Adoption au Sénat de la proposition de loi visant à renforcer la protection des mineurs et l’honorabilité dans le sport : un pas de plus pour renforcer la lutte contre les violences sexuelles dans le sport

- Mardi 20 juin 2023

Maxime Sauvage, secrétaire national aux Sports et aux Grands événements sportifs

Bonne nouvelle pour le nécessaire durcissement de la lutte contre les violences, notamment sexuelles, dans le sport : le Sénat a adopté à l’unanimité, le jeudi 15 juin, la proposition de loi visant à renforcer la protection des mineurs et l’honorabilité dans le sport. Ce texte avait été déposé en janvier dernier par le sénateur de l’Aude Sébastien Pla et ses collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Le monde du sport n’est pas épargné par les violences sexuelles

La proposition de loi part d’un constat désormais largement chiffré et documenté sur l’ampleur des violences sexuelles, notamment à l’encontre des enfants, dans notre société. L’exposé des motifs du texte rappelle ainsi que le juge Édouard Durand, qui co-préside la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), estime qu'il y aurait près de 160 000 enfants victimes de violences sexuelles par an.  

Le monde du sport n’est évidemment pas épargné par ce phénomène, la pratique d’une activité physique ou sportive pouvant d‘ailleurs parfois constituer un cadre malheureusement propice à la commission de ces violences. Selon l’étude « Child Abuse In Sport : European Statistics » de l’université britannique Edge Hill, un enfant sur sept serait victime de violence dans le cadre sportif.

Il s’est aussi le plus souvent illustré par une grande omerta sur ces questions. Néanmoins, et comme dans d’autres secteurs de la société, une prise de conscience collective s’est enclenchée ces dernières années, notamment sous l’impulsion de témoignages de sportives de plus en plus nombreux. On pense par exemple à celui de la patineuse artistique Sarah Abitbol, qui a raconté dans un livre sorti en 2020, Un si long silence, les violences sexuelles subies entre ses 15 et 17 ans commises par son entraîneur et qui a travaillé avec Sébastien Pla pour la rédaction de sa proposition de loi.

Un arsenal juridique qui s’est renforcé ces dernières années mais qui reste insuffisant

Cette prise de conscience s’est accompagnée d’un renforcement de notre arsenal juridique pour lutter contre ces violences.

Jusqu’en 2021, une personne ne pouvait pas enseigner, animer ou encadrer une activité sportive, que ce soit à titre rémunéré ou bénévole, ni exploiter directement ou indirectement un établissement dans lequel sont pratiquées des activités physiques ou sportives si elle avait été condamnée pour un crime ou pour un délit, comme les atteintes à la vie de la personne, les atteintes à l’intégrité physique et psychique ou encore les atteintes aux mineurs et à la famille. Toutefois, seuls les éducateurs professionnels faisaient l’objet d’un contrôle systématique et annuel, quand 90 % des éducateurs sportifs étaient bénévoles et ne faisaient donc l’objet d’aucun contrôle régulier.

En 2021, plusieurs changements législatifs et réglementaires ont durci le contrôle de l’honorabilité : d’une part, en instaurant un cadre permettant un contrôle automatisé de l’honorabilité des éducateurs sportifs bénévoles ; d’autre part, en élargissant les obligations d’honorabilité et de leur contrôle aux arbitres, juges et surveillants de baignades licenciés ainsi qu’à l’ensemble des personnes licenciées intervenant auprès des mineurs au sein des établissements d’activités physiques et sportives. En mai 2023, c’est ainsi 1 million d’éducateurs sportifs bénévoles qui ont été contrôlés, avec 130 incapacités notifiées à la suite de ces contrôles automatisés.

Rappelons également la création en 2020 par la ministre des Sports de l’époque, Roxana Maracineanu, d’une cellule de signalement de faits de violences ou de violences sexuelles (accessible via ce lien : [email protected]). Selon les chiffres communiqués dans le rapport du rapporteur de la proposition de loi, le sénateur socialiste de Lozère Jean-Jacques Lozach, la cellule a reçu en trois ans 907 signalements conduisant à 424 interdictions d’exercer.

Une proposition de loi amendée qui vient utilement renforcer le contrôle de l’honorabilité dans le sport

L’objectif de la proposition de loi de Sébastien Pla vise à encore améliorer le contrôle de l’honorabilité dans le sport. Initialement composé d’un article unique, le texte a été modifié en commission et en séance à l’initiative de son rapporteur.

Ainsi, son article 1er, modifié en commission, introduit dans le code du sport les mêmes modalités de contrôle de l’honorabilité que celles applicables dans le champ social et médico-social. Concrètement, cela signifie que :

  • L’honorabilité sera contrôlée via la consultation du bulletin n° 2 du casier judiciaire (comprenant la quasi-intégralité des condamnations judiciaires et sanctions administratives) et du fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (FIJAIS), ce dernier ayant le mérite d’être plus complet pour les délits et crimes sexuels ou violents.
  • Par exception au principe de réhabilitation pénale, toute condamnation définitive figurant dans le FIJAIS entraînera une incapacité d’exercice, quand bien même elle ne figurerait pas ou plus au bulletin n° 2 ;
  • L’incapacité d’exercer s’appliquera lorsque la personne aura été condamnée à l’étranger pour des faits qui, commis en France, auraient entraîné une incapacité d’exercer ;
  • Le contrôle de l’honorabilité sera annuel ;
  • Enfin, une personne concernée par une incapacité d’exercice pourra demander au juge d’en être relevée.

Son article 2, inséré en commission et complété en séance, a quatre objets :

  • Afin de renforcer la réactivité de l’autorité administrative pour protéger les sportives et sportifs, il impose aux dirigeants de club de signaler sans délai aux services de l’État les comportements des éducateurs qu’ils emploient ou de toute personne en contact avec des mineurs présentant un danger pour la sécurité et la santé physique ou morale des sportifs ;
  • Il instaure une mesure administrative d’interdiction, temporaire ou définitive, de diriger un club dans trois cas :
  1. quand le maintien en activité du dirigeant constitue un danger pour la santé et la sécurité physique ou moral des pratiquants ;
  2. quand le dirigeant emploie ou permet l’intervention d’un éducateur qui ne respecte pas les critères d’honorabilité ou qui est interdit d’exercer par le préfet parce qu’il présente un risque pour les pratiquants ;
  3. quand le dirigeant ne signale pas aux services de l’État le comportement d’un éducateur qui présente un danger pour la santé et la sécurité physique ou morale des pratiquants.
  • Il crée une sanction pénale en cas de non-respect de l’interdiction administrative de diriger un établissement dans lequel sont pratiquées des activités physiques ou sportives ;
  • Il oblige les fédérations agréées à informer sans délai le ministre des Sports lorsqu’elles ont connaissance du comportement d’une personne qui ne respecte pas les conditions d’honorabilité.

Et maintenant ?

La proposition de loi des sénateurs socialistes a certes été adoptée à l’unanimité au Sénat, mais cela ne marque pas le terme de son parcours législatif. Il est désormais indispensable d’obtenir son inscription prochaine à l’Assemblée nationale pour espérer une adoption la plus rapide possible.

Comme proposition complémentaire, nous pourrions également imaginer une évolution du rôle des « référents honorabilité » au sein des fédérations, aujourd’hui chargés de transmettre le fichier des personnes soumises au contrôle d’honorabilité au ministère des Sports. Ils pourraient devenir des « référents éthiques » au rôle élargi, en particulier aux questions de prévention des violences au sein des fédérations et d’évaluation des mesures mises en œuvre.

Ce texte s’inscrit plus globalement dans la continuité d’initiatives portées par des parlementaires socialistes visant à mieux protéger les enfants des violences sexuelles, comme par exemple les propositions formulées par Régis Juanico, alors député de la Loire, dans son rapport d’information de juillet 2020, corédigé avec Cédric Roussel, sur l’évaluation de la loi du 1er mars 2017 ou encore la proposition de loi portée en 2021 par la députée du Val-de-Marne Isabelle Santiago renforçant la protection des mineurs victimes de violences sexuelles.

 

 

 

 

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