Vers une prise en charge intégrale des soins par l’Assurance Maladie : pour une convergence solidaire et un système de santé simplifié

Thème : Assurance maladie


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Vers une prise en charge intégrale des soins par l’Assurance Maladie : pour une convergence solidaire et un système de santé simplifié

 

Une vision dans l’esprit du Conseil national de la Résistance

La Sécurité sociale a été fondée sur un principe simple et fort : garantir à chaque citoyen une protection contre les aléas de la vie, notamment la maladie. Pourtant, aujourd’hui, l’accès aux soins en France repose encore sur une double couverture – publique d’un côté, privée de l’autre – qui crée complexité, inégalités et opacité. Le système combine l’assurance Maladie d’une part, et les mutuelles ou assurances privées de l’autre, avec des niveaux de remboursement et de cotisation qui varient selon les statuts, les territoires, et les revenus.

Dans ce contexte, une évolution vers une prise en charge intégrale des soins par l’assurance Maladie mériterait d’être sérieusement envisagée. Une telle réforme, si elle était bien pensée et progressivement mise en œuvre, pourrait permettre de simplifier l’accès aux soins, de réduire les inégalités, et de renforcer la solidarité nationale, sans renier les libertés individuelles ni les contraintes économiques.

Un système déjà inégal : vers une harmonisation territoriale par le haut

Certains territoires bénéficient déjà de remboursements supérieurs à la moyenne nationale. C’est le cas du régime local d’Alsace-Moselle, qui propose des taux de remboursement de 90 % pour les soins de ville, contre 70 % dans le reste du pays. Cette situation s’explique par l’histoire, mais elle traduit aussi une forme de fragmentation territoriale de la solidarité. Dès lors, uniformiser les régimes de remboursement par le haut, en prenant exemple sur le modèle alsacien, pourrait constituer une première étape de convergence, à la fois juste et symboliquement forte.

Une réforme budgétairement soutenable, socialement plus juste

Aujourd’hui, les Français financent leur couverture santé par deux voies :

  • L’assurance Maladie, via les cotisations sociales et la CSG ;
  • Les complémentaires santé, dont le coût moyen pour un salarié est compris entre 30 et 100 € par mois (360 à 1200 € par an), sans compter les restes à charge résiduels.

À l’échelle nationale, les mutuelles et assurances privées collectent 43 milliards et ne remboursent que 32,4 milliards d’euros, tandis que le reste à charge pour les ménages représente environ 17,4 milliards. Au total, 60 milliards d’euros seraient nécessaires pour permettre à l’assurance maladie de couvrir l’intégralité des soins aujourd’hui financés par les complémentaires ou directement par les assurés. Si on réoriente les 43 milliards collectés par les mutuelles assurances privées vers l’assurance maladie, le reste à financer serait de 19 milliards.

Une telle extension pourrait représenter une hausse de 3,6 % des cotisations sociales sur l’ensemble de la masse salariale, soit 1,8 % à la charge des salariés. Pour beaucoup de Français, cela pourrait représenter un coût équivalent, voire inférieur, à celui de leur mutuelle actuelle, avec en contrepartie un accès universel, sans reste à charge, ni démarches supplémentaires.

La réforme serait donc progressive dans ses effets sociaux : les plus hauts revenus contribueraient davantage à la solidarité collective, quand les plus modestes y gagneraient en pouvoir d’achat et en sécurité.

Une transformation juridiquement possible

Plusieurs leviers permettraient de rendre les complémentaires privées progressivement inutiles, sans jamais les interdire explicitement :

  1. Étendre les remboursements de la Sécurité sociale à 100 % pour les soins courants.
  2. Supprimer les avantages fiscaux et sociaux des contrats de complémentaire santé, notamment les exonérations dont bénéficient les entreprises.
  3. Créer une cotisation dédiée, solidaire et progressive, pour garantir un financement public pérenne et équitable.
  4. Encadrer l’activité des mutuelles privées à des secteurs complémentaires non pris en charge : confort, prévention, médecines alternatives, accompagnement.

Cette démarche permettrait de respecter les principes de liberté tout en orientant l’écosystème vers une protection sociale unifiée, publique et universelle.

Un enjeu économique et d’emplois à anticiper avec responsabilité

On ne peut ignorer que les mutuelles emploient aujourd’hui plus de 100 000 personnes. Une transformation profonde du système nécessiterait donc un accompagnement de la transition professionnelle :

  • Réaffectation de certaines fonctions dans le secteur public de santé ou les ARS ;
  • Plan de reconversion avec formation qualifiante ;
  • Intégration des compétences en gestion, prévention, ou numérique dans les nouveaux dispositifs publics.

Cette transition, anticipée, pourrait aussi être une opportunité de réorientation vers des métiers utiles, mieux articulés avec les besoins réels du système de soins.

Conclusion : pour une convergence solidaire, responsable et ambitieuse

Une réforme vers un remboursement intégral des soins par la Sécurité sociale serait à la fois cohérente avec notre histoire, souhaitée par une majorité des citoyens, et techniquement possible si elle est menée avec méthode.

Elle reposerait sur trois piliers :

  1. L’uniformisation des régimes existants vers les standards les plus protecteurs (ex : Alsace-Moselle) ;
  2. La montée en puissance progressive de l’assurance maladie comme financeur unique des soins ;
  3. La sortie maîtrisée et encadrée du système des complémentaires, dans le respect des libertés et des emplois.

Ce projet ne serait pas une rupture, mais une évolution logique vers un modèle plus juste, plus simple, et plus efficace. Il ne s’agirait pas d’opposer public et privé, mais de réaffirmer collectivement que la santé ne doit pas dépendre d’un contrat, d’un statut ou d’un territoire, mais être un droit universel, garanti à chacun, partout.


Contributeur.ices : Marie-Emmanuelle Vermot et les adhérents de la section de Morlaix


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