Que le Parti Socialiste prenne toute sa part à la refondation urgente de la santé des Français !


Thème : Santé


Socialistes et investis dans les secteurs sanitaire et médico-social, nous faisons le constat de l’incapacité du gouvernement à répondre aux problématiques qui touchent les professionnels et les usagers au quotidien. L’incapacité à investir suffisamment pour le recrutement conduisant à la fermeture de lits, l’absence de solutions apportées aux déserts médicaux, l’abandon de la loi Grand Âge sont autant de renoncements qui laissent la situation se dégrader inexorablement. Parce que nous croyons dans l’alternative que peuvent incarner les socialistes et parce que nous souhaitons participer à la construction d’un projet renouvelé, voici notre contribution au travail idéologique mené lors du 80ème Congrès du Parti Socialiste, portant sur la santé et le médico-social :

Les sondages se suivent et se ressemblent : la santé figure aujourd'hui parmi les premières préoccupations des Français. Jadis marginale dans le débat public, elle s'est soudainement placée sur le devant de la scène politique, à l'occasion d'un virus venu bouleverser nos existences. Jamais le concept de biopolitique cher à Michel Foucault n'avait trouvé aussi brûlante actualité. Mais, au-delà de la seule question du Covid-19, c'est bien l'ensemble de notre système de santé qui va devoir être repensé. A ce titre, le camp social doit porter une parole forte à ce sujet. En finir avec les déserts médicaux, lutter contre les inégalités sociales de santé, refonder l’hôpital public : voici les orientations qu’il nous faut approfondir, pour que le Parti Socialiste porte une parole ambitieuse dans ce champ emblématique de la parole de gauche.

Tout d'abord, la lutte contre les déserts médicaux. Nous ne pouvons que regretter l'absence d'anticipation politique du manque criant de médecins qui nous touche et qui, d’après les travaux de prospective, ne devrait pas s’améliorer dans la prochaine décennie. Au surplus de l'augmentation indispensable des capacités de formation dans les universités, il faut encourager davantage l'installation des professionnels de santé en zones sous-dotées (développement de l'exercice collectif en maisons de santé, offres de pratique salariée...). Au-delà de ces mesures incitatives et avant une coercition trop brutale, d'autres pistes doivent être envisagées. On pourrait, par exemple, réformer les règles d’attribution du secteur 2 (secteur avec dépassements d’honoraires), par la possibilité de pratiquer des dépassements d'honoraires, qu’aux médecins ayant exercé suffisamment longtemps, et sans dépassement, en zone sous-dotée. Ou encore instaurer une année après l'internat avec exercice obligatoire dans des centres hospitaliers, couvrant, de fait, l'ensemble du territoire français. Cette mesure, tant dans sa philosophie que dans les conditions de rémunération proposées, diffère de façon substantielle de l’allongement de la durée d’internat en désert médical pour la médecine générale, actuellement évoquée par le gouvernement. Pourquoi ne pas aussi développer un partage des activités de recherche et d'enseignement des CHU urbains avec l'ensemble des pôles de soins du pays, rendant ainsi ces derniers plus attractifs. A l’heure des nouvelles technologies de communication, peuvent en effet tout à fait se concevoir des activités d’enseignement ou de recherches émanant de centres urbains non-métropolitains.

Ces propositions devront bien évidemment être discutées avec l'ensemble des acteurs du système de santé. Elles s’inscrivent dans la lignée d'initiatives innovantes, qui naissent déjà ça et là, comme la création de premières années de médecine dans les villes moyennes, avec pour objectif de changer structurellement le profil des étudiants admis dans les études médicales, moins issus des grandes métropoles et possiblement plus enclins à s'installer sur tout le territoire. Le constat est donc clair et partagé, tout le champ des possibles mérite d'être exploré, sans dogmatisme.

