La pandémie du Covid ne dévoile pas une situation déjà connue : les modèles agricoles français et mondiaux, l’agroalimentaire, ces systèmes en place ne fonctionnent plus :
pas de manière à nourrir l’ensemble des êtres humains de façon satisfaisante et digne, un droit universel, mais ils épuisent aussi les ressources et la planète.
Ce que le Covid et le confinement ont mis au jour, de façon plus aigue, c’est l’inégalité face à cette première nécessité, avec le besoin, pour un certain nombre d’entre nous, d’avoir recours à la solidarité des services sociaux et aux associations caritatives pour se nourrir. Une paupérisation, déjà là, s’est accentuée à cause d’emplois, souvent précaires, stoppés brutalement par le confinement.
Il aura aussi montré, même si la France n’a pas connu de pénurie, la fragilité de nos systèmes de production et le matraquage de notre environnement [1]. Il nous faut changer de modèle, -
-d’une part par une production de denrées qui soit plus proche, plus locale, d’autre part par une organisation des échanges plus contrôlée, plus solidaire et dans le respect des ressources planétaires. Ces changements souhaitables, font partie de la Transition écologique et sociale.
Parmi les solutions, les pistes envisagées par les experts de ces questions :
-Un changement de priorité de la PAC (politique agricole commune) en Europe.
- La fédération des initiatives nombreuses et locales, et l’intervention des collectivités locales et territoriales. Cet échelon de décision paraît pertinent, capable de générer des effets levier.
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Des notes d’espoir et des initiatives à défendre, au niveau politique :
Face à ces dysfonctionnements, plusieurs pistes :
- Pour une ré orientation du modèle, des projets sont déjà là mais « inactifs ». Un travail de réflexion et de propositions a été fait par France Stratégie (ou commissariat général
- à la stratégie) dans un rapport intitulé « faire de la politique agricole commune un levier d’accélération de la transition écologique » publié en 2019 [2]. Il propose,
et rejoint d’autres projets qui vont dans le même sens : notamment ré orienter les aides de la PAC aux agriculteurs, non plus uniquement sur le rendement, et sur la taille des exploitations mais en fonction de l’emploi et de l’impact environnemental, et en favorisant la diversité, face à l’hyper spécialisation qui a atteint ses limites. Un exemple : ce que ce rapport appelle « scénario cible » imagine de percevoir des taxes progressives sur les herbicides et les engrais, qui permettrait ensuite de distribuer des bonus à la diversification des cultures et à la pratique agro écologique. Ce système permettrait de ne pas avoir à augmenter le budget…
Un autre exemple de réflexion qui ne demande qu’à être mis en œuvre, émane de la Fondation Jean Jaurès : Daniel Perron, docteur en droit, propose de « faire de la nature un atout économique » [3]. Selon lui, une grande avancée, un changement de paradigme, consisterait à renouveler les textes juridiques qui organisent l’économie et orientent les productions agricoles, avec à titre d’exemple, des soutiens publics, un statut d’exploitant agricole, l’encadrement du commerce. ..
- ces deux exemples montrent que, comme le disait N.Bricas, de vrais projets existent, « dans les tiroirs », que tout n’est pas à inventer. Mais ces rapports, notes, ont beaucoup de mal à franchir la porte des instances européennes ou des cabinets ministériels français, quand ils ne sont pas volontairement oubliés, face aux intérêts et aux puissances diverses, ( FNSEA par exemple). Il y a là un vrai défi politique, que nous aurions le devoir de relever.
Fédérer les initiatives et investir, dans les collectivités territoriales.
Nombre d’initiatives, en plus des idées, ont vu et voient le jour, les AMAP, le phénomène du locavore, les « drive fermiers », les coopératives biologiques, cette fois au niveau des consommateurs ou acheteurs que nous sommes.
Mais plusieurs écueils existent : la pérennité, la question de l’impact réel, la récupération. Si on prend l’exemple des Amap, elles ont été « avalées » par « la Ruche qui dit Oui », qui n’a plus grand-chose à voir avec l’esprit coopératif et de soutien aux agriculteurs, du départ. Certaines coopératives bio, sont d’abord très urbaines et ne concernent qu’une population aisée, citadine. Cependant, une prise de conscience est en marche, qui touche aussi ceux qui sont défavorisés, et qui voudraient, et manger « mieux » et participer à un effort social et écologique.
Cela soulève aussi la question de l’agriculture ou de la production locale : on oppose parfois ou on pose la question de la préférence, entre local et biologique : privilégier le proche, le moins de kilomètres entre le producteur et le marché ou le supermarché ? ou le produit bio ? La question est alors sociale : dans quelles conditions, par quels salariés la production se fait-elle ?
