Reprendre le flambeau de la bataille culturelle des aides sociales


Thème : Solidarités


Contribution du laboratoire des idées de Refondations

Alors que l’efficacité des aides sociales est contestée par la droite et l’extrême-droite avec de plus en plus d’impact sur nos concitoyens, il est temps de s’interroger sur le recul de nos idéaux de justice sociale et d’esquisser des voies de refondation des solidarités, chères à toutes et tous au sein du parti. 

Les aides sociales telles que nous les connaissons aujourd’hui sont le fruit d’une longue histoire loin d’être neutre. Il faudra que s’écoulent des siècles de charité, sous forme « d’assistance à autrui » pour que n’émerge la notion de solidarité. L’idée-même de solidarité devient politique sous la IIIème République. Elle connaît sa consécration dans les années 1890 avec le « solidarisme » de Léon Bourgeois désireux de concilier liberté individuelle et justice sociale. 

C’est de cette troisième voie idéologique entre « individualisme libéral » et « socialisme collectiviste » que s’est construit le parti tel que nous le connaissons aujourd’hui. Mais c’est surtout de cette troisième voie qu’est né l’idéal et la réalité de la République sociale. Comme l’explique l’historienne Marie-Claude Blais, « le lien de solidarité est présenté comme un lien universel qui domine les autres attachements communautaires » avec pour objectif de préserver la liberté individuelle et ses capacités d’émancipation de son groupe social d’origine, tout en conservant la cohésion de la société. 

Ainsi, l’idéal républicain et universaliste tel que nous le prônons aujourd’hui puise ses origines dans cette notion-même de solidarité comme socle de la société. Pour incarner ces idéaux, la République sociale s’est dotée d’une incarnation aujourd’hui en danger : ses services publics. L’éducation, la justice, la Sécurité sociale etc… autant d’institutions du service public permettant l’égalité entre toutes et tous, l’émancipation intellectuelle de nos concitoyens et le minimum vital à tout-un-chacun pour pouvoir s’intégrer dans notre société. Autant d’aspects que nos services publics en crise aujourd’hui ont de plus en plus de mal à assurer, plongeant notre République sociale dans des eaux troubles.

Le PS doit absolument mener la bataille culturelle de la justice sociale. Il est important de se réapproprier le discours social pour ne pas laisser la défense des plus précaires à l’extrême-droite, qui après l’abstention est le premier parti des ouvriers. 

Le nombre de Français sous le seuil de pauvreté en 2022 est estimé à près de 12 millions, soit 18.46% de la population française qui vivent avec à peine plus de 1000 euros par mois. Les 10 % des Français les plus riches captent près d’un quart de la masse globale des revenus après impôts et prestations sociales. C’est presque sept fois plus que les 10% les plus pauvres. 

La lutte contre la pauvreté, les inégalités et pour la solidarité n’est pas seulement un combat économique ou social mais aussi Républicain ! La promesse Républicaine est l’égalité ! 

Nous pouvons agir à la racine, en particulier via le système scolaire, et donner véritablement des chances à chacun. Les moyens consacrés aux enfants en difficulté ne sont pas à la hauteur. Il faudrait mettre « le paquet » dès l’école maternelle, grande oubliée des réformes scolaires. 

Un débat oppose ceux qui voudraient redistribuer la richesse et ceux qui pensent qu’il faut réduire les inégalités avant redistribution. Mais il n’y a rien de tel pour réduire les inégalités à la base et permettre à tous les citoyens d’accéder à un niveau de vie décent que de redistribuer la richesse ! 

Réduire les inégalités passe sans doute par l’élévation de minima sociaux, qui sont, en France, parmi les plus faibles de l’Union européenne. 

Les services collectifs, de l’éducation à la santé en passant par les transports, le logement et la culture, sont des facteurs de réduction structurelle des inégalités et de mobilité sociale. Encore faut-il permettre à chacun d’avoir accès aux services publics existants. Nous devons nous engager plus fortement dans une réelle démocratisation de ces services pour toutes et tous. 