Se battre, ensuite, contre les inégalités sociales de santé. Nous ne pouvons accepter que certains de nos concitoyens soient privés de soins pour motif financier. Les chiffres de différences d’état de santé entre catégories socio-économiques montrent combien les disparités sont encore fortes. Il faut aller, évidemment, vers de meilleures prises en charge des soins dentaires et d'optique, qui cristallisent bien des freins à l'accès aux soins. Mais il faut aussi être attentif aux dépassements d'honoraires médicaux : ceux-ci doivent être davantage limités. Nous souhaiterions, plus largement, que la Sécurité Sociale retrouve son rôle central dans le remboursement en santé, par la définition d’un panier de soins dont la prise en charge se ferait à 100 % par celle-ci. Quel plus beau message que cet élargissement de l'action initiée par le Conseil national de la Résistance ? La lutte contre les inégalités sociales de santé commence avant même que la maladie n’apparaisse : l’amélioration des déterminants de santé par une politique de prévention et promotion de la santé ambitieuse est, là encore, un pan indispensable de l’action publique, encore trop délaissé. L’essence de la gauche est de prendre soin de ceux que les difficultés économiques rendent plus vulnérables que les autres à la maladie.

Redresser l'hôpital public, enfin. Par sa mission, il incarne l'égalité et la fraternité républicaines. Les Français y sont légitimement attachés, autant qu'ils craignent son déclin. Plusieurs dizaines de milliers de lits ont été fermés, alors même que la population augmente et vieillit. Le financement de l'hôpital ne répond pas aux grands enjeux de santé publique, avec une quasi-exclusivité de tarification à l'acte, qui alimente la course à la rentabilité et l'épuisement des soignants. Nous sommes d’ailleurs révoltés par les conditions de travail des blouses blanches, en secteur sanitaire et médico-social, alors même que le prendre soin d'autrui devrait commencer par le prendre soin de soi. Prendre soin nécessite de considérer chaque maillon de la chaîne afin de lutter contre la crise des vocations touchant ces métiers, et s’il est vrai que le gouvernement précédent, dans sa fausse générosité, a revalorisé quelque peu le traitement de certains, tant d’autres ont été oubliés sur le chemin.

La gouvernance hospitalière devrait elle aussi évoluer vers davantage de parts décisionnelles données aux soignants et aux usagers de santé. La place de ces derniers doit d’ailleurs être considérablement renforcée au regard de la plus-value extraordinaire que peut constituer la pair-aidance mais aussi de l’expertise d’usage précieuse des personnes confrontées à la maladie ou au handicap. Enfin, les soins hospitaliers ont un coût, qui doit être connu de chacun. Nous pensons utile de développer cette information : le reste à charge réel pour les patients doit être le plus faible possible, mais chacun doit savoir de quelle solidarité il bénéficie. Il en va du consentement à l'impôt et de la conscience d'appartenir à la République, c'est-à-dire à cette « chose publique » où la maladie de l'individu est prise en charge par la communauté. Lutte contre les déserts médicaux, combat pour une santé accessible à chacun, préservation de l'hôpital public : voilà l'ébauche d'une refondation que nous pourrions encore largement décliner.

Repenser notre système de santé ne peut s’envisager que dans sa globalité tant sont liés les enjeux d’accès aux soins, de gouvernance, de financement et ceux du vieillissement de la population et de la prise en charge de nos aînés. Crise des EHPAD, virage du domicile, développement de la silver économie, passage du statut d’actif à celui de retraité : autant de questions qui ne peuvent qu’être au centre de la vision de notre projet sociétal.

