– Mardi 15 novembre 2022
Yannick Trigance, secrétaire national à l'École, l'Éducation et l'Accès aux savoirs
Dans une interview au JDD du dimanche 6 novembre, Aurélien Pradié, député Les Républicains et candidat à la présidence de son parti, présente son projet pour l’école sur la base d’un diagnostic et de quelques propositions.
On pourrait presque être tenté d’y croire si derrière les mots, il n’y avait les maux et les faits, ceux d’une politique qui de 2007 et 2012, quand Les Républicains étaient au pouvoir, a profondément abîmé notre école publique.
Quand Aurélien Pradié déclare que « la droite doit-être la nouvelle héritière de Jules Ferry, celle qui rebâtira une école de la République », il dresse le bilan accablant des années Blanquer mais aussi celles de Luc Chatel à la tête de la rue de Grenelle. Personne à l’éducation nationale n’a oublié la suppression de 80 000 postes d’enseignants, la fragilisation de l’école maternelle ou encore la suppression de la formation des enseignants. Un quinquennat qui a relégué l’éducation des priorités de la Nation et dont la politique s’est trouvée sanctionnée par une dégringolade de la France dans les classements internationaux. L’excellence éducative a été bradée parce que la droite n’a pas voulu investir dans l’avenir de notre jeunesse et dans la réussite de tous les élèves.
Le député Les Républicains s’alarme du fait que « l’école ne répond plus à sa promesse républicaine : casser la reproduction sociale ». Il a raison. Mais encore un fois, son propos aurait plus de crédibilité si de 2007 à 2012, sa famille politique n’avait pas fait exactement l’inverse. On se rappelle de la réduction de la scolarisation des enfants de moins de trois ans, ce levier formidable dans la lutte contre les inégalités de destin ; de la fin de la carte scolaire qui a créé une école à deux vitesses ; de l’abandon de l’éducation prioritaire et de « l’exfiltration » des bons élèves de ces territoires dans des internats « d’excellence », renvoyant ainsi l’image d’une « assignation à résidence » pour les autres élèves restés dans les écoles du quartier.
En déclarant que « l’on abdique dans l’enseignement de notre histoire, de nos valeurs républicaines...», Aurélien Pradié pourra relire avec intérêt la déclaration de Nicolas Sarkozy dans son discours de Latran en décembre 2007: « L’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur ». Il néglige à son tour l’immense travail mené au quotidien par les enseignants dans nos écoles, collèges et lycées pour développer chez nos élèves cet esprit critique et éclairé indispensable dans le chemin vers la citoyenneté et dans un monde en proie aux fake news et a relativisme.
Côté propositions, le député Les Républicains reprend une vieille mesure, celle que « tous les enfants portent la même tenue dans l’école de la République ». Comme si les problèmes de l’école tenaient dans ses tenues. En ressortant cette vieille antienne de la droite, Aurélien Pradié oublie les études scientifiques qui nous indiquent que cette mesure ne renforce nullement le niveau d’appartenance et reste inefficace pour améliorer le comportement et l’engagement des élèves.
Enfin, la proposition du retour de l’examen d’entrée en classe de 6ème parachève cette vision nostalgique d’un « âge d’or » d’une école qui n’a jamais existé. Cette école fonctionnait alors sur le tri social des élèves, elle évinçait pour cela dès l’école primaire les enfants les plus en difficultés - très majoritairement issus des milieux les plus modestes - sans rien proposer à tous les élèves d’arriver au collège pour y acquérir ce qui deviendra le socle commun de connaissance, de compétences et de culture.
Notre école de la République mérite mieux que les habits neufs de ces vieilles recettes qui ont déjà échoué. Elles renvoient au principe du tri social qui est le principal mécanisme de la reproduction social et du caractère profondément inégalitaire de notre système scolaire. Nous pensons à l’inverse qu’il y a urgence à mettre en place une école de la République juste pour tous, exigeante pour chacun, une école publique qui ne laisse personne au bord du chemin et qui garantit la démocratisation de la réussite, partout sur le territoire de la République, quel que soit le milieu où l’on vit et l’endroit d’où l’on vient.
Aurélien Pradié, sans inventaire du quinquennat Sarkozy, votre projet éducatif renverra toujours à son bilan qui a laissé l’école exsangue, abandonné l’excellence de notre école publique et creusé les inégalités.