Thème : Jeunesse
Nous grandissons et apprenons le monde dans un moment où il est profondément malade. Un sentiment de fatalisme nous habite parfois face aux obstacles de plus en plus insurmontables pour intégrer les lycées et études de notre choix ; un déterminisme social qui se renforce et nous humilie quand nous voulons le combattre ; ne pas pouvoir manger à sa faim tous les jours car il faut choisir entre se loger, se déplacer et se nourrir ; les discriminations, le racisme et les LGBTphobies qui continuent de nourrir des actes de violences sans qu’ils ne soient justement punis. « C’est dur d’avoir 20 ans en 2020 », on ne va pas mentir, on a connu bien mieux.
Les digues qui protègent notre démocratie ont cédé : pour la première fois, 89 députés appartenant à des partis d’extrême-droite, ceux qui n’apporteront que des divisions avec leurs idéologies nauséabondes et fascisantes, viennent d’entrer à l’Assemblée nationale. Alors, oui, plus que toujours, la jeunesse emmerde le Rassemblement National.
Compter sur ceux qui sont au pouvoir depuis 5 ans pour nous protéger, ceux qui revendiquent leur efficacité d’agir au moyen d’une dépolitisation volontaire de tout ce qui passe entre leurs mains, est sans espoir. Leur projet libéral incontrôlé et leur capitalisme décomplexé ne font qu’aggraver les inégalités et les discriminations sans jamais les résoudre.
Quelle méthode ? Face à ce constat, deux choix s’offrent à nous. Ne rien faire ou décider de changer collectivement les règles de ce scénario qui ne nous convient pas, aux côtés des forces vives que sont les corps intermédiaires, les syndicats, les associations, les mouvements civiques, et les mouvements de jeunesse.
La gauche dans tout ça ? Parce qu’elle est sociale, écologiste, humaniste, porteuse d’un projet de transformation positive de la société et de lutte contre toutes les inégalités, notre gauche doit à nouveau répondre aux voix de cette jeunesse qui a été trop longtemps ignorée.
Notre gauche, le Parti socialiste, a le devoir d’être un remède efficace pour combattre la crise des corps intermédiaires et des organisations de jeunesse pour recréer, une convergence stratégique des luttes.
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Les jeunes, principaux oubliés des luttes du socialisme ?
Parmi toutes les leçons à retenir des dernières séquences électorales, l’une est que notre Parti, depuis le sentiment d’un quinquennat raté, semble avoir éprouvé des difficultés pour se remettre à travailler. Nous n’avons pas su convaincre et mobiliser les Français, et peut-être même que nous ne connaissons plus la méthode pour le faire. La jeunesse, les quartiers populaires, les territoires ruraux, les plus précaires nous ont envoyé un signal fort : « Vous n’êtes plus indispensables ». Parce que nous agissons concrètement et chaque jour pour casser les fractures sociales, économiques et territoriales, avec l’ensemble des acteurs de nos écosystèmes, mandat après mandat, ce constat nous engage d’autant plus.
Si nous constatons un phénomène d’abstention qui progresse élection après élection, notamment parmi les plus jeunes et les catégories modestes et populaires, ne laissons pas certains nous rabâcher, à nous, jeunes, notre désintérêt complet pour la politique et la société. Qui pourrait dire que nous ne nous intéressons pas au réchauffement climatique, aux inégalités socio-économiques, aux violences sexuelles, sexistes et conjugales, au génocide des Ouïghours, ou encore aux discriminations ? Ce sont là autant de phénomènes et de causes sur lesquelles, collectivement, nous avons travaillé et traduit dans des formes d’engagements, d’informations et de mobilisations, avant même qu’elles ne soient récupérées par les instances politiques. Ces causes, jusqu’à une période assez récente, n’ont plus trouvé suffisamment d’écho et de relais dans nos organisations politiques et syndicales, impuissantes, et trop occupées à des jeux de politique interne plutôt qu’à former et défendre des citoyens engagés et éclairés.
Les organisations de jeunesse, timidement transparentes dans leur fonctionnement démocratique, n’échappent pas à cette guerre intestine des clans. Posons-nous les bonnes questions. Pouvons-nous encore parler au nom des jeunes ? Nos modes d’actions traduisent-ils vraiment les revendications que les jeunes affichent ? Par ailleurs, nos organisations perçoivent-elles réellement leurs inquiétudes et leurs combats ? La gauche socialiste sera-t-elle de nouveau un jour capable d’accompagner les luttes étudiantes portées par les jeunes ?
Une perte d’action et de confiance dans un autre socialisme qu’est le syndicalisme
Si nos partis politiques n’ont pas su capter leur attention, les corps intermédiaires classiques ne font pas mieux. Sans refondation démocratique majeure permettant de renouer un lien de confiance entre représentants et représentés, fort reste à parier que la légitimité des décisions et choix pris par les partis, mouvements et corps intermédiaires sera toujours contestée.
Les mouvements des travailleurs sont à l’origine de nombre de nos acquis sociaux. Parce que les syndicats ont lutté dans la rue et été entendus par la gauche, nous pouvons avoir droit à des congés payés, une réduction du temps de travail et l’existence de conventions collectives. Elle est le fruit de longues séquences de travail, d’arbitrage et de négociations pour que personne ne soit laissé-pour-compte et que les intérêts de tous soient exprimés et intégrés. Syndicats et partis de gauche sont donc capables de belles victoires quand ils sont unis. Nous l’avons prouvé en 1995 avec l’abandon de la réforme des régimes de retraites et de sécurité sociale alors portée par la droite. A l’aube d’une nouvelle réforme des retraites, il est l’heure de nous unir pour la refuser, ensemble, et proposer un modèle, qui à l’inverse, sera équitable, social et pérenne.
Aujourd’hui, seulement 10% des travailleurs français adhèrent à un syndicat. Un chiffre extrêmement bas quand nous savons que ce taux dépasse 70% à 80% dans plusieurs États d’Europe. Les ressorts de l’abstention électorale s’appliquent également à la syndicalisation, pour n’en citer quelques-uns : critique du principe, de la visibilité et de l’utilité des syndicats, à l’encontre de son personnel, ou du répertoire d’actions collectives.
Réhabilitons nos syndicats et corps intermédiaires. La gauche a besoin des syndicats autant que les syndicats ont besoin de la gauche.
Le militantisme socialiste doit être pluriel et ne doit plus se restreindre uniquement à une appartenance partisane. Cette multi-appartenance était autrefois consacrée par les statuts du Parti, et était obligatoire. Désormais, cela n’est plus qu’encouragé, et devrait, selon nous, redevenir obligatoire.
Changeons de méthode. Enrichissons les propositions et débattons-en. Les partis doivent venir en soutien aux luttes, porter ces combats dans les arènes que sont le Parlement français ainsi que les institutions européennes, mais ne doivent en aucun cas se substituer aux corps intermédiaires et à leurs manifestations. Si l’urgence et l’impératif d’agir nous pressent, il nous revient d’abord de leur faire confiance et de leur rendre la place et la légitimité qui est la leur.
Il nous faut donc encourager le syndicalisme avec les moyens matériels et institutionnels nécessaires. Redonner du pouvoir aux négociations collectives et au paritarisme, en se positionnant pour la cogestion, un modèle où actionnaires et salariés sont présents à parts égales dans les conseils d’administration des grandes entreprises, permettant de relancer le syndicalisme et le dialogue social. Ouvrir la réflexion sur le droit syndical interprofessionnel, la rénovation de la représentativité et sur le respect des élections professionnelles et de la citoyenneté économique et sociale. Laisser les syndicats maîtres de l’organisation des manifestations et de leurs agendas. Accompagnons-les pour la protection et l’amélioration de la vie des travailleurs et de ceux qui les entourent.
Refondons les Jeunes Socialistes !
Plus que tout, refondons le souffle de nos organisations politiques et mouvements partisans de jeunesse vers les attentes et besoins rencontrés par les jeunes : allons dans les lycées généraux, technologiques, professionnels et agricoles, les universités, les entreprises pour entendre ce que la jeunesse a envie de nous dire.
Mais pour cela, les Jeunesses socialistes ont besoin d’une autonomie de statut car l’autonomie donne avant tout les moyens d’une expression revendicatrice générationnelle forte. Pour célébrer les 10 ans de l’autonomie du MJS, Patrick Bloche rappelait qu’il fallait « oublier le temps où le MJS n’était qu’un secteur du Parti Socialiste (…). Les jeunes socialistes font bouger les lignes (…), grâce à l’autonomie ». Il ne suffit pas de décréter une autonomie pour qu’elle se réalise effectivement. La véritable autonomie, c’est celle qui se met en œuvre grâce à des élections ouvertes, transparentes et équitables, au cours desquelles nous devons confronter des projets et des convictions politiques avant d’en faire la synthèse : agir ensemble pour une transformation sociale positive et la conquête de nouveaux droits justes et égalitaires avec une méthode. C’est la condition nécessaire qui nous fera redevenir un partenaire critique et crédible de notre propre parti.
Redevenons une organisation ouverte où notre force réside à mener en notre sein un travail approfondi de réflexion, de confrontation des idées en permettant à l’ensemble des militants d’en être des acteurs. Obligeons-nous à rendre ces discours audibles et accessibles à tous, afin de fédérer le plus largement possible.
Rétablissons un nouveau format d’information, comme le Temps des conquêtes l’a été, pour que tous les militants puissent être informés et en capacité de restituer les propositions du mouvement.
Organisons une fois par an des Conventions Nationales thématiques pour clarifier notre
position sur un sujet donné, après un temps d’échanges et de débats.
Restaurons une formation des jeunes militants, en leur offrant les clés de lecture nécessaires pour mieux appréhender et participer à des débats. Multiplions les cadres de débat et de réflexion, s’en saisir pour améliorer la formation de l’ensemble des jeunes ainsi que leur information, et nous permettre de redevenir une force de propositions.
A l’heure où la gauche est de nouveau plurielle, discutons avec les jeunesses de gauches pour créer une « Maison Commune de la Jeune Gauche ». Un lieu de débats, de concertations et d’initiatives regroupant les organes de jeunesse des mouvements politiques de la gauche démocratique et écologiste.
Ces refondations ne pourront pas se faire sans nos générations, ni contre les autres. Alors, revoilà le temps des conquêtes pour les jeunesses de gauche !
Les signataires :
Benharous Raphael (93), Bertrand Lea (34), Cabrol Arnaud (81), Certain Victor (Animateur Fédéral des JS 34), Claude Samuel (75), Cohen Maxime (Membre du Conseil National, 75), Dargère Lubin (42), Duhamel Maxime (75), Feldman Chanaël (75), Fléchelles Noah (75), Girard Ahlem (75), Girault Guillaume (Membre du BN des JS, 21), Guerand Simon (75), Henriot Leo (75), Hurlin Clément (57), IBALHAOUNE Yassamine (75), Lapeyre Margot (81), Laribi Rayane (75), Le Mené Quentin (Animateur Fédéral des JS 45, Secrétaire de section du Pithiverais), Mélinand Lucas (75), MIGEON Nicolas (75), Moinet Arthur (Délégué national à l’Europe du PS, Membre du BN des JS, secrétaire de section et BF, 44), Potenza Baptiste (SF des JS 32), Remy Timothée (51), Rogy Paul (Animateur Fédéral des JS 93), Rougeot Ferdinand (75), Seris Guillaume (Animateur Fédéral des JS 76), Texeira Oriane (75)