Dé-présidentialiser et re-parlementariser le régime


Thème : Démocratie et institutions


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À chaque échéance électorale, les mêmes scènes se répètent. L’ensemble des commentateurs rivalisent de qualificatifs pour parler de l’abstention et tenter de la caractériser. Puis l’on passe, comme si de rien n’était, au commentaire des résultats, en oubliant toutes celles et ceux qui n’ont pas voulu ou pu participer au choix démocratique. Faire comme si on pouvait continuer de la sorte est une folle erreur, qui mine notre démocratie de l’intérieur. Le régime institutionnel français est chaque jour un peu plus instable et un peu plus éprouvé. La crise démocratique est béante. Elle exprime une vaste défiance, si ce n’est une colère, vis-à-vis d’un monde politique soupçonné de tourner à vide. Le risque est bien entendu qu’une configuration politique ne serve de tremplin à l’avènement d’une droite extrême consubstantiellement porteuse d’une pratique autoritaire du pouvoir.

La polarisation du choix sur la seule échéance présidentielle est devenue mortifère. Pour les partis politiques, d’abord. Ces derniers se sont transformés en écurie présidentielle au détriment de leur rôle d’intégration sociale et de canalisation des demandes citoyennes. La personnalisation accrue du pouvoir présidentiel réduit à néant le rôle des partis, surtout depuis que l’actuel président de la République a montré qu’il était possible de s’en dispenser. Les plateformes de propositions s’individualisent, au détriment d’une vision programmatique partisane unifiée. Les primaires ont accentué ces pratiques avant que la présidentielle de 2022 ne participe à leur relégation. L’élection présidentielle polarise artificiellement les enjeux de pouvoir et génère un niveau d’attente inatteignable, menant inéluctablement à des déceptions qui génèrent un nouveau cycle de méfiance. Elle éclipse toutes les autres échéances et, au premier chef, les législatives. Ces dernières ne sont même plus des élections de confirmation : en 2022, la défiance s’est immédiatement exprimée, conduisant Emmanuel Macron à ne disposer que d’une majorité relative à l’Assemblée nationale.

Dans ce contexte troublé, il est nécessaire de reprendre à bras-le-corps la question d’une amélioration de notre régime politique et prendre au sérieux celle de sa nécessaire démocratisation. La question n’est pas celle d’un numéro de constitution. Elle est celle d’une transformation de fond en comble de notre régime pour renforcer et rebâtir notre démocratie :

  • Par le rééquilibrage de nos institutions, la dé-présidentialisation de notre République, le renforcement du rôle du Premier ministre et la revalorisation du Parlement.
  • Par la défense et l’affirmation des contre-pouvoirs, des corps intermédiaires, dans la promotion des droits de l’opposition, de l’indépendance de la justice, du financement de la vie politique, et dans la sauvegarde de nos droits fondamentaux et de nos libertés ;

  • Par la promotion d’une « citoyenneté continue » qui pose chaque citoyen en acteur de la démocratie, la défense sans-concession de la parité́ et du pluralisme politique.

Il nous appartient de construire cette démocratie forte dans laquelle aucun citoyen ne se sente éloigné ou mis à l’écart du pouvoir. Cette contribution traite de la dé-présidentialsation et de la re-parlementarisation du régime. Elle est complémentaire de la contribution « Donner un souffle démocratique à nos institutions. »


1. État des lieux

La spécificité́ de la 5ème République c’est que le président de la République est l’organe principal de la Constitution. Suite au référendum de 1962, l’élection au suffrage universel du président de la République a fait glisser la France dans la catégorie des régimes semi-présidentiels, comme 60 autres pays dans le monde. Dans ces régimes, le gouvernement a besoin d’être soutenu et/ou accepté par le parlement et, également, par le président. Le système français se singularise par la place spécifique qui revient à ce dernier et la tendance à la personnalisation du pouvoir, singulièrement renforcée par la pratique de l’actuel président. Par ailleurs le passage au quinquennat en 2000 et l’organisation des élections législatives à l’issue de l’élection présidentielle, rendent désormais presque improbable la situation de cohabitation. Ces évolutions ont remis en cause la capacité du Parlement à contrôler l’exécutif.

Le Parlement français appartient à la catégorie des parlements faibles, que ce soit au regard de son influence sur la production législative ou de sa capacité à contrôler le Gouvernement. Le constat est implacable : l’abaissement du Parlement est inscrit dans le code génétique de la Constitution de la 5ème République. La réforme de 2008 n’a pas fondamentalement transformé le cours des choses et elle n’a pas réussi à renforcer la place du Parlement dans la structure institutionnelle française. En outre la place de la justice au sein de l’édifice institutionnel laisse toujours à désirer.


2. Propositions

a) Rénover notre calendrier électoral. Les élections législatives ne doivent plus dépendre de l’élection présidentielle. Soit les deux scrutins seront concomitants, soit, ils seront désynchronisés.

b) Rééquilibrer les pouvoirs au profit du Premier ministre, issu forcément des rangs des député·e·s de la majorité, en inscrivant explicitement dans la Constitution qu’il ou elle détermine la politique de la Nation, en lui laissant le soin de nommer seul son Gouvernement, en limitant les pouvoirs du président de la République (par exemple, en matière de nomination) et en lui confiant le droit de dissolution.

c) Obliger le Gouvernement à passer par un engagement de sa responsabilité et une déclaration de politique générale devant le Parlement, en l’espèce l’Assemblée nationale. Cette mesure permettra de consacrer la double légitimité du Premier ministre (vis-à-vis du président et de la majorité issue des élections législatives)

d) Limiter drastiquement les procédures de parlementarisme rationalisé au travers de réformes emblématiques :

Supprimer l'usage du 49.3, sauf pour les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale qui ne pourront faire l’objet que d’un unique 49.3 par session ;

Limiter de façon draconienne les ordonnances. L’article 38 de la Constitution permet au Gouvernement de prendre des mesures qui relèvent de la compétence du Parlement. Il faut les limiter ;

Supprimer le vote bloqué. L’article 44 al. 3 contraint les parlementaires à voter le texte du Gouvernement, niant ainsi le droit d’amendement des élus nationaux.

e) Redonner au Parlement sa pleine compétence :

• En matière budgétaire, en supprimant l’article 40 de la Constitution. Les parlementaires doivent pouvoir débattre des choix budgétaires du pays à armes égales avec le Gouvernement ;

• Donner la réalité du pouvoir budgétaire et financier au Parlement et initier une nouvelle loi organique aux lois de finances pour limiter le pouvoir de Bercy face au Parlement ;

• En instaurant un quota minimum de textes législatifs d’origine parlementaire ;

• En lui donnant de nouveaux pouvoirs de contrôles et d’évaluation afin d’améliorer la qualité de la loi et de bâtir, enfin, une vraie culture de l’évaluation ;

• En renforçant les pouvoirs de contrôle du Parlement sur les opérations extérieures.

f) Reconnaître la place des oppositions dans le débat démocratique :

 Accroître le recours aux commissions d’enquête et aux missions d’information pour l’opposition ;

 Créer un shadow rapporteur qui bénéficie des mêmes moyens que le rapporteur de la majorité ;

Augmenter les créneaux parlementaires réservés aux initiatives de l’opposition.

g) Imposer au Gouvernement des exigences nouvelles :

• Soumettre la composition du Gouvernement à l’exigence de parité ;

• Rendre la fonction de membre du Gouvernement incompatible avec tout mandat exécutif local ;

Assurer des nominations plus démocratiques notamment par la nécessité d’une approbation à la majorité des 3/5 des membres des commissions parlementaires ;

Garantir l’éthique à tous les niveaux de la vie politique en étendant au Président, au Premier ministre et aux membres du Gouvernement les dispositions de transparence, y compris financières, applicables aux parlementaires ;

h) Renforcer les règles de transparence et de déontologie :

Mieux encadrer et rendre transparent le recours aux cabinets de conseils privés et renforcer leurs obligations déontologiques ;

• Renforcer drastiquement le contrôle par la HATVP du pantouflage et du rétro-pantouflage ;

Durcir les règles contre les conflits d’intérêts ;

• Conditionner l’éligibilité à un casier judiciaire vierge (absence de mention au bulletin n°2) ;

• Réformer le financement de la vie politique.

i) Moderniser la justice et parachever son indépendance :

• Moderniser le Conseil constitutionnel en supprimant les sièges des anciens présidents de la République, en augmentant le nombre de membres de neuf à douze et ainsi instaurer la parité au sein de l’institution, en instaurant l’approbation des nominations à la majorité des 3/5 des commissions compétentes du Parlement ; en instituant l’élection de son président en son sein et non plus par la nomination du président de la République ;

Séparer les fonctions juridictionnelles et de conseil du Conseil d’État en deux entités distinctes, en clarifiant les compétences de chacune ;

Supprimer la Cour de justice de la République, les ministres étant désormais jugés par des tribunaux de droit commun ;

Parachever la réforme du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) et garantir son indépendance en composant à parité des magistrats et non-magistrats de chaque formation, élisant son président en son sein, respectant son avis conforme pour la nomination des magistrats, lui accordant la possibilité d’auto-saisine et en supprimant le principe selon lequel « le président de la République est garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire » (article 64.1).


Premier signataire :

Éric Kerrouche, Secrétaire national nouvelle République et réforme de l’État, sénateur des Landes (40)

Signataires :

Céline Henquinet, Secrétaire nationale adjointe aux Institutions (75), Gulsen Yildirim, Secrétaire nationale à la Justice (87), Monique Lubin, Sénatrice des Landes (40), Philippe Quéré, Secrétaire de section de Taverny - Bessancourt (95), Éric Sargiacomo, 1er Secrétaire fédéral des Landes, conseiller régional Nouvelle-Aquitaine (40), Xavier Fortinon, Président du conseil départemental des Landes (40), Renaud Lagrave, vice-président du conseil régional Nouvelle-Aquitaine (40), Fatima Yadani, Trésorière nationale (75), Estelle Picard, Conseil national (79), Karim Ziady, Membre titulaire du CN (75), Flavien Cartier, Conseiller National, Secrétaire fédéral à la coordination (86), Jonathan Kienzlen, Secrétaire National, 1er Secrétaire fédéral du Val-de-Marne, président du groupe Stéphane Massias, Conseil national, Secrétaire de la Section Jean Jaurès (87), Yannick Trigance, Secrétaire national Éducation (93), Eva Gaillat, Bureau fédéral (75), Olivier Nicolas, Secrétaire national aux Outre-mer (971), Luc Charpentier, Secrétaire fédéral et de section (12), Chloé Laurent (75), Christophe Lavialle, 1er Secrétaire fédéral (45), Antonin Mahé, Animateur Fédéral des JS des Côtes d'Armor, Conseiller municipal de Paimpol (22), Jean-Christophe Bejannin, Trésorier de section, BFA (75), Martine Denis, Conseil national (14), Alain Delmestre, Secrétaire nationale adjoint Transition énergétique (75), Olivier Guckert, 1er secrétaire fédéral de la Meuse (55), Gaston Laval, Secrétaire fédéral (75), Isabelle Dahan, SNA au développement, 1ère SFA à la coordination (92)


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