La « Codétermination dans l’entreprise à la Française » permettant, dans le monde de la production, d’équilibrer l’expression des nécessités sociales avec celles du profit :
Démocratisation d’un lieu essentiel de production de richesses,
la grande entreprise privée
une redistribution équilibrée des pouvoirs entre travail et capital au sein des Conseils d’administration fondée sur un ratio accru des administrateurs salariés
Un renforcement numérique significatif des administrateurs salariés est la voie de la prise en compte, dans les stratégies d’entreprises, des problématiques sociales et sociétales, une prise en compte appelée à devenir aussi vitale pour l’entreprise que la pérennisation de la rentabilité économique, même si, pour l’heure, sous l’influence des administrateurs actionnaires, l’objectif du profit est au cœur des décisions stratégiques adoptées dans la plupart des Conseils d’administration d’entreprises.
Les administrateurs salariés, acteurs désignés démocratiquement (élus par les salariés de l’entreprise) sont des porte-paroles particulièrement légitimes de la société dont ils émanent - travailleurs concernés par les problématiques de rémunération et de conditions de travail pouvant porter atteinte à leur santé de plus en plus affectée par les Risques Psychosociaux et citoyens impliqués dans les difficultés qui traversent aujourd’hui la société : difficultés souvent liées à l’action des entreprises, précarité, dégradation de l’environnement - : renforcés numériquement, ils pourront plus efficacement promouvoir, dans un esprit de réduction des inégalités, une dimension sociale et/ou sociétale des décisions stratégiques de l’entreprise,
* Note liminaire :
La défense des droits sociaux (conditions de travail et questions de santé, de sécurité, de Risques Psychosociaux, d’organisation du travail, de salaire, d’emploi ...,) des salariés de l’entreprise est menée par les syndicats qui interviennent dans le cadre du CSE (Comité Social et Économique) de l’entreprise . Ces instances ont pris la place des CHSCT mais avec des moyens , revu à la baisse , pour les syndicats .
, Lors des débats en Conseil d’administration, les problématiques concernant les conditions de travail et de préservation de l’emploi sont nécessairement abordées sachant que si les administrateurs salariés informent leurs collègues de l’évolution de la politique stratégique de l’entreprise., ils ne peuvent, tenus au devoir de confidentialité, divulguer les délibérations du CA.
I RÉÉQUILIBRAGE AU PROFIT DU TRAVAIL DES POUVOIRS DES
ADMINISTRATEURS AU SEIN DES CONSEILS D’ADMINISTRATION PAR
UN NOUVEAU RATIO D’ADMINISTRATEURS SALARIÉS
Pour accélérer la mise en place de cette Codétermination, le CESEC propose une composition paritaire des Conseils d’administration (50 % d’administrateurs salariés / 50 % d’administrateurs actionnaires), sans distinction de seuils d’effectifs des entreprises, la seule exigence étant naturellement l’existence d’un Conseil d’administration. Cette proposition radicale de modification des équilibres numériques entre Administrateurs salariés et Administrateurs actionnaires destinée à favoriser une transformation rapide des Conseils d’Administration, se situe au-delà des proportions déjà significatives proposées en 2017 par la proposition de loi « Entreprises nouvelles et nouvelles gouvernances » du 6 décembre 2017 du Groupe parlementaire socialiste « Nouvelle gauche » (deux administrateurs salariés pour les entreprises employant de 500 à 1000 salariés, 1/3 des administrateurs pour la fourchette 1001 à 5000 salariés, la moitié correspondant aux effectifs de plus de 5000 salariés) et dépasse largement l’augmentation du nombre d’administrateurs salariés inscrite dans la loi Pacte 209-456 du 22 mai 2019 (« Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises »)
Cette proposition paritaire figure également dans les 66 propositions de Nicolas Hulot-Laurent Berger
II L’INFLÉCHISSEMENT DES DÉCISIONS STRATÉGIQUES DES ENTREPRISES :
Le renforcement du pouvoir des Administrateurs salariés par un ratio paritaire leur donnerait un véritable contre-pouvoir dans les Conseils d’administration. Ce serait de nature à réorienter les politiques stratégiques des entreprises vers une prise en compte d’enjeux qui, aujourd’hui, ne sont pas des priorités dans les décisions des entreprises :
- les enjeux sociaux ou sociétaux présents dans les mouvements portant des
revendications de justice sociale
- les enjeux environnementaux liés au réchauffement climatique et à toutes les pollutions potentiellement liées à l’activité de l’entreprise .