Une piste développée, tout aussi politique, est l’investissement public, au niveau local et régional :
- dans d’autres domaines, les décisions sont prises par une métropole, une communauté de communes, et ce niveau de décision est pertinent, par exemple pour un réseau de chaleur. Il faudrait donc promouvoir, installer un niveau de décision municipal, départemental, régional.
- Nous pouvons défendre cela : fédérer des pratiques et des initiatives pour les porter à un niveau de décision politique. Des villes en réseaux, ont un poids conséquent à l’échelle nationale ou européenne. le pacte de Milan en 2015 constitue un exemple : une centaine de villes dans le monde se sont engagées à une « gouvernance » alimentaire, à la fois durable, écologique et socialement avancée. [4]
le stade suivant peut consister à peser sur les orientations agricoles et environnementales [5]près de l’Union européenne, et ainsi tendre vers une vraie coopération internationale. Comme le disait N.Bricas, nous ne pouvons strictement vivre d’agriculture purement locale, même si elle est à promouvoir.
Nous avons bâti un système d’échanges ; quand nous buvons du café, du thé ou du chocolat chaud pour nos petits-déjeuners, nous sommes déjà dans trois autres continents. La question est de réguler ces échanges, de les encadrer, plutôt que laisser se sceller des accords comme le CETA ou l’UE/ Mercosur, et d’avoir un véritable devoir de vigilance, là aussi, sur l’impact de nos décisions. Nous ne pouvons plus en faire l’économie.
- http://www.socioeco.org/bdf_fiche-document-6603_fr.html
- http://www.eclm.fr/ouvrage-320.html
quelques chiffres : -448 500 exploitations agricoles début -2019 -superficie moyenne : un peu plus de 67 ha (en augmentation) -revenu moyen : 1390 eur, mais grandes disparités -Un agriculteur sur 10 en bio -pacte vert européen : 25% de terres bio et - 50% de phytos d’ici 2030 |
Permettre à tous d'accéder à une alimentation de qualité, (notamment les fruits et légumes frais) en modulant la TVA selon les valeurs nutritionnelles des produits agroalimentaires (définies par le code couleur Nutri-Score.) Réduire l'élevage intensif : au-delà des problématiques environnementales et des considérations sur le bien-être animal, l'élevage industriel représente un danger avéré pour la santé humaine : c'est une source de pandémies (grippe aviaire, grippe porcine...) et un facteur de résistance aux antibiotiques, qui représente un risque majeur pour les années à venir. Les normes doivent évoluer pour limiter la promiscuité entre animaux et interdire au plus vite l'usage massif des antibiotiques. |
Apport de Samuel Gion, Propositions agriculture/santé
[1] conférence Place Publique du 29 avril 2020. Nicolas Bricas, titulaire de la chaire Unesco Alimentation du Monde, auteur.
[2] https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/fs-synthese-rapport-pac-octobre-2019.
[3] https://jean-jaures.org/blog/changer-l-agriculture-faire-de-la-nature-un-atout-economique
[4] http://www.iufn.org/wp-content/uploads/2016/03/Pacte-de-Milan.pdf
[5] https://www.cdtm75.org/spip.php?page=notice&id_cequitnotice=1771
https://fondation-terresolidaire.org/manifeste-pour-un-travail-decent-et-durable/
http://www.socioeco.org/bdf_fiche-document-6603_fr.html
Signataire :
Odile GAUTIER-MIGNOT
Contribution votée en en assemblée générale de la section du XVIIème arrondissement de Paris.
Daniel Beauchêne, bénévole du commerce équitable et adhérent socialiste, section d’Annecy (74)
Je travaille à la Ruche qui dit Oui ! et je me permets de réagir à cette phrase : " Si on prend l’exemple des Amap, elles ont été « avalées » par « la Ruche qui dit Oui », qui n’a plus grand-chose à voir avec l’esprit coopératif et de soutien aux agriculteurs, du départ."
La Ruche qui dit Oui ! n’a jamais eu pour ambition d’avaler les AMAP, elle constitue au contraire un service complémentaire. La Ruche qui dit Oui ! a pour mission principale de soutenir les agriculteurs, car ils peuvent librement fixer leur prix, et touchent 80% du prix de vente. L’esprit coopératif est tout à fait conservé, car les “Ruches” constituent de véritables communautés, solidaires et joyeuses, où consommateurs et producteurs peuvent se rencontrer.
Je serais ravie d’en discuter avec vous.
Bonne journée.
Clémence Fernet