Nous vivons dans une société au sein de laquelle le vieillissement et la fin de vie restent particulièrement tabous, frein à un débat national qui répondrait réellement aux questions d’allongement de l’espérance de vie, de bientraitance de nos aînés et d’euthanasie et suicide assisté. La récente crise des EHPAD (le nom en lui-même de ces établissements pourrait à lui seul être un sujet de réflexion tant il est désormais péjoratif) aura mis en lumière bien des problématiques que les professionnels vivent au quotidien depuis des années. Il apparaît indispensable que les socialistes soient en capacité d’être clairs sur le curseur de l’acceptable, et sur les limites de la commercialisation du grand âge. Allant dans le bon sens, nous ne pouvons que nous réjouir de l’action des députés socialistes lors du dépôt d’amendements à l’occasion des débats sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale et notamment ceux portant sur la conclusion de CPOM (Contrat Pluriannuel d’Objectifs et de Moyens) par les groupes gestionnaires, sur les sanctions lors d’une utilisation injustifiée des fonds publics, ou encore sur l’augmentation des sanctions financières pour les établissements enfreignant les règles de bonne gestion. L’étape suivante doit être la clarté du modèle d’établissements que nous souhaitons défendre pour un accueil digne de nos aînés.

Les révélations de l’ouvrage de Victor Castanet Les Fossoyeurs ayant fait grand bruit début 2022 amènent entre autres à cerner le rôle qu’ont pu avoir un certain nombre de personnalités politiques dans le développement des groupes privés commerciaux. Ce modèle a aujourd’hui montré toutes ses limites, et doit nous interroger sur la philosophie qui consisterait à pouvoir faire de l’hébergement de personnes vulnérables une exploitation financière. La récente enquête pluriannuelle nationale de la DGCCRF (Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes), qui estime qu’environ un établissement privé commercial sur deux serait en situation de fraude, doit nous interpeller sur les dérives structurelles de ce modèle. Pour autant, nous ne pouvons prôner une nationalisation des établissements privés, d’une part par réalisme tant le public est aujourd’hui lui-même en difficulté et en incapacité actuellement d’assumer cette charge, et d’autre part car le public non lucratif a quant à lui démontré qu’il pouvait être un modèle viable. Aussi, il en va de la responsabilité des décideurs nationaux et surtout locaux d’adopter une position ferme à l’égard du privé lucratif. Sachons montrer que la majorité des élus locaux socialistes ont su freiner l’appétit vorace de certaines initiatives nécrophages. L’accentuation des contrôles des établissements annoncée va dans le bon sens, mais doit s’accompagner de moyens humains et financiers suffisants et du développement de contrôles sans avertissement préalable. Enfin, nous socialistes, devons mettre sur la table le débat sur le respect des droits fondamentaux au sein des établissements d’accueil des personnes âgées, parfois lieux de privation de liberté arbitraires par le développement d’unités fermées dont le cadre juridique n’est aucunement délimité.

Ces considérations certes éloignées des sujets récurrents et évidemment fondamentaux de la rémunération et de la reconnaissance accordées au personnel n’en sont pas moins capitales dans notre réflexion collective globale sur le vieillissement de la population. Ce sont d’ailleurs les socialistes qui ont su lancer la filière de la silver économie en 2013 sous l’impulsion de Michèle Delaunay, ainsi promoteurs d’innovation et créativité dans un secteur devant se réinventer en permanence pour favoriser le lien social et rompre l’isolement d’un public pour qui dépendance et solitude rythment trop souvent le quotidien.

Si nous ne pouvons que nous féliciter du développement d’un certain nombre d’initiatives (EHPAD hors les murs, résidences partagées, habitat intergénérationnel…), il y a néanmoins urgence à agir dans le secteur de l’aide à domicile sans qui toutes ces innovations risquent d’avoir bien des difficultés à perdurer. Des années qu’il est question du virage du domicile, 85% des Français qui déclarent souhaiter vieillir à domicile, et pourtant on ne peut que déplorer une déliquescence continue du secteur de l’aide à domicile en manque criant d’attention et de moyens. Le premier enjeu est logiquement celui des métiers de l’aide à domicile. Formation, rémunération, reconnaissance et attractivité sont unanimement reconnus comme principales raisons à cette crise de vocations. Le réalisme nous pousse à devoir admettre que pour que le secteur se redresse, l’usager aussi devra consentir à un investissement, fut-il mis en commun par la solidarité nationale. Le maintien à domicile aussi a un coût, au même titre que les autres services que peuvent solliciter les Français(e)s dans leur quotidien. Mais l’État doit aussi y prendre toute sa part. Revaloriser l’APA (Allocation personnalisée d’autonomie) est indispensable si nous souhaitons permettre au plus grand nombre le soutien à domicile. Le flou qui règne sur le statut de l’aide à domicile doit quant à lui être dissipé, et il nous appartient de réinventer cette profession par une évolution de l’organisation du travail permettant d’accéder à des temps pleins sans avoir pour conséquence une usure physique irrémédiable, par une rémunération systématique des temps de trajet, ou encore par des perspectives de carrière dont l’absence se fait ressentir lors du besoin d’évolution de ces travailleuses essentielles.

