Fret SNCF : allier urgence écologique, service public et convergences européennes

- Vendredi 23 juin 2023

Olivier Jacquin, secrétaire national aux mobilités et aux transports

La Commission Européenne a ouvert une enquête pour distorsion de concurrence à l’encontre de la France pour des aides d’État à Fret SNCF à hauteur de 5 milliards d’euros depuis 2006. En appliquant strictement le droit européen dicté par le dogme de la concurrence à tout prix, et qui est un échec total en matière de fret ferroviaire, la Commission met en danger la pérennité même de cette filiale de notre groupe ferroviaire national et les milliers d’emplois de l’entreprise. Cette décision illustre l’incompatibilité des règles de concurrence actuelles avec la nécessaire transition écologique alors que le secteur des transports, et foncièrement celui de marchandises, est le premier en termes d’émissions de gaz à effet de serre en France, et continue d’augmenter. Démanteler totalement ou partiellement Fret SNCF ne contribuera qu’à augmenter le défiance envers le fret ferroviaire dans un pays qui transporte déjà 85% de ses marchandises par la route !

Revoir les règles de concurrence européenne pour les adapter à la nouvelle donne climatique.

L’Europe, face aux grandes crises financières ou géopolitiques, sait s’extraire de règles qui paraissaient jusqu’à présent intangibles. Il est temps de prendre collectivement la mesure de la crise environnementale et du rôle essentiel de la puissance publique, locale, nationale et européenne, pour y répondre. Et cela passera inévitablement par un report modal massif de la route vers le ferroviaire du transport de marchandises.

Le gouvernement se couche avant même de se battre.

Mais la responsabilité première quant à la situation actuelle de Fret SNCF est bien celle du gouvernement français. En proposant le démantèlement de la filiale, il anticipe une décision avant même de faire valoir ses arguments pour défendre l’entreprise nationale et envisager tout autre scénario que celui du démantèlement. C’est une faute politique, économique et écologique que le Parti socialiste dénonce. Mais comment s’en étonner alors même que depuis six ans les gouvernements Macron n’ont eu de cesse de fragiliser le rail sous couvert de beaux discours : ouverture à la concurrence non concertée et à marche forcée de la SNCF en 2018, aucune mesure en faveur du fret dans la LOM de 2019, engagements financiers non respectés suite à la convention citoyenne pour le climat…

Pire, quand 3Mds€ de crédits supplémentaires sont votés par les députés, le 49-3 les supprime et quand la Première Ministre annonce un plan à 100 Mds€ pour le ferroviaire, rien n’est dit sur le modèle économique ferroviaire français qu’il faut pourtant profondément modifier. Cela fait des années que les socialistes proposent d’investir dans l’infrastructure, de promouvoir le « wagon isolé », d’augmenter l’ « aide à la pince », de rénover les gares de triage, d’adapter nos grands ports maritimes pour développer l’intermodalité… en vain. Nos propositions, y compris pendant le plan de relance et le « quoi qu’il en coûte » sont restées lettre morte. Le réveil est bien tardif.

Malgré ce sentiment de gâchis, il n’est plus temps de tergiverser ! C’est pourquoi il faut dès à présent :

  • Refuser résolument et par tous les moyens la liquidation de Fret SNCF. Notre entreprise publique doit être au cœur de la stratégie de reconquête du fret ferroviaire dans notre pays afin de reconstituer un pôle public de fret ferroviaire puissant où l’Etat serait investisseur et garant.
  • Réformer d’urgence, avec nos partenaires européens, les règles de concurrence permettant d’investir directement dans la décarbonation des secteurs les plus émetteurs notamment en neutralisant au regard des critères de Maastricht de toute dette publique correspondant à des investissements stratégiques sur le réseau ferroviaire.
  • Porter une politique ferroviaire ambitieuse et précise pour atteindre nos objectifs de doublement de la part modale du fret ferroviaire et donc respecter la trajectoire carbone sur laquelle s’est engagée la France.
  • Définir un nouveau modèle économique du ferroviaire, qui sera notamment financé par la nouvelle directive eurovignette, en modulant la taxation des motorisations les plus polluantes, et une nouvelle gestion des autoroutes post-concessions par la création d’un établissement public.
  • Investir enfin et très fortement dans les autoroutes ferroviaires transcontinentales qui doivent être l’épine dorsale du réseau transeuropéen de transport (RTE-T) grâce à un engagement décennal de l’Etat d’au moins 15 Mds €.
  • Soutenir la filière industrielle ferroviaire trop souvent oubliée ; et notamment les TPE-PME qui émaillent nos territoires, et qui sont autant d’emplois qualifiés partout dans le pays.
  • Garantir le cadre social des salariés du fret ferroviaire par un dialogue social tripartite qui scelle un pacte avec les salariés, acteurs engagés de cette transition écologique, et restaure l’attractivité de ces métiers essentiels.
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