Grâce à l’actionnariat populaire, Sochaux vivra !

- Lundi 7 août 2023

Maxime SAUVAGE, Secrétaire national chargé des sports et grands événements sportifs

Martin PAUGAM, Secrétaire national adjoint chargé de la riposte et des argumentaires

Il y a 90 ans, le 14 mai 1933, la France couronnait son premier champion de France de football professionnel, l’Olympique lillois, vainqueur du championnat 1932-1933 auquel participaient 20 clubs pionniers… dont le FC Sochaux-Montbéliard, qui deviendra ensuite deux fois champion de France quelques années plus tard, en 1935 et 1938.

Relégué administrativement en National 1 (troisième échelon du football français) pour des raisons financières suite à une décision de la Direction nationale du contrôle de gestion (DNCG) et face aux échecs de tous les recours formés, ce monument du football français est aujourd’hui en péril et pourrait déposer le bilan.

Nous apportons tout notre soutien aux supporters meurtris, aux salariés inquiets, aux jeunes du centre de formation qui voient leurs rêves s’évanouir ainsi qu’aux élus locaux qui ont mobilisé les forces vives du territoire pour sauver le club.

Cet élan populaire nous a rappelé que le FC Sochaux-Montbéliard n’était pas un club comme les autres.

 

Le FC Sochaux est plus qu’un club de football, c’est un fragment de l’histoire de la France industrielle et ouvrière

Albert Rust, Bernard Genghini, Stéphane Paille, Pierre-Alain Frau, Marvin Martin… Le FC Sochaux-Montbéliard, ce n’est pas seulement l’histoire du football français et de ses grands clubs formateurs, c’est aussi l’histoire du capitalisme français et de son rôle structurant dans les territoires industriels.

« Créé par les pauvres, volé par les riches » : cette banderole déployée par les supporters du Club africain (Tunis) en 2017 est devenue un slogan des tribunes populaires, c’est néanmoins une légère réécriture de l’histoire. Le football a en réalité été dans un premier temps créé par les riches et volé par les pauvres… avec l’aide des industriels !

Retour en arrière. Il y a 140 ans, le 31 mars 1883, Blackburn Olympic remporte la finale de la Coupe d’Angleterre contre le Old Etonians Football Club. C’est la première grande victoire d’une équipe d’ouvriers sur une équipe de l’élite anglaise. Elle a été permise par le soutien du patronat local aux joueurs de Blackburn et a constitué la première entorse à l’amateurisme prôné par les étudiants des grandes écoles inventeurs du football au milieu du XIXème siècle.

Ce match, très politique, a été un tournant historique qui a conduit à l’avènement du professionnalisme en 1885. Au Royaume-Uni, en Allemagne ou en France, le football a accompagné la révolution industrielle et est devenu très rapidement, grâce à l'universalité de ses règles, le sport des classes laborieuses aux quatre coins du monde.

C’est ce mariage entre le paternalisme industriel et le sport populaire qu’incarne de manière assez unique en France le FC Sochaux-Montbéliard. En créant un club de football en 1928, Jean-Pierre Peugeot n’avait pas seulement proposé une activité sportive et de loisir à ses ouvriers, il a fait émerger une institution du football français, pionnière du professionnalisme, qui a contribué au rayonnement de son entreprise et de son territoire dans l’imaginaire ouvrier français.

Cette histoire nous rappelle d’ailleurs à quel point l’industrie automobile française a été motrice dans le développement du sport tricolore d’avant-guerre.

S’il ne s’agit pas de nourrir la moindre nostalgie à l’égard du paternalisme industriel, forme du capitalisme visant à un contrôle social total « du berceau jusqu’à la tombe », il faut saluer l’ambition maintenue pendant des décennies par une entreprise pour son club de football devenu objet de culte populaire, qui fait dire à un supporter dans le cadre d’un article du journal So Foot daté du 12 juillet dernier que le « FC Sochaux est un véritable ciment social » pour sa région.

La vente du FC Sochaux à des capitaux chinois ou une illustration de la déchéance du capitalisme familial français

Le FC Sochaux-Montbéliard a animé les week-ends de nos grand-parents, de nos parents et même les nôtres pendant près de 90 ans, dans les journaux, à la radio et à la télévision.

Au cours de ses 66 saisons dans l’élite du football français (seuls trois autres clubs font mieux), comme lors de ses 19 saisons en seconde division, lors des années fastes de Peugeot comme lors des “plans sociaux” de PSA Peugeot-Citroën, les supporters sochaliens sont restés fidèles à leur club et leurs couleurs.

Alors qu’au fil des générations, le FC Sochaux-Montbéliard restait le patrimoine de ceux qui n’en avaient pas, il devenait pour les héritiers de Jean-Pierre Peugeot un actif comme les autres ; et même un actif moins rentable et moins glamour que les autres. Lisez plutôt les mots d’Isabel Salas Mendez, responsable des partenariats du groupe Peugeot, en mai 2019 au micro d’Europe 1 : « Le football est un sport qui ne va pas trop avec nos valeurs. Il véhicule des valeurs populaires et nous, on essaie de monter en gamme. »

C’est par ce mépris de classe décomplexé que Peugeot, qui s’excusa peu après par l’intermédiaire du directeur de la marque, justifia la vente du FC Sochaux-Montbéliard à des investisseurs chinois, le groupe Ledus, à l’été 2015.

Ce mépris pour son histoire, ce mépris pour ses salariés, ce mépris pour les territoires industriels sont le symbole d’un capitalisme qui a définitivement perdu tout ancrage, toute boussole, toute valeur, toute commune décence.

Le FC Sochaux-Montbéliard n’est pas tant la victime de Ledus ou de Nenking (actuel groupe chinois propriétaire du club) et de ses dirigeants ou représentants incompétents, il est la nouvelle victime d’un capitalisme auparavant familial, aujourd’hui sans frontières ni repères.

Sochaux vivra grâce à l’actionnariat populaire et aux forces vives de son territoire !

Si les investissements étrangers dans des clubs européens « importants » (Chelsea, Manchester City, ou le Paris SG pour ne prendre que ces exemples) ont pu connaître quelques réussites du point de vue sportif, à coups de milliards d’euros dépensés sur plusieurs années, toutes les expériences dans des clubs français plus « modestes » (de Sochaux à Bordeaux, de Sedan à Nancy) ont été un échec total, autant sportif qu’humain.

Le modèle du capitalisme mondialisé est une impasse pour le football français et le modèle de la multi-propriété (exemples de Strasbourg, Troyes, Toulouse ou Nice dont les propriétaires possèdent d’autres clubs de taille plus « importante ») ne peut pas être non plus la solution pour nos clubs historiques ancrés sur leurs territoires. Il est même un très grand danger pour ces clubs comme pour le football français.

Nous faisons nôtre les mots de l’association Sociochaux, qui appelle à reconstruire sur des bases solides en s’appuyant sur toutes les forces du territoire : collectivités, entreprises, anciens joueurs et supporters ; et qui demande la création d’une société coopérative d'intérêt collectif (SCIC).

La solution c’est l’actionnariat populaire comme l’a prouvé le SC Bastia !

En 2017, le SC Bastia a été contraint de déposer le bilan. Pour sauver le club, tous les acteurs locaux (supporters, collectivités, entreprises locales) se sont mis autour d'une table et cela a permis de créer une SCIC qui a repris le SC Bastia. Ce statut coopératif était inédit dans le domaine du football et a permis d’associer les acteurs locaux impliqués dans la gouvernance du club.

La SCIC n’est pas une fin en soi, mais c’est un outil qui permet d’affirmer un intérêt collectif sous forme de projet de territoire, en associant les collectivités (même modestement), les petites et moyennes entreprises du territoire (sans être une SCIC, l’actionnariat de l’EA Guingamp est composé depuis des années de PME, et c’est une réussite), éventuellement un actionnaire plus important (cela peut être un « mécène » supporter du club ou une grande entreprise qui ne souhaite plus gérer directement un club, comme aurait pu l’être Romain Peugeot) et surtout les supporters.

Avec l’actionnariat populaire, les supporters ne revendiquent pas l’autogestion mais la codétermination. Et en prouvant que ça fonctionne pour un club de foot, nous proposerons la codétermination à l’ensemble des entreprises du pays !

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