Ces prémices de propositions qui pourraient enrichir la base de travail des socialistes ne permettent néanmoins pas de répondre à l’urgence absolue : l’étouffement des structures d’aide à domicile qui ne parviennent plus à recruter suffisamment pour répondre à la demande. Lors des assises de l’aide à domicile d’octobre 2022, il transparaît une certaine dichotomie entre ces difficultés de recrutement frein notamment au soutien à domicile pour des personnes isolées et vulnérables et, dans le même temps, des prestations de ménage réalisées au sein de foyers aisés et bénéficiant de crédits d’impôts, comme l’a notamment souligné François-Xavier Devetter. Pour y faire face, nous proposons de moduler les exonérations fiscales en fonction des revenus des employeurs. En effet, il n’est pas normal que les plus aisés bénéficient de déductions fiscales pour salarier des employés de maison à temps plein de la même façon qu’un ménage de classe moyenne qui se contente de louer les services d’une « femme de ménage » seulement 3 heures par semaines. Des mesures fortes sont indispensables pour répondre à l’urgence, avant de pouvoir donner au secteur un second souffle.

A l'heure où les fondements de notre République sont menacés, nous, membres du Parti Socialiste, pensons que notre système de santé et de protection sociale est la plus belle incarnation de la République en actes. Comme le disait Montaigne, « c'est une belle harmonie quand le dire et le faire vont ensemble » : rassemblons-nous et bâtissons un système de santé qui fasse notre fierté. Que le Parti Socialiste prenne toute sa part à la refondation urgente de la santé des Français !


Premiers Signataires :

  • Lysandre MERLIER, étudiant en Master 2 Management des établissements de la santé et du social, Secrétaire Fédéral PS Haute-Vienne et membre du Conseil National du PS.
  • Florian PORTA BONETE, médecin psychiatre hospitalier, Conseiller Départemental remplaçant, Secrétaire Fédéral à la santé du PS Gironde.
  • Annick MORIZIO, diététicienne nutritionniste retraitée, 1ère Vice-Présidente du Conseil Départemental de la Haute-Vienne.
  • Sébastien SAINT-PASTEUR, chargé de mission dans une collectivité, Vice-Président du Département de la Gironde en charge de l’accès aux droits, de la santé, du numérique, des services publics de proximité et de la technologie civique, section PS de PESSAC.
  • Stéphane DESTRUHAUT, Attaché d’Administration Hospitalière, Vice-Président du Département de la Haute-Vienne.
  • Mélanie BALSON, Infirmière, Conseillère Municipale de Dijon.
  • Jérôme DASTEGUY, Infirmier, Membre du Conseil Fédéral de la Fédération des Pyrénées-Atlantiques, Section de Bayonne.
  • Corinne KOCWIEN, Attaché d’administration responsable des Ressources Humaines au sein de deux EHPAD de Haute-Vienne, membre du Conseil Fédéral de la Fédération de la Haute-Vienne.
  • Catherine DALM, Médecin inspecteur du travail et praticien hospitalier, section PS de Pessac
  • Maxime ALMOSTER RODRIGUES, Étudiant en deuxième année de Sciences pour la Santé, mention Santé Publique, section PS Jean Jaurès à Limoges.

 

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