Combats socialistes : Réenchantons la laïcité !


Thème : Institutions et justice


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Débat

“La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances.”

Par sa première phrase, la Constitution énonce depuis 1946 le principe de laïcité, unique au monde dans son acception française, et suscite de la part de nos voisins étrangers incompréhension, dénigrement ou admiration.

Les vertus de la séparation de l’Eglise et de l’Etat et sa nécessité ne sont pour les socialistes pas à démontrer. La laïcité protège chaque citoyenne et chaque citoyen dans sa liberté de croire ou de ne pas croire, de se vêtir, de se déterminer, en autonomie, de vivre son orientation sexuelle ou son identité genre comme il le souhaite, de se détacher de l’obscurantisme et, enfin, de s’émanciper des carcans moraux, sociaux et religieux, qui sont le fruit tout à la fois de l’histoire, de la culture et de la transmission familiale.

L’évolution du fait religieux et de sa pratique depuis plusieurs années, tant dans son expression publique que numérique, bouscule, percute et parfois interroge ce principe instauré par une loi de l’année 1905, qui parachève l'œuvre de sécularisation entamée par la Révolution française. 

Dans cette évolution, la hausse de la pratique de l’islam en France questionne l’appréciation commune de la laïcité, en raison notamment de l’absence de culte organisé, d’une grande fragmentation des interprétations existantes et d’un contexte géopolitique mondial dont les enjeux dépassent les croyances individuelles de tout un chacun. À ce titre, le culte musulman canalyse aujourd’hui une majorité des critiques, jusqu’à pointer du doigt, essentialiser et stigmatiser nos citoyennes et citoyens de confession musulmane. 

Dans ce climat de suspicion marqué par l’avènement des fake news et des réseaux sociaux, le droit et les principes républicains sont des remparts à une montée de la haine d’une part, et à la montée du repli communautaire, d’autre part.

Proposition

Socialistes, nous réaffirmons que la laïcité garantit le droit de croire ou de ne pas croire, et de porter, ou non, tout signe religieux. Notamment le voile islamique.

Malgré les éternels débats sur le hijab ou - plus épisodiquement - le burkini, le droit de les porter est garanti par la Constitution française elle-même et validé par la jurisprudence administrative. 

Nous ne nous trompons pas toutefois sur le projet de société et la vision des femmes que cet objet véhicule. Il reste l’expression du patriarcat et de la répartition des rôles genrés entre les hommes et les femmes, à rebours des combats progressistes et émancipateurs que les socialistes ont défendu et que les femmes iraniennes mènent aujourd’hui en criant : “Femmes, vie, liberté”. 

Socialistes, nous devons être vigilants quant au détournement des principes républicains par l’extrême-droite. La bataille culturelle se niche souvent dans le vocabulaire, et voir l’extrême-droite s’approprier honteusement les mots “République” ou “laïcité” devrait nous interpeller collectivement. L’extrême-droite utilise aujourd’hui ces mots pour cacher une réalité pourtant incontestable : leur racisme. Les multiples tentatives d’interdiction pour les femmes voilées d’accompagner les enfants en sortie scolaire est un exemple. La volonté de dresser l’exemple du burkini en fait de société majeur alors qu’il n’est qu’extrêmement minoritaire en est un autre. De même lorsqu’un conseiller régional Rassemblement National, exhorte une mère voilée de quitter la séance publique du conseil régional, les exemples de racisme s’accumulent et ne sauraient être confondus avec la défense de principes républicains.

Principe qui se transmet, fruit du combat de générations de républicains, la laïcité doit être une réalité pour tous, dès le plus jeune âge afin de garantir la cohésion sociale, le respect d’autrui et le vivre-ensemble. C’est pourquoi nous réaffirmons le rôle primordial, essentiel, de l’école laïque, obligatoire et publique. Pour être le creuset républicain que nous lui attachons, l’école publique devrait être un passage obligatoire pour tout enfant destiné à exercer ses droits de citoyen éclairé au sein de la communauté nationale. L’école doit demeurer un lieu d’émancipation par ses enseignements de l’Histoire, des Sciences naturelles, de l’Education civique et obligatoire (qui doit être renforcée) ; des cours d’éducation à la sexualité (trop insuffisamment proposés et lacunaires). 

L’exigence d’universel et de République dès le plus jeune âge concerne également le secteur de la Petite enfance, qui dépend encore trop de la volonté propre des collectivités locales. Nous plaidons pour un véritable service public national de la Petite enfance, d’une vision collective, égalitaire et adaptée aux besoins des territoires, dans le respect du principe de laïcité, qui doit être garanti par les collectivités elles-mêmes et leurs partenaires en charge de l’éducation des tout-petits. Pour reprendre les mots de Jaurès : “Laïcité de l’enseignement, progrès social, ce sont deux formules indivisibles”. Nous devons être ambitieux. Nous sommes convaincus que le creuset républicain fixé à 3 ans aujourd’hui peut demain commencer dès les premiers mois de la vie si nous menons de front la bataille culturelle de la laïcité et du progrès social.

La laïcité défend, la laïcité protège, jusque dans la vie intime car elle affirme que les droits fondamentaux sont universels et attachés aux Humains, garantis par la République laïque. Ces droits ne sauraient être remis en cause, minimisés ou relativisés sous prétexte de contextes sociaux, religieux ou culturels particuliers. C’est pourquoi la liberté individuelle, notamment la liberté de croyance, ne peut justifier des pratiques telles que l’excision, la polygamie, le contrôle de l’hymen des jeunes filles, les thérapies de conversion des personnes LGBTQIA+ ou encore l’héritage différencié entre les hommes et les femmes. Ces pratiques s’appuyant souvent sur la religion, bien qu’en baisse, perdurent encore. Elles n’ont pas leur place en France. 

L’Etat doit ainsi mettre en place tous les moyens nécessaires, notamment par la formation des agents publics, le soutien aux associations de jeunesse, de médiation, de prévention en santé sexuelle ou communautaire pour qu’ils agissent et accompagnent auprès des publics les plus concernés. L’interdiction de ces pratiques doit être rappelée autant que nécessaire et dans les cadres appropriés (PMI, bureaux d’état-civil, centres de santé),  pour les enrayer définitivement et permettre à chacune et à chacun de vivre dignement et dans le respect de son intégrité physique et morale. 

A travers ces exemples concrets, nous affirmons que la laïcité n’est pas le problème, comme certains veulent le faire croire. Elle est pour nous la solution. 

Pourtant, chaque polémique est devenue l’occasion pour les droites de dénigrer le camp de la lutte sociale, pourtant celui qui s’est battu pour que la laïcité existe, qui la défend et la fait vivre sans la travestir. Notre projet est celui d’une société émancipée où chacune et chacun a sa place dans le respect des principes et des droits et des devoirs inaliénables, quels que soient les contextes particuliers où l’on est né et où l’on a grandi. Nous n’avons pas à rougir de nos valeurs ou de notre histoire.

Agir

Nous, socialistes, réaffirmons la vitalité du principe de laïcité, la nécessité de la faire vivre et de l’appliquer dans l’esprit de la loi pour faire perdurer l’universalisme, l’intégration et la promesse républicaine. 

Nous souhaitons à ce titre que le 9 novembre, Journée de la laïcité, devienne un temps fort pour le Parti socialiste,  un temps de fête et de réflexion pour tou.te.s les camarades et pour rappeler l’indéfectible attachement des socialistes aux combats républicains. 


Contributeurs :

Lyes Bouhdida-Lasserre, Emma Rafowicz

Signataires :

Sebastien Baranger (75 - Paris) ; Jonathan Baum (44 - Loire-Atlantique) ; Mathieu  Bogros (03 - Allier) ; Thomas Bonnefoy (69 - Rhône) ; Alexis  Bouchard  (35 - Ille-et-Vilaine) ; Soen Boulligny (14 - Calvados) ; Romain Boutholeau (44 - Loire-Atlantique) ; Dorine Bregman (75 - Paris) ; Hugo Canesson  (29 - Finistère) ; Rémi Carton (99 - Français de l'étranger) ; Arnaud  Chaboud (26 - Drôme) ; Baptiste Chapuis (45 - Loiret) ; Beatrice Coste (29 - Finistère) ; Louisa  Debris  (87 - Haute-Vienne) ; Guillaume Delaire (59 - Nord) ; Valérie  Delestre  (75 - Paris) ; Aurore  Djerbir Lignière  (41 - loir-et-Cher) ; Moschovia  Dr. Kaskoura-Schulz  (99 - Français de l'étranger) ; Yasmine El Jaï (75 - Paris) ; Ilyes  El Othmani  (75 - Paris) ; Clément Foutrel (76 - Seine-Maritime) ; Julien Gettliffe (82 - Tarn-et-Garonne) ; Gilles Gony (75 - Paris) ; Liliane Govart (59 - Nord) ; Franck Guillory (75 - Paris) ; Elias H'Limi (94 - Val-de-Marne) ; David Huberdeau (89 - Yonne) ; Arthur Job (59 - Nord) ; Louis L'Haridon (95 - Val-d'Oise) ; Chloé  Laurent  (33 - Gironde) ; Luc Lebon (75 - Paris) ; Ézékiel Lucas (59 - Nord) ; Antonin Mahé (22 - Côtes-d'Armor) ; Sarah  Metennani  (59 - Nord) ; Quentin Pak (69 - Rhône) ; Quentin   (69 - Rhône) ; Adrien Pourrat (63 - Puy-de-Dôme) ; Emma  Rafowicz  (75 - Paris) ; Paul Rafroidi (95 - Val-d'Oise) ; Loïck Rauscher-Lauranceau (75 - Paris) ; Sébastien  Ricordel  (76 - Seine-Maritime) ; Eliott Roig (42 -Loire) ; Annabelle  Swal (59 - Nord) ; Anzil Tajammal (59 - Nord) ; Abdelghani  Youmni (99 - Français de l'étranger) ; Pierre-Karl  Zahner  (59 - Nord)


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