Les socialistes face aux bouleversements urbains des métropoles

Contribution thématique de « Debout Les Socialistes » Paris

« Les socialistes face aux bouleversements urbains des métropoles »

L’année 2022 restera, de mémoire de militant politique, la fin d’un cycle pour le Parti Socialiste, mais aussi le début d’un contexte national nouveau : Stagnation voire effondrement du socle de votants à gauche, montée sans cesse croissante de l’extrême-droite, conservatisme de plus en plus prégnant dans notre pays, crise climatique, guerre en Europe… La liste est longue, et ce sont autant de nouveaux problèmes auxquels les Socialistes vont devoir répondre, concrètement, de manière réaliste et réinventée.

Nous en sommes là : comment aller plus loin que ce que nos ainé-es ont fait ? Comment répondre aux nouveaux enjeux, urbains notamment ? Depuis ces 10 dernières années, nous observons dans nos villes des bouleversements majeurs. Ils sont l’objet de cette contribution. Nous appelons ici les Socialistes à prendre conscience de l’ampleur de ces nouvelles mutations urbaines, et formuler des réponses politiques claires, à la mesure de ces bouleversements profonds.

 

Le socialisme : Vecteur de nouvelles réponses face aux mutations urbaines

 Les nouveaux enjeux urbains sont devenus centraux en raison de la dynamique de métropolisation et même de «mégapolisation» contemporaine. Les Socialistes doivent désormais s’emparer pleinement du sujet urbain.

Nous proposons que le socialisme produise une réflexion neuve et globale sur l'urbanité, dans toutes ses dimensions. L'urbain, à côté du citoyen et du travailleur, doit être au centre de notre projet politique. Nous voulons une déclaration universelle des droits de l'urbain, avec droits opposables, qui concernera les normes de qualité de son logement, la commodité de ses déplacements, une offre de services publics égale quel que soit le territoire de l'agglomération où il vit, et notamment en matière d'éducation, une vie en sécurité, notamment en réinstaurant une police de proximité qui joue pleinement son rôle de pacification, et la végétalisation nécessaire des espaces urbains.

Par la coexistence rapprochée des peuples, des cultures, des croyances, des nationalités, sur des espaces urbains denses, la métropole offre dès aujourd'hui une vision de la civilisation mondiale du futur et des tensions qu'elle recèle. Comment continuer à donner sens à une communauté de destin avec cette diversité ? Ces enjeux sont particulièrement marqués à Paris, mais également dans nos métropoles régionales. Nous considérons que l'universalisme républicain reste une réponse pertinente parce que lui seul repose sur une vision de l'être humain selon laquelle toutes et tous sont

également dotés de droits naturels et de raison. Dans les grandes villes, c'est bien la laïcité qui nous préserve du communautarisme et permet le vivre ensemble, dans le respect des différences. Mais ces principes sont aujourd'hui contestés par les tenants du multiculturalisme et des revendications identitaires, au nom des mémoires traumatiques de minorités, de victimes du racisme ou de la domination coloniale.

Pour nous socialistes, il est indispensable et salutaire de comprendre ces expressions aujourd’hui pleinement affirmées, de reconnaître la souffrance de ceux qui n'avaient pas voix au chapitre, tout en réaffirmant l'universalisme républicain pour éviter les enfermements identitaires et la fragmentation de la société en communautés antagonistes qui saperaient le projet émancipateur d'une communauté de destin, porté par l'idéal républicain et socialiste. La mixité sociale des territoires urbains et à l'école, le retour d'une grande politique de la ville qui doit fédérer l'ensemble des politiques publiques sur les territoires urbains les plus sensibles, sont parmi les instruments à privilégier.

 

 

Des villes face au défi énergétique et climatique 

Depuis près d’un an, la donne énergétique européenne est bouleversée. Pour nos grandes villes aussi. Le gaz de ville a perdu son statut d’énergie « sûre », à coût modéré. La sécurité de son approvisionnement n’est plus assurée, l’éthique de nos approvisionnements est également questionnée. Le conflit ukrainien a précipité la fin programmée des énergies fossiles. La détresse climatique, elle, continue de s’accentuer partout. En quelques années, le double enjeu de la résilience climatique et du défi énergétique est devenu une véritable urgence à l’échelle de notre pays, et donc de ses métropoles.

Cette urgence que nous observons est tout d’abord une des conséquences directes du manque d’anticipation de « l’Etat stratège » sur les changements à l’œuvre aujourd’hui. Le plan de sobriété énergétique est ainsi devenu la rustine d’un Plan de transition énergétique inachevé depuis la COP21 en 2015. Cette absence de stratégie conduit à une conséquence très matérielle, à savoir les coupures d’électricité qui sont à prévoir pour cet hiver et leur misérable corolaire, les coupures de chauffages. La nécessité de faire évoluer le mix énergétique souffre par trop de n’avoir pas été suffisamment anticipée.

Il faut repenser notre modèle énergétique urbain, notamment grâce à une politique d’efficacité énergétique toujours plus ambitieuse. A l’échelle de nos grandes villes, les plans climat sont une première réponse politique locale.

A Paris par exemple, le plan climat de 2007 a été continuellement actualisé, pour viser une ville à neutralité carbone et avec 100% d’énergies renouvelables d’ici 2050. La volonté politique est là, mais les nouvelles urgences nous poussent maintenant, nous Socialistes, à être encore plus ambitieux, plus rapides. La sobriété énergétique ne répond pas à tout, de loin. Vécue dans sa stricte application comme un « déclassement énergétique » par une partie de la population, elle ne doit pas se transformer en précarité énergétique. La privation est une forme de pauvreté.

L’efficacité énergétique urbaine passe par l’intensification de l’isolation de nos bâtiments notamment, principaux consommateurs d’énergie en ville. Les compagnies de chauffage urbain dépendent encore trop du gaz, alors que la valorisation des déchets ménagers n’est pas optimale. Le développement de production électrique locale, solaire notamment, est également une clef pour accélérer cette transition énergétique urbaine.

Le transport urbain, lui, représente encore 20% des GES (pour Paris). Les mutations de la mobilité urbaine, la mise en place des ZFE sont eux aussi une réponse qