Être au rendez-vous de notre défense


Thème : Défense


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La guerre russo-ukrainienne marque le retour de la guerre sur le sol européen, pour la première fois depuis trente ans et l’effondrement de l’ex-Yougoslavie. Fait notable : c’est une guerre de « haute intensité », c’est-à-dire entre deux États à parité technologique, et un d’eux est doté de l’arme nucléaire. Ce conflit a brusquement remis sur le devant la scène la chose militaire et, plus largement, les enjeux de la défense nationale.

Inspirée par son histoire, notre famille politique doit rappeler ses principes. Notre objectif est avant tout la paix, que nous lisons à travers le prisme de la sécurité humaine, en prenant donc en compte des facteurs qui ne sont pas uniquement militaires. Nous considérons que le peuple doit être associé à sa défense, que ce soit dans la décision via la représentation nationale, mais aussi au travers de la réserve. Enfin, les socialistes sont internationalistes : nous assumons que la force peut être utilisée pour aider nos alliés et en inscrivant notre action dans les cadres otanien et européen.

 

1- Un contexte international violent qui nécessite une défense à la hauteur

Le retour violent de la guerre sur le continent européen

La guerre russo-ukrainienne est un choc dans les relations internationales. L’État russe remet en cause les frontières et les traités internationaux en essayant d’imposer la loi du plus fort. De plus, ce conflit entraîne partout dans le monde des répercussions, notamment économiques, avec la hausse des prix de l’énergie et le retour de l’inflation. Cependant, d’autres zones de conflictualité et de tensions existent. Taïwan continue d’être menacé par la République populaire de Chine et de nombreux États africains font encore face à des situations instables.

Au-delà des zones géographiques, la nature des conflits évolue. Sun Tzu et son principe de vaincre l’ennemi sans combat est plus que jamais d’actualité, avec l’hybridation des conflits. La désinformation, l’intimidation, l’énergie comme arme de guerre, mais aussi l’action sur les câbles sous-marins démontrent que nous devons nous préparer à des conflits différents.

Dans ce contexte, les socialistes se tiennent résolument aux côtés des démocrates. Avec ses alliés, la France doit être capable de participer à l’équipement et à l’entraînement des forces ukrainiennes. Plus largement, nous reconnaissons la nécessité d’un outil de défense à la hauteur des enjeux, ce qui passe par des forces armées équipées et entraînées et une nation résiliente.

La sécurité humaine comme grille de lecture et la paix comme objectif

Les socialistes ont comme objectif la paix, dans la justice. La grille de lecture que nous adaptons est celle de la sécurité humaine, qui est plus que jamais pertinente avec les conflits hybrides. La sécurité humaine cherche à mettre l’accent sur les individus plus que les États, en prenant notamment en compte sept dimensions : sécurité économique, sécurité alimentaire, sécurité sanitaire, sécurité de l’environnement, sécurité personnelle, sécurité de la communauté, sécurité politique. L’influence sur l’ensemble des peuples et la destruction de la résilience des nations étant des objectifs stratégiques des puissances révisionnistes, cette notion est plus que jamais pertinente.

De même, les défis humanitaires ont des dimensions de guerre économique, de chantage sur les matières premières, d’approvisionnement en énergie et de sécurité alimentaire. Ils peuvent faire l’objet d’actes de coercition économique, avec des conséquences, sur tous les continents.

Dans les conflits actuels, l’humain est au cœur des rapports de force et l’humanité peut être prise en otage. Elle peut devenir une arme par la création de déséquilibres géo-économiques ainsi que par des effets migratoires (demandeurs d’asile et réfugiés politiques). Ces effets peuvent être aggravés par les conséquences du changement climatique et de biodiversité. La manipulation des individus passe par des atteintes sur les droits humains, pouvant aller du déplacement de population jusqu’à des crimes de guerre.

Les armées, les forces de sécurité et l’industrie de défense doivent être suffisamment préparées et financées

La situation actuelle démontre que des États et des forces hostiles peuvent utiliser la violence pour imposer leur volonté. Cet état de fait appelle à une conscience des menaces et à la possession d’un outil de sécurité efficace pour les affronter.

Les armées et les forces de sécurité doivent être équipées de tous les moyens pour répondre aux menaces identifiées, selon le principe de « juste suffisance ». Par ailleurs, le principe de la singularité militaire et la mission des armées doivent être scrupuleusement respectés. Le code de la défense l’énonce clairement : « L’armée de la République est au service de la Nation. Sa mission est de préparer et d’assurer par la force des armes la défense de la patrie et des intérêts supérieurs de la Nation. »

La possession d’une base industrielle et technologique de défense (BITD) est une autre condition de notre capacité souveraine à assurer notre sécurité. Elle répond à un besoin clair : celui de pouvoir s’équiper sans dépendre de pays qui pourraient ne pas être nos alliés. Des voisins européens continuent de s’équiper largement avec des matériels américains, alors même que la présidence de Donald Trump a rappelé le caractère potentiellement volatile des États-Unis. De plus, d’un point de vue économique, l’investissement de défense permet de favoriser la réindustrialisation de nos territoires, de rééquilibrer nos comptes publics et de stimuler l’innovation technologique. Si l’on fait l’effort de ne pas se contenter de raisonner à court terme, le tout est neutre pour les finances publiques à moyen terme, voire rentable à long terme du fait du retour fiscal et social de la part d’un tissu industriel national à 90%.

Enfin, les socialistes sont en faveur de la dissuasion nucléaire pour la France, là aussi selon le principe de « juste suffisance ». Le sens de l’arme nucléaire est d’avoir un seuil d’emploi potentiel suffisamment élevé pour conserver la crédibilité de la dissuasion (mise en péril des intérêts vitaux ou essentiels), d’où la nécessité de posséder des moyens conventionnels de protection d’un niveau significatif et des systèmes de connaissance, de renseignement et d’alerte levant les doutes sur l’origine et la nature des menaces sur la Nation (empêcher tout contournement). La dissuasion nucléaire doit s’accompagner d’une action pour le désarmement nucléaire global, au travers du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP).

 

2- Impliquer la nation dans sa défense

La situation actuelle n’est pas satisfaisante, entre mise à l’écart du Parlement et entretien de la dépolitisation des questions de défense

En 2021, le chercheur Thibaud Mulier faisait le constat d’une « misère parlementaire » concernant le contrôle démocratique dans le domaine de la défense. En effet, les institutions de la Vème République sont structurellement déséquilibrées. Pour la défense, le chef des armées, le président de la République, n’est ainsi pas responsable devant le Parlement.

Néanmoins, il serait faux de réduire la situation aux institutions. La pratique et le refus de l’exécutif d’impliquer les parlementaires est un autre facteur explicatif. Récemment, en 2021, la ministre des Armées avait informé en audition parlementaire qu’elle renonçait à l’actualisation législative de la loi de programmation militaire, comme initialement convenu. Des ajustements à la marge ont été faits, sans que le Parlement soit consulté sur les choix. Ce type de décision revient à résumer les choix faits dans la défense à des éléments techniques, alors qu’ils sont profondément politiques. Cette dépolitisation des choix profite à l’exécutif, qui peut travailler en catimini, sans avoir à rendre de compte.

Assurer l’implication de la représentation nationale dans les choix de défense

Pour les socialistes, le contrôle démocratique des questions de défense par le Parlement est une nécessité. Il assure aux choix une transparence indispensable, une pédagogie nécessaire mais aussi une efficacité supplémentaire grâce aux débats. Dans le cadre des institutions actuelles, les socialistes poussent pour que le Parlement ait plus de prérogatives et plus de moyens. Concrètement, nous proposons un débat annuel en séance plénière sur les engagements de nos armées, qu’ils soient intérieurs ou extérieurs. Sur le contrôle des exportations, nos élus doivent pouvoir effectuer un contrôle a posteriori et bénéficier de moyens humains plus importants pour effectuer une action complète et efficace.

Par ailleurs, notre famille politique doit continuer à être audacieuse et à trouver les voies les plus démocratiques et les plus efficaces pour poursuivre le contrôle parlementaire. Alors que les programmes européens bilatéraux et multilatéraux se multiplient, nous pensons que des délégations binationales ad hoc pourraient être créées pour suivre ces projets et casser les logiques nationales.

Développer la résilience sans passer par le SNU et en massifiant la réserve

L’hybridation des conflits que subit d’ores-et-déjà la France doit appeler à un développer « l’esprit de défense » de nos concitoyens. Les travaux scientifiques à ce sujet sont clairs : la conscience des enjeux et des menaces est la condition de la résilience de notre société.

De là, il ne sert à rien de développer des projets aux vernis militaristes, comme le service national universel (SNU). L’argent dépensé serait plus utile à l’Éducation nationale, d’autant que le projet de SNU brouille l’image de la finalité militaire.

Si des États en Europe ont un service militaire, les socialistes ne sont pas pour son retour en France. Un service militaire se justifie pour des raisons militaires, qui n’existent pas pour notre pays. La dissuasion nucléaire permettrait de répondre à une agression majeure de notre territoire national. Cependant, des éléments comme la réserve nationale doivent être massifiés pour permettre aux armées de répondre plus facilement à leur mission, tout en affermissant le lien armée-société.

3- Une politique de défense internationaliste

La France est présente dans toutes les régions du monde et assume de prendre sa part à la sécurité internationale.

La géographie fait de notre pays un État présent sur tous les océans, par nos départements et territoires d’outre-mer. Cette situation appelle un outil militaire suffisant pour protéger nos espaces et eaux territoriales.

Par ailleurs, notre situation géographique, tout comme notre industrie et notre force militaire font de la France un pays attendu. Nous assumons de soutenir l’Ukraine, l’agression russe étant illégale et illégitime. Soutenir les forces armées ukrainiennes est parfaitement conforme à la Charte des Nations Unies, dont l’article 51 prévoit l’exercice collectif de la légitime défense à la demande d’un gouvernement légal.

Plus globalement, si les socialistes veulent la paix, ils assument que certaines situations appellent à l’utilisation de la force militaire. Néanmoins, la solution à un conflit n’est jamais militaire, mais toujours politique.

L'OTAN est une organisation qui a ses limites mais qui reste incontournable pour la sécurité européenne

L’attaque russe en février a revivifié l’OTAN et son rôle pour la sécurité de notre continent. L’organisation a des limites que les déboires avec la Turquie avaient récemment rappelé. Néanmoins, l’OTAN reste un outil militaire efficace qui assure une interopérabilité importante entre les forces de ses États-membres. Le déploiement rapide de nos soldats en Roumanie aux côtés de Néerlandais et Belges l’a démontré.

Par ailleurs, l’OTAN est une organisation plutôt dominée par les États-Unis. Le rapport entre les budgets européens de défense et celui des États-Unis étant de un à trois, ce n’est qu’une conséquence logique des rapports de force. Pour autant, il faut être conscient de cette situation et malgré tout investir pleinement l’alliance, sans naïveté. Un départ français serait profondément mal compris par nos alliés, notamment en Europe orientale. Il y a plus à gagner à l’intérieur qu’à l’extérieur.

Les socialistes s'engagent résolument pour une « politique des petits pas » dans la défense européenne

En 1950, Robert Schuman déclarait : « L'Europe ne se fera pas d'un coup, ni dans une construction d'ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes créant d'abord une solidarité de fait. » Cette philosophie s’applique parfaitement au domaine de la défense européenne, sur le plan militaire comme industriel. Les socialistes sont profondément en faveur d’une solidarité de fait entre Européens. Néanmoins, dans un domaine aussi critique, l’action doit être réfléchie et efficace, sans changement de braquet radical. Les vingt dernières années ont montré que « l’Europe de la défense » ne se fera pas soudainement et à 27, mais par des petits pas en bilatéral et multilatéral.

Ainsi, un programme comme CaMO (Capacité Motorisée) entre la France et la Belgique est un exemple enthousiasmant de ce que peuvent réaliser deux armées en termes d’interopérabilité. Les deux composantes terrestres ont adopté la même doctrine, le même entraînement et les mêmes matériels, poussant ainsi très loin l’intégration. Ce type de coopération concrète doit être poussé.

A l’inverse, le moteur franco-allemand a régulièrement défrayé la chronique ces dernières années. Des projets majeurs comme l’avion du futur (SCAF) et le char du futur (MGCS) ont ainsi fait du surplace entre 2017 et 2022. La réussite des projets communs ne peut se faire sans un dialogue serein, régulier et honnête entre les acteurs politiques et industriels des deux pays.

La gravité de la situation actuelle appelle la gauche et les socialistes à investir plus que jamais la défense nationale. Il ne s’agit pas de questions « techniques », mais d’un enjeu politique majeur. Notre objectif de transformation sociale et d’émancipation ne peut se faire que dans la paix. Comme le disait Jean Jaurès, en 1910 : « l’organisation de la paix internationale et de la défense nationale sont solidaires. »


Signataires :

Hélène Conway-Mouret, Sénatrice des Français de l'Étranger, secrétaire nationale à la Défense de la Nation

Isabelle SANTIAGO, Députée du Val-de-Marne, Vice-présidente de la commission de la défense à l'Assemblée nationale

Dylan BOUTIFLAT, fédération du Loiret, membre du Bureau national et du Secrétariat national

Frédéric ORAIN, 41, suppléant au Conseil national, conseiller municipal délégué de Blois

Estelle PICARD, fédération des Deux-Sèvres, membre titulaire du Conseil national

Lou BACHELIER-DEGRAS, 75

Yannick TRIGANCE, 93, secrétaire national, conseiller régional Île-de-France

Laurence VALLOIS ROUET, 86, première secrétaire fédérale, bureau national, conseillère régionale

Antonin MAHÉ, 22, animateur fédéral des jeunes socialistes des Côtes d'Armor, conseiller municipal de Paimpol

Anne-Juliette TILLAY, 93, secrétaire fédérale, membre titulaire du Conseil national

Chloé LAURENT, 75

Antoine RAVARD, 22, secrétariat national, bureau national

Myriam EL YASSA, fédération du Doubs, première secrétaire fédérale, secrétaire nationale à la lutte contre les discriminations


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