De plus, nous devons aller vers plus de radicalité sur la question de la justice écologique, nous ne pouvons plus compter simplement sur les volontés individuelles. Limiter les trajets intérieurs en avion, dé-subventionner l’avion au profil du train ou limiter le nombre de trajets par un individu : voici les sujets que nous devons travailler. Cela permettra non seulement de réduire les inégalités écologiques et aussi augmenter l’espérance de vie en bonne santé des classes populaires.

 

Lorsque les macronistes, la droite libérale et l’extrême-droite rétorquent à longueur de journée que les minima sociaux transforment notre pays en un pays d’ « assistés », nous, nous affirmons que le réel fléau des politiques de lutte contre la pauvreté est le non recours aux droits. 

C’est-à-dire qu’un nombre non négligeable de nos concitoyennes et concitoyens ne réclament pas des droits. Les chiffres sont effarants : 35% de non recours au RSA, 36% pour la prime d’activité et 48% pour la Complémentaire Santé Solidaire (CSS) selon la DREES. Autrement dit, plus d’une personne sur trois pouvant bénéficier du RSA n’en fait pas demande et près d’une personne sur deux pouvant demander la CSS n’en fait pas la demande. Cela représente, en 2022, plusieurs milliards d’aides sociales non-distribuées. Concomitamment, en 2021, seulement 1% de fraudes ont été comptabilisées sur les 35 millions de contrôles effectués par les CAF. 

Les raisons de ce non-recours sont largement analysées par les universitaires mais aujourd’hui, trois principaux arguments expliquant ces chiffres se dégagent : Le manque d’information : le manque de visibilité sur les conditions d’éligibilité aux aides, ou tout simplement les personnes les moins intégrées socialement (cibles prioritaires de ces aides) n’ont pas les connaissances pour savoir s’informer sur leurs droits, 

La complexité administrative : lourdeurs administratives, un ensemble de pièces justificatives que parfois les bénéficiaires ne peuvent pas délivrer (pas d’adresse fixe ou de compte bancaire, illectronisme, etc…), 

La fermeture des guichets et l’éloignement de l’accompagnement humain, La peur de stigmatisation chez certaines populations, qui préfèrent renoncer aux minima sociaux pour ne pas être assimilés à la catégorie des « assistés ». 

Face à ces constats, il faut des mesures ambitieuses pour lutter contre les inégalités et redonner son sens à la solidarité :

Une demande unique pour toutes les aides sociales (exemple : quand on fait une demande pour le RSA, automatiser l'accès à la CSS et aux autres aides type APL etc…), Rouvrir des guichets et des professionnels de terrain pour accompagner et mieux orienter les bénéficiaires dans leurs demandes

Revaloriser socialement et financièrement les professions du care et du social, maillon essentiel de la solidarité. 

 

L’éducation, la santé, la protection sociale, les transports, les crèches… nos services publics sont des leviers décisifs pour réduire les inégalités. Il est donc nécessaire de les protéger en leur apportant les financements nécessaires pour qu’ils continuent à fournir des soins et des services de qualité accessibles à toutes et tous. 

Or, ce pays reste marqué par de fortes inégalités sociales et territoriales : c’est notamment le cas pour la protection de l’enfance

L’une des préoccupations majeures d’après-guerre est d’éviter, autant que possible, le placement des enfants, qui, s’il est parfois nécessaire, est souvent évitable et risqué. Le décret du 24 février 1956, qui promulgue le code de la famille et de l’aide sociale, institue un service centré sur l’enfant. 

La mise en place, en 1964, des directions départementales de l’action sanitaire et sociale doit permettre une meilleure coordination entre les services s’occupant des enfants (Protection maternelle et infantile, Aide sociale à l’enfance, santé scolaire…). Dans le cadre des lois de décentralisation, et plus particulièrement la loi du 22 juillet 1983, l’ASE, initialement gérée par l’État, est transférée aux départements, afin, notamment, de rapprocher le lieu de décision du citoyen. Le président du Conseil général reçoit les missions de définir la politique départementale, d’autoriser la création d’établissements sociaux et de déterminer leur tarification, mais aussi de prononcer l’admission à toute forme d’aide sociale à l’enfance. 

La loi du 6 janvier 1986 élargit la mission du département en matière d’aide sociale à l’enfance. Il ne s’agit pas seulement d’accorder des prestations, mais de mener une action de soutien au développement de chaque enfant en difficulté. 

L’aide sociale à l’enfance est donc devenue une mission de service public décentralisée au Conseils Départementaux. Les mesures de protection de l’enfance sont mises en place pour prévenir ou suppléer une défaillance familiale. Le nombre de mineurs qui en bénéficient ne cesse de progresser. Mais la politique de protection de l’enfance souffre d’un décalage avec les besoins des mineurs et d'un pilotage inadapté. 

Fin 2018, 328 000 enfants ont bénéficié d’une mesure de protection, soit une hausse de 12,1% entre 2009 et 2018. Pour l'année 2019, les mineurs non accompagnés (MNA) étaient près de 17 000 à être orientés vers des services spécialisés de prise en charge. 

Le « projet pour l’enfant », instauré en 2007 et renforcé par la loi du 14 mars 2016, vise à garantir la qualité de la prise en charge. Mais il est appliqué inégalement sur le territoire, ses délais d’élaboration ne sont pas respectés et les mesures prononcées sont toujours provisoires pour préserver la possibilité d’un retour dans la famille, même en cas de défaillance parentale durable. Cela crée une insécurité préjudiciable aux mineurs.

 

La politique de protection de l’enfance dispose d’un cadre juridique rénové et ambitieux mais dont la mise en œuvre reste très partielle. Sa gouvernance complexe et la multiplicité des acteurs fragilisent son action qui peut se résumer ainsi :

101 départements = 101 politiques différentes donc disparité au niveau des territoires, Des moyens, certes, mais mal répartis (manque de personnels qualifiés, de plus en plus de cadres au détriment de professionnels de terrain donc au détriment des enfants et familles), 

Pas de d’instance de régularisation des pratiques et de l’éthique, 

Pas d’instance de transparence et contrôle des lieux d’accueil, 

Pas de ministère de l’enfance, 

Pas de politique transversale pour l’accueil des MNA (mineurs non accompagnés)

 

Nos propositions : 

Repenser cette mission décentralisée avec une coordination nationale qui garantisse le même accès au droit selon les territoires en incitant l’État à réduire les fortes disparités territoriales, 

Mettre en place un Ministère de l’enfance ou à défaut consolider la gouvernance locale en améliorant la coordination entre le conseil départemental et le préfet (notamment en matière de santé et d’éducation), 

Renforcer le contrôle des établissements de protection de l’enfance pour assurer la qualité des prestations, 

Mettre en place un Conseil National d’Ethique des Travailleurs Sociaux, repenser les institutions (rénover, construire des bâtiments, repenser les locaux, les espaces de vie), de nouveaux types d’accueil (pour des familles, les « cas spécifiques », et le parcours du jeune pour éviter le plus possible les ruptures, 

Repenser la place des familles. Aujourd’hui, le milieu naturel est favorisé alors que l’enfant doit avant tout être dans un lieu qui répond à ses besoins.


Signataires :

Cecile Fadat , Adjointe au Maire de Condat sur Vienne, Fédération de Haute Vienne

Léo Henriot, Fédération de Paris, 18eme

Najat Haie, Fédération de l’Hérault

Maxime Cohen, Fédération de Paris, 18eme

Julie Changer, Fédération de Paris ,18eme

Thomas Hennequin, Maire de Montcomet, Fédération de l’Aisne

Caroline Dervil, Fédération des Hauts de Seine

Adolphe Dooh Mwelle, Fédération de Paris, 20eme

Julien Baraillé, Conseiller Régional, Fédération des Pyrénées Orientales

Martial Beyaert , Maire de Grande Synthe, Fédération du Nord

Jérémy Roux, Fédération de la Haute Vienne

Nicolas Devigne, Fédération de Loire Atlantique

Quentin Genard, Fédération de la Haute Vienne


 

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