Thème : Economie
Crèches, écoles, enseignement supérieur, santé, grand âge: une offensive idéologique est en cours, visant à démanteler l'action publique au profit d'intérêts privés. Sous couvert de "modernisation", "d'efficacité" ou de "mise en concurrence", on externalise, on délègue, on filialise, on introduit des logiques de marché là où devrait primer l'intérêt général.
Cette dérive a des conséquences dramatiques :
Elle paupérise le service public universel : les missions les plus rentables sont confiées au privé, laissant au secteur public les tâches les plus complexes et les moins "attractives", avec des moyens souvent réduits.
Elle fracture la société : elle crée une médecine à deux vitesses, une éducation à plusieurs niveaux, des transports réservés à ceux qui peuvent payer... C'est l'antithèse de la promesse républicaine d'égalité. La société finit par se diviser entre ceux qui peuvent accéder à des services privés ou délégués coûteux, et ceux, de plus en plus nombreux, qui n'ont accès qu'à un service public affaibli, aux guichets fermés, aux délais d'attente interminables, aux déserts médicaux ou administratifs.
Elle augmente les inégalités sociales : les logiques de profit conduisent à sélectionner les usagers, à négliger les territoires moins denses, à précariser les personnels et à faire primer la rentabilité sur la qualité et l'accessibilité.
Elle conduit à un gaspillage de l'argent public : l'argent du contribuable, fruit du travail des citoyens et de l'engagement des agents publics, doit-il vraiment servir à "arroser" des entreprises privées qui augmentent les inégalités et dont la gestion est souvent opaque et moins efficiente à long terme? Les contrôles sont insuffisants, les coûts cachés nombreux, et la puissance publique perd sa capacité de pilotage stratégique.
La question de la propriété publique se pose. Ce gaspillage prend des formes insidieuses : des financements publics, destinés en théorie à assurer un service à la population, se retrouvent à financer la constitution d'un patrimoine immobilier privé. C'est le cas, par exemple, dans le secteur des cliniques privées, (qui reçoivent près de 20 milliards par an dont 5 à 20% pour financer du patrimoine) ou de certains établissements d'enseignement privés sous contrat, qui reçoivent plus de 8 milliards d'euros de financements publics chaque année rien que de l'État, auxquels s'ajoutent plus de 2 milliards d'euros versés par les collectivités locales. Ou enfin dans celui des EHPAD lucratifs où des groupes privés dégagent des marges importantes tout en bénéficiant de fonds publics conséquents. La mécanique est désormais bien connue: ces groupes créent des sociétés foncières distinctes qui possèdent les murs. L'argent public, via les dotations de fonctionnement ou les tarifs conventionnés qui intègrent des loyers souvent élevés versés par l'exploitant à la foncière (parfois du même groupe !), sert ainsi à rembourser les emprunts contractés pour l'achat ou la construction des bâtiments et à rémunérer les actionnaires de ces foncières. Au final, la collectivité finance la construction et la valorisation d'un patrimoine qui reste entièrement privé, échappant à tout contrôle public et générant des profits déconnectés du service rendu. C'est une véritable privatisation du patrimoine financée par l'impôt et les cotisations sociales.
Face à cela, nous devons être clairs : l'argent public doit financer le service public. Il faut recentrer massivement les financements sur les missions de service public assurées directement par la puissance publique ou par des structures (associatives, coopératives) réellement guidées par l'intérêt général et non par le lucre, sous un contrôle démocratique strict.
L'agent public existe, il est le garant de la continuité et de la neutralité du service. Nous devons lui redonner les moyens d'accomplir ses missions, reconnaître son engagement et cesser de le mettre en concurrence déloyale avec des acteurs privés subventionnés.
Le Parti socialiste proposera donc de :
Décréter un moratoire sur toute nouvelle privatisation ou ouverture à la concurrence des services publics essentiels.
Évaluer systématiquement les externalisations et délégations de service public existantes au regard de l'intérêt général, de la qualité du service rendu, de l'impact social et environnemental, et engager des processus de réinternalisation lorsque cela s'avère nécessaire et pertinent.
Conditionner strictement les financements publics à des objectifs sociaux, environnementaux et de transparence, et interdire les montages visant à transformer ces fonds en patrimoine privé via des foncières dédiées.
Renforcer les capacités d'ingénierie, de contrôle et de pilotage de l'État et des collectivités territoriales pour garantir la primauté de l'intérêt général. Notamment faire en sorte que les financements ne permettent plus de se constituer un patrimoine privé.
Réaffirmer et garantir les grands principes du service public à la française : égalité d'accès et de traitement, continuité, adaptabilité et neutralité.
Défendre et refonder nos services publics n'est pas une posture nostalgique. C'est un projet d'avenir. Des services publics forts, accessibles, financés équitablement par une fiscalité juste et préservés des appétits du marché, sont la condition sine qua non pour relever les défis de notre temps : réduire les inégalités, assurer la transition écologique, garantir notre cohésion sociale et renforcer notre démocratie.
Ils sont l'outil privilégié pour mettre en œuvre une nouvelle logique de développement au service des besoins humains et environnementaux. Ils incarnent notre projet politique de liberté, d'égalité et de fraternité.
Pour un financement juste et ambitieux, et contre la marchandisation de notre bien commun.
Note sur les chiffres et sources :
Financement État enseignement privé sous contrat (~8 Mds €) : Principalement rémunération des enseignants et subventions. Source : Lois de Finances / Budget Éducation Nationale.
Financement Collectivités Locales enseignement privé sous contrat (~2 Mds €) : Agrégation des forfaits obligatoires et subventions diverses. Source : Estimations basées sur données DGCL / Rapports Cour des Comptes.
Date de référence : Estimations basées sur les données disponibles pour les années ~2023/2024, adaptées au contexte de début 2025.
Contributeurs :
Premiers signataires : Najat VALLAUD-BELKACEM, Boris VALLAUD
Abel GAGO (69), Agathe BOURRETERE (40), Aline MAURICE (34), Antoine TERRIER (40), Bernard BETNA (40), Denis BREVET (40), Emmanuelle RAMOND (44), Emma PINÇON (31), Eric QUENARD (51), Eric SARGIACOMO (40), Grégoire GOURDON (49), Hans TORVIC LECLERC (18), Helene HOMMERY (22), Jean Claude MAURIN (26), Jean Marc BILLAC (40), Jean WOHRER (75), Jeanne DALLOT (75), Justine CHASSEUR (40), Lucas HAMIDI (62), Manon AUDAP (40), Matthias EVANO (75), Nicolas DZIEZUK (57), Nicolas LE VIAVANT (40), Noé COLLOMB (69), Noé GUIGONET (13), Olivier DUCOURTIEUX (87), Paul COUTARD (75), Pierre HADZLIK (59), Quentin LATOUR (31), Quentin LE MENÉ (45), Robert CABÉ (40), Rolande CASSAGNEAU (40), Romain MIDA (60), Rozenn BONNET (40), Stéphane GEMMANI (38), Stéphane GUTHINGER (24), Théo IBERRAKENE (59), Thomas GODARD (94), Victor LE MONIER (21), Vincent VAN ACKER (75), Xavier DEMANGEON (40), Yann AUZIAS (69), Zoé BOURLON (40)