Thème : Éducation
C’est un mal insidieux qui mine notre système éducatif. Il ne fait pas de bruit, passant « sous les radars » jusqu’à récemment, mais pourtant….
Le décrochage scolaire, s’il a diminué ces dernières années grâce à un meilleur repérage des jeunes et à la mobilisation de l’ensemble des acteurs pour passer de 12.6 % en 2010 à 8.21 % en 2019, n’en reste pas moins un fléau qui marginalise encore à ce jour plus de 90 000 jeunes sortant chaque année de notre système éducatif sans aucune qualification.
En 2020, dans l’Union européenne, parmi les jeunes âgés de 18 à 24 ans, le taux de jeunes sortis précocement du système scolaire s’élève à 9,9 % alors qu’il est de 8 % en France. Notre pays a d’ores et déjà atteint et dépassé l’objectif de 9 % à l’horizon 2030 fixé au niveau européen quand bien même le phénomène du décrochage persiste.
Les progrès réalisés ces dernières années pour identifier ces jeunes « perdus de vue » sortis des établissements sans laisser aucune trace viennent conforter l’ambition des socialistes : parvenir au « Zéro décrocheur ».
Cet objectif politique s’inscrit dans notre projet de société qui vise à ne laisser personne au bord du chemin, à lutter contre les déterminismes sociaux, contre les inégalités, un projet qui croit profondément en l’éducabilité de chaque jeune, quel que soit l’endroit où il vit et le milieu d’où il vient.
Des moyens conséquents ont été investis pour endiguer ce phénomène d’exclusion et de marginalisation de notre jeunesse. C’est ainsi que selon la Cour des Comptes, l’engagement financier en faveur de la lutte contre le décrochage représente jusqu’à 35% des financements publics en faveur de l’ensemble des 16-25 ans quand dans le même temps les jeunes quittant précocement le système représentent 9 % des 18-24 ans avec pour la collectivité un coût du décrochage scolaire évalué à 230 000 euros pour une personne tout au long de sa vie.
A l’évidence il nous faut aujourd’hui passer à une étape nouvelle dans le traitement de ce fléau en l’abordant de manière globale et non plus dans la seule « urgence ». Pour compléter les actions de « raccrochage » mises en place afin de proposer «une seconde chance» aux jeunes décrocheurs, il convient d’engager des actions immédiates et à plus long termes.
AGIR À COURT TERME
Travailler sur le « pré-décrochage ».
Dans les établissements scolaires, les équipes pédagogiques doivent pouvoir disposer d’outils et de formation leur permettant de détecter les signes précurseurs du décrochage chez les élèves « à risques » : mutualisation des informations scolaires des élèves, outils de suivi de l’activité de chaque élève dans la classe, formation des enseignants au repérage des différents profils de jeunes présentant des risques de décrochage.
Il convient également de renforcer les moyens humains et financiers de la Mission de lutte contre le décrochage scolaire (MLDS) pour notamment lui permettre de mieux travailler avec les référents des établissements et des groupes de prévention du décrochage scolaire (GPDS) ainsi qu’avec les équipes éducatives des réseaux de Formation Qualification Emploi (FOQUALE).
Des alternatives à l’exclusion des classes et des établissements :
Si l’exclusion donne le sentiment de régler des situations de tensions, de conflits ou d’actes répréhensibles, les établissements doivent être aidés dans la mise en place de programmes alternatifs aux exclusions avec notamment des sanctions éducatives et un travail autour des questions de l’estime de soi, de gestion des conflits, de communication non violente…
Sans dispositif parallèle d’accompagnement de l’élève exclus, la sanction peut potentiellement aggraver la situation en éloignant un peu plus l’élève de la communauté éducative.
Établir des liens avec les familles :
Rien ne peut se faire sans l’implication et la participation des parents au processus éducatif de leur enfant. C’est pourquoi les équipes éducatives doivent être aidées dans la connaissance des familles, particulièrement celles les plus éloignées de l’école dont les enfants peuvent être touchés par le décrochage.
Cette connaissance et compréhension des familles, des différents publics accueillis ne peut se faire que grâce à une formation initiale et continue revisitée et efficiente des équipes éducatives.
Travailler avec l’ensemble des partenaires sur la prévention et sur la persévérance scolaire, c’est aussi refuser de faire des décrocheurs les seuls responsables de leur décrochage.
Le développement des alliances éducatives avec les parents, au même titre que les pratiques pédagogiques innovantes ou le travail collaboratif entre enseignants pour que les élèves puissent maîtriser le socle commun de compétences, de connaissances et de culture constituent également de puissants leviers pour consolider le parcours scolaire des élèves les plus fragilisés.
Il va de soi que ce travail de prévention doit être plus globalement mené dans le cadre de politiques budgétaires et pédagogiques inscrites dans la continuité. La priorité au primaire, la réforme du collège, l’éducation prioritaire, la mixité sociale et scolaire : autant de domaines qui nécessitent des alliances éducatives entre les différents acteurs ainsi qu’un investissement pluri-annuel si l’on veut lutter efficacement contre le décrochage.
AGIR À PLUS LONG TERME
Les élèves potentiellement « à risques » en matière de décrochage doivent pouvoir bénéficier d’un accompagnement personnalisé dans leur parcours au sein d’établissements agréables à vivre.
Personnaliser les parcours :
La personnalisation dans les processus d’apprentissage constitue un facteur déterminant pour rassurer et stabiliser les élèves « à risques » pour qui les contenus enseignés n’ont souvent plus aucun sens, générant alors un éloignement du champ scolaire sous forme d’absentéisme, prélude au décrochage. Cette personnalisation devrait s’accompagner d’un travail en matière d’orientation pour qu’elle corresponde non plus à un choix subi mais choisi, ce qui passe notamment par un élargissement de la découverte des métiers.
Trop souvent déterminés en fonction des offres de formation au niveau d’un bassin, les choix d’orientation sont souvent pénalisants et vécus de façon négative par les jeunes et leur famille. La création d’un grand service public de l’orientation, en lien avec les collectivités territoriales, permettra de placer les élèves dans des parcours valorisants et porteurs de réussite, condition majeure dans la lutte contre le décrochage.
Le mentorat, soit l’accompagnement individuel d’un jeune en fragilité par un mentor engagé, constitue un levier puissant de personnalisation et de sécurisation des parcours éducatifs. Que ce soit dans une logique de prévention du décrochage dès le premier degré ou avec des adolescents en risque de rupture ou qui subissent leur orientation. Le mentorat éducatif mené sur le temps péri /extrascolaire est très complémentaire de l’action des enseignants. L’individualisation permet de traiter les dimensions multi-factorielles du risque de décrochage. Particulièrement impactant en termes d’estime de soi, le mentorat permet de lutter contre l’auto-censure, d’élargir le champ des possibles et de retrouver le sens des apprentissages.
Aujourd’hui le territoire national est irrigué d’un réseau d’acteurs du mentorat complémentaires de l’enseignement public qui peuvent, en lien avec les enseignants, repérer et accompagner les plus fragiles.
Bien vivre au sein de l’établissement :
D’une manière générale le sentiment d’appartenance à l’établissement reste particulièrement faible dans notre pays et nécessite la mise en place d’actions spécifiques pour co-construire une culture commune et des relations fortes entre les élèves, les familles et l’établissement.
Des lieux de convivialité et de réunion, des conditions de travail améliorées, des projets fédérateurs et innovants, l’association des familles à la vie de l’établissement concourent à l’amélioration du climat scolaire dans les établissements, facteur déterminant dans la lutte contre l’absentéisme souvent identifié comme l’antichambre du décrochage.
Au-delà de ces actions à court et long terme, l’objectif du « zéro décrocheur » passe immanquablement par un effort sans précédent sur les retours en formation de ces jeunes décrochés.
RETOUR EN FORMATION : UN LEVIER MAJEUR
Le raccrochage scolaire passe par une identification des « perdus de vue », par un retour en formation mais également par une évaluation des dispositifs de raccrochage.
Si l’identification des jeunes en situation de décrochage a progressé tout comme la prise de contact -sans que tous ne soient encore repérés ni contactés quand ils sont identifiés-, pour autant les décrocheurs ne bénéficient pas toujours d’une solution qui corresponde à leur profil et à leurs souhaits. C’est pourquoi des structures de re-scolarisation comme les micro-lycées, les écoles de la seconde chance, les ateliers-relais et autres structures scolaires expérimentales doivent être renforcées et massivement présentes sur l’ensemble du territoire.
Notre société doit par ailleurs et à tous les niveaux engager un processus de valorisation de toutes les modalités de formation –et pas uniquement de l’apprentissage-, y compris les formations courtes, pré-qualifiantes et qualifiantes. La formation tout au long de la vie avec la Validation des Acquis de l’Expérience doivent également être placées au cœur des enjeux de la formation et de l’insertion tandis que le processus d’orientation doit être beaucoup moins soumis à la hiérarchie des voies de formation.
Enfin, l’État et les Régions doivent diversifier les solutions proposées par les plate-formes de suivi et d’appel en matière de préparation à l’alternance, de re-scolarisation, de service civique adapté ou encore d’accompagnement
Pour nous, socialistes, le décrochage scolaire n’est pas une fatalité, mais d’abord et avant tout un processus complexe aux causes multi-factorielles qui nécessite la mobilisation de l’ensemble des acteurs institutionnels, associatifs et citoyens.
« Zéro décrocheur », c’est un travail de longue haleine qui va nécessiter en permanence un engagement, un suivi et des régulations.
« Zéro décrocheur » c’est refuser la résignation en permettant à nos jeunes de réintégrer un parcours de formation.
« Zéro décrocheur », c’est mobiliser les jeunes pour les aider à retrouver le plaisir d’apprendre et à quitter l’école avec qualification.
« Zéro décrocheur », c’est permettre à tous les jeunes de repartir sur le chemin de la réussite et à trouver leur place au sein de notre société.
« Zéro décrocheur », c’est l’ambition des socialistes pour notre jeunesse.
Relevons le défi.
Signataires :
Yannick Trigance, secrétaire national à l'École, l'Éducation et l'Accès aux savoirs
CAGNON Thierry (33), CONDOLF-FEREC Muriel (35), EL YASSA Myriam (25), FINK Sylvie (44), FOUCHIER Marianne (41), GOUTAGNY Alexandre (93), LE GOUX Philippe (22), LUCAS Nadine (44), ROQUES Jean-Pierre (75), SAID BAKAR Chariffou (93), THIRIONNET Sylvette (78), THOMASSIN Silvine (93)