L’accord UE-Tunisie : hypocrisie européenne, déni du droit international

– Jeudi 20 juillet 2023

Dylan Boutiflat, secrétaire national aux Relations internationales

Sylvie Guillaume, députée européenne

Lors d’une conférence de presse le 11 juin, la présidente de la commission européenne Ursula Von der Leyen, ainsi que les premiers ministres néerlandais et italien ont annoncé dans le cadre du mémorandum d’entente avec la Tunisie, une aide de 675 millions d’euros à la Tunisie, dont 150 millions d’appui budgétaire direct, et 105 millions alloués à « la gestion des migrations ». L’accord a été finalisé, puis annoncé le 16 juillet lors d’un déplacement des trois dirigeants européens à Tunis.

Par la volonté de ces trois dirigeants de droite, l’UE renouvelle des politiques nauséabondes de fermeture des frontières, au prix d'un soutien affiché à un régime qui s’éloigne chaque jour plus des fondements démocratiques sur lesquels le pays s’appuyait depuis les printemps arabes. En soutenant ouvertement le président Kais Said et sans conditions autres que des réformes économiques, la droite européenne, qu’elle soit libérale, conservatrice, ou nationaliste, instrumentalise la souffrance des demandeurs d’asile à des fins sordides de gains politiques.

En effet, rien ne justifie les mesures draconiennes aux frontières que la Commission et le Conseil semblent appeler de leurs vœux de la part du président Saïd, le total des arrivées de demandeurs d’asile restant stable depuis plusieurs années. Seul le refus des droites européennes de réformer le système de Dublin, et de renforcer les sauvetages en mer, empêchent la conduite d'une politique migratoire à visage humain. De surcroît, le texte de l’accord bafoue le droit international, entérinant la position tunisienne de « ne pas être pays d'installation de migrants en situation irrégulière ». Or, la convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés autorise toute personne en danger à faire une demande d’asile. Bien que les membres de l’Union européenne comme la Tunisie soient signataires de la convention, le texte de l’accord ne mentionne que le retour de « migrants irréguliers », niant le droit fondamental à la demande d’asile.

A un an des élections européennes, c’est donc à des fins purement politiciennes que les droites européennes unies dans le déni de nos valeurs fondamentales se livrent à cet exercice de communication politique dans le mépris de toute dignité humaine, pendant que des centaines de demandeurs d’asile sont expulsés en plein désert par les autorités tunisiennes, sans eau, aide, ou espoir de survie. Dans le plus grand cynisme, la présidente Von Der Leyen a déclaré que l’accord serait « un modèle » pour les accords migratoires futurs, visant des partenariats similaires avec l’Égypte et le Maroc, et les ministres de l’intérieur français et allemand ont fait le voyage à Tunis à la suite des dirigeants européens, le dimanche 18 juillet. Là encore, aucune mention de la demande d’asile, au profit d’un récit sur l’immigration économique profitant à l’Europe.

A l’heure où la planète s’embrase par les conséquences des changements climatique issus de la société industrielle, notre responsabilité est de prendre part à l’effort de soutien aux populations déplacées de force, comme l’indique le pacte international pour les migrations sûres de 2018, et la convention de 1951 sur le droit d’asile. L’Union européenne doit revoir les accords passés avec ses voisins à la lumière de ses engagements démocratiques et d’une volonté politique de contribuer à soutenir les victimes de déplacement forcé. L'Union européenne doit également renforcer la solidarité entre ses États membres afin de répartir les arrivées de personnes en demande d’asile et de promouvoir une inclusion à l’échelle de l’Union, respectueuse des personnes et des parcours de déplacement, souvent profondément traumatisants.

Le Parti socialiste soutient les députés européens s’opposant à l’accord avec la Tunisie et demande aux dirigeants européens réunis au Conseil de l’abroger, ainsi que de renforcer ses engagements en matière de réinstallation et d’inclusion des personnes réfugiées. C’est en effet par une telle politique, plus juste et plus efficace, que l’Europe saura défendre ses valeurs et sa sécurité, et non par le financement de politiques répressives en soutenant des régimes dictatoriaux aux portes de l’Europe.

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