A) LA PROMOTION D’OBJECTIFS DE JUSTICE SOCIALE AU SEIN DES CONSEILS
D’ADMINISTRATION ET AU CŒUR DES DÉCISIONS RELATIVES À LA STRATÉGIE
DE L’ENTREPRISE
Renforcés par l’augmentation massive de leur nombre, les Administrateurs salariés seront à même de mettre en place des rapports de force pour obtenir des Administrateurs actionnaires l’intégration, dans les décisions stratégiques de l’entreprise, de mesures offensives de justice sociale consacrées à la résolution de problématiques à la fois sociales et sociétales telles que :
- l’emploi des salariés qui aujourd’hui, en France sont sous la menace permanente des
licenciements, à travers notamment les plans sociaux et les pratiques de fusions-absorptions , avec toujours à la clé la réduction du personnel .
- les problématiques d’injustice de répartition des richesses résultant, pour une
bonne part, du comportement des grandes entreprises.
-la qualité des relations humaines au travail , notamment avec la gouvernance , condition première de la prévention des Risques Psycho-Sociaux au travail .
▲ LA CONTRIBUTION A LA PRÉSERVATION DE L’EMPLOI PAR
DES ORIENTATIONS STRATÉGIQUES :
Pour la préservation de l’emploi, outre la recherche d’alternatives aux plans sociaux, de, des initiatives offensives , ne ressortissant pas de la seule rentabilité financière, peuvent , sous l’impulsion des administrateurs salariés être l’objet de décisions stratégiques de caractère nouveau car orientées vers le long terme et de nature à faire progresser l’éthique et la culture d’entreprise.
▲ SOUS L’IMPULSION DES ADMINISTRATEURS SALARIÉS : UNE IMPLICATION DES ENTREPRISES DANS LA JUSTE RÉPARTITION DE RICHESSES
On peut espérer d’un rapport de force construit par les administrateurs salariés renforcés, quelques améliorations des comportements de l’entreprise en matière de gestion de ses bénéfices :
- le recul du comportement de filialisations d’entreprises françaises dans des
paradis fiscaux (à la condition que la Loi soit véritablement incitatrice )
- la fin de la sur-rémunération des actionnaires, une mise en question , au titre de l’équité
de répartition des salaires .
B) LA PROMOTION DE L’OBJECTIF SOCIÉTAL DE DÉFENSE DE
L’ENVIRONNEMENT
Si l’acteur entreprise contribue aux revenus d’ une large partie de la population active, le salariat, il a sa part de responsabilités non seulement dans les injustices sociales mais aussi dans des inégalités de santé résultant de son comportement vis à vis de l’environnement :
, les administrateurs salariés, porteurs des intérêts de leurs mandants, et citoyens impactés par les difficultés de la vie courante, , sont légitimes pour infléchir les stratégies des entreprises dans le sens d’une meilleure prise en compte des problématiques sociétales et notamment d’environnement.
Les administrateurs salariés investis dans la défense des enjeux environnementaux auront, même s’ils sont renforcés numériquement, des luttes difficiles à mener face aux actionnaires s’ils ne peuvent pas trouver appui sur des dispositions légales solides
▲LA LOI DOIT IMPOSER AUX ENTREPRISES UN COMPORTEMENT DE RESPECT
DE L’ENVIRONNEMENT :
Dans la Loi Pacte, la disposition de modification du Code civil (Chapitre III : « Des entreprises plus justes « , Section : « Repenser la place des entreprises dans la société ») fait entrer dans l’objet d’une société la prise en considération des « enjeux sociaux et environnementaux de son activité (les lois « Grenelle de l’environnement » instauraient elles les publications déclaratives par les entreprises sur leurs actions RSE)
Cette incitation à la prise en considération des enjeux sociétaux est rendue plus prégnante par la disposition introduisant dans le Code Civil l’option- subordonnée au vote des Conseils d’Administration- de l’inscription dans les statuts de l’entreprise d’une « Raison d’être », c’est à-dire d’un ensemble de principes pouvant orienter les décisions stratégiques du CA dans la perspective de long terme.
Pour vraiment renforcer l’influence des Administrateurs salariés en vue de réorientations des politiques des entreprises vers des domaines hors du champ économique il est proposé le durcissement de ces dispositions sous forme d’obligation d’adoption statutaire d’une « Raison d’être » c’est-à-dire d’ un objet social de l’entreprise étendu aux enjeux « RSE » -.
La loi Pacte introduit également un autre niveau d’incitation à la prise en compte dans l’action stratégique des enjeux sociaux et environnementaux, Il s’agit de l’adoption par l’entreprise d’un statut d’«’Entreprise à mission » subordonnée à un cadre de conditions énoncé dans l’article 176 de la loi (ou article L 210-10 nouveau du Code du Commerce) :
Un élément de ce dispositif, le « Comité à Mission », est de nature à fortement démocratiser l’entreprise si la composition de ce Comité ne se limite pas à la représentation par un seul salarié chargé du suivi de la mission ; une extension des membres du « Comité de Mission » aux Parties prenantes dites « Parties prenantes externes » (fournisseurs, clients collectivités locales individus ,groupes d’individus, ou associations… ) impliquées dans le suivi de la réalisation de ces objectifs sociaux et environnementaux sera de nature à renforcer les objectifs écologiques de la gouvernance des entreprises .
▲ LES POSSIBILITÉS DE PRISE EN COMPTE DES PROBLÉMATIQUES
ENVIRONNEMENTALES DANS LES ORIENTATIONS STRATÉGIQUES DES
ENTREPRISES
Les entreprises industrielles, du fait de la nature de leurs productions souvent polluantes,
sont souvent impliquées dans des nuisances écologiques impactant certaines populations voire l’ensemble de la société.
Parmi ces nuisances écologiques, les mieux identifiées, celles provoquant des atteintes à la santé, telles la fabrication d’intrants à l’origine d’une agriculture rendant l’alimentation toxique, les pollutions de l’eau par des déversements ainsi que celles de l’air du fait de procédés de production générateurs de gaz carbonique, devraient faire l’objet d’actions de réparation, voire de prévention, inscrites dans les décisions stratégiques des entreprises .
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Dans une situation de grande fragilisation du salariat des grandes entreprises françaises, il est temps de s’engager sur la voie de la Codétermination par une réforme de l’organisation de l’entreprise conduisant à faire entendre les problématiques du salariat et dont les bases doivent être :
- une redistribution des pouvoirs équilibrant représentation du Travail et du Capital
sur la base d’une proportion d’ Administrateurs salariés égale à celle des
Administrateurs actionnaires
- une évolution du contenu des décisions stratégiques des entreprises équilibrant
objectifs économiques et les objectifs sociaux sociétaux et environnementaux
- l’introduction dans la loi d’un dispositif instituant l’obligation
. de l’adoption d’une « Raison sociale » par les entreprises
. de l’ouverture aux « Partie prenantes externes » des « Comités à mission » des
entreprises à statut d’« Entreprise à mission »
Signataires :
Michel DEBOUT, Président du CESEC
Guy CHABERT, Gilbert METOUDI
Bernard MOUTAT, Thomas NAVARRO
Michèle PETAUTON, Marcel SANGUIN
Rémi THOMAS, membres de la Commission "Travail et affaires sociales" du CESEC