à notre initiative, nos élus locaux vont désormais s’en saisir.

L’urgence d’accélérer la rénovation énergétique

Le parc résidentiel représente près de 25% de la consommation énergétique nationale, la réduction de cette empreinte est une condition essentielle de l’atteinte de nos objectifs de neutralité carbone à l’horizon 2050, mais c’est aussi un enjeu majeur de pouvoir d’achat et de qualité de vie chez soi, été comme hiver.
Qu’ils soient propriétaires ou locataires, tous les Français sont confrontés à la question de la rénovation énergétique des logements, en particulier quand le bâti est ancien, ce qui concerne un tiers du parc immobilier français.

Cependant les difficultés sont nombreuses. Propriétaires bailleurs, propriétaires occupants et locataires n’ont pas des intérêts pleinement alignés. Pour ces derniers, la rénovation énergétique est d’abord un enjeu de confort et de pouvoir d’achat. Mais pour les propriétaires bailleurs, c’est une contrainte sur la rentabilité d’un investissement. Cette dimension est d’autant plus marquée que, selon une étude de l’INSEE de 2021, 3,5 % des propriétaires possèdent 50 % des logements mis en location. Dans un contexte de crise du logement, ces multipropriétaires ne connaissent que peu de difficultés à louer leurs biens, en particulier dans les zones tendues et ce même si ces logements sont anciens, mal isolés, ou au pire insalubres.

La loi Climat et résilience de 2021 a souhaité vivement inciter les propriétaires à rénover leurs logements. Ainsi les logements les plus énergivores au regard de leur diagnostic de performance énergétique (DPE) seraient progressivement interdits à la location, afin d’inciter les propriétaires à réaliser les travaux de rénovation nécessaires.

C’est également une incitation pour les propriétaires occupants car la valeur de leur bien sera affectée par sa performance énergétique au moment de la revente.

Depuis 2021, l’Etat n’a pas mis en œuvre les moyens financiers nécessaires à la réalisation d’une telle ambition. Ainsi, MaPrimeRenov’ a perdu un tiers de son budget cette année, ce qui représente une baisse d’un milliard d’euros. Cela s’ajoute aux critères changeants et aux guichets multiples complexifiant l’accès à ces aides. Alors que nous avons du retard dans les rénovations, le message envoyé est dévastateur.

Afin de soutenir la rénovation énergétique à la hauteur des besoins, il faudrait atteindre 700 000 rénovations performantes par an d’ici la fin de la décennie. Cela implique une visibilité et une stabilité des normes permettant aux acteurs du secteur de s’organiser et de structurer des filières, notamment de formation à ces nouveaux métiers de la rénovation.

Cela implique également de changer d’ordre de grandeur pour assurer une massification en volume mais aussi en qualité. En effet, la majorité des rénovations énergétiques financées par l’Anah ne permet pas un gain énergétique significatif car seuls les ménages les plus aisés peuvent financer les postes de rénovation les plus efficaces (isolation, changement des portes et fenêtres, ventilation).

Afin de permettre à l’ensemble des ménages de recourir aux rénovations performantes, dont le coût moyen se situe autour de 40 000€, il nous faut proposer des solutions de financement qui permettent d’aller vers un zéro reste à charge pour les ménages, quelles que soient leurs ressources. Ce financement pourrait être assuré par le système bancaire classique pour les ménages solvables sur la base d’un prêt à taux zéro rénovation renforcé sur l’ensemble du coût des travaux, et par l’Etat et ses opérateurs, pour les ménages ne pouvant y accéder.

Quant au parc social, s’il comporte nettement moins de passoires thermiques en proportion que le parc privé du fait de la composition du bâti, l’Etat devra également renforcer son soutien aux projets en cours, en grande partie également permis par les programmes plus larges de rénovation urbaine.

Pour mettre fin à l’opposition entre les villes et les villages

Les politiques de logement sont trop souvent pensées en opposant les grandes villes, denses, urbaines et attractives, aux petits villages et centres-bourg, calmes, peu fréquentés, voire déserts et en attente de revitalisation.

Cette dichotomie est non seulement fausse mais aussi délétère, puisque de cette pensée découle un aménagement (en termes d’infrastructures et services publics, activités économiques et mobilités) qui creuse les inégalités.

La création d’une agence nationale pour le renouvellement rural, sur le modèle de l’ANRU, permettrait de centraliser et de mettre en cohérence les outils publics pour accompagner la requalification du bâti et la revitalisation économique et commerciale dans nos territoires ruraux. Il est temps de mettre fin à l’extension des ZAC en périphérie des bourgs quand les centres se vident et se meurent et avec elle, la vie de village.

Il faut donc en finir avec les dispositifs à deux vitesses, et réaffirmer que le droit au logement s’opère dans tous les types de communes, qui doivent pouvoir agir dans un triple but : social, économique et écologique !


Contributeurs : Maïeul TELLIER (89), Mario GONZALES (75), Augustin LECHAT-BLIN, Boris VALLAUD (40), Pierre PRIBETICH (21), Audrey GATIAN (13), Thomas GODARD (94), Eric SARGIACOMO (40), Malika BONNOT (69), Nina KARAM LEDER (75), Caroline RACINE (57), Aline MAURICE (34), Agathe BOURRETERE (40), Laura GANDOLFI (69), Rozenn BONNET (40), Aline MAURICE (34), Emma PINÇON (31), Philippe QUÉRÉ (95), Alex CHARBONNEL (32), Nicolas TELLIER (33), Jean Claude MAURIN (26), Gautier PEZY (16), Antoine DALLET (17), Philippe BLET (62), Nicolas LE VIAVANT (40), Àhmed MIRAOUÎ (62), Titouan MARY (51), Gwendal MANSO (40), Dominique RAT (40), Eden MATIONGO (77), Killian MONTESQUIEU (75), Damien THOMAS (75), Nicole HOSTIER-GLORIEUX (38), Christian HUGUIES (40), Margaux GARS (33), Bruno PÉRAN (31), Thierry JACQUET (69), Jerome GUILLEM (33), Marina PARODI (40), Benjamin ALLAIX (49), Nicolas BIGHETTI DE FLOGNY (60), Stéphane GUTHINGER (24), Vincent TISON (37), Marie-Pierre DUHA PERRIAT (40), Yoann GARCIA (33), Lionel OLLIVIER (60), Jennifer BOHRER BARREAU (53), Johanne HADZLIK (59), Jean-Marie DARRICAU (40), Elouan LAHET (40), Jean-Michel EON (44), Karine GARRALON (40), Abel GAGO (69), Timothé LUCIUS (45), Denis BREVET (40), Nicolas DELAUTRETTE (87), Florence SABARD (75), Johel GREVET (62), Gauthier DETROUSSEL (27), Lucas BERGÉ (58), Elias BENDAOUADJI (57), Dominique BOLLIET (69), François-Marie CAILLEAU (29), Yann AUZIAS (69), Alex CHARBONNEL (32), Hans TORVIC LECLERC (18), Robert CABÉ (40), Bernard BETNA (40), Vincent VAN ACKER (75), Mehdi KEMOUNE (91), Eric QUENARD (51), Paul COUTARD (75), Victor LE MONIER (21), Jean Marc BILLAC (40), Romain MIDA (60), Antoine TERRIER (40), Grégoire GOURDON (49), Noé COLLOMB (69), Justine CHASSEUR (40), Jeanne DALLOT (75), Nicolas DZIEZUK (57), Manon AUDAP (40), Lucas HAMIDI (62), Jean-Pierre TRABESSE (40), Olivier DUCOURTIEUX (87), Matthias EVANO (75), Rolande CASSAGNEAU (40), Zoé BOURLON (40), Yann AUZIAS (69), Gaspard FINCK (93), Abel GAGO (69), Pierre HADZLIK (59), Stéphane GEMMANI (38), Noé GUIGONET (13), Hélène HOMMERY (22), Quentin LE MENÉ (45), Quentin LATOUR (31), Jean WOHRER (75), Matthis MONTEIL (75), Xavier DEMANGEON (40), Cédric MARÉCHAL (45), Thomas ROSSET (75), Arnaud BATTEFORT (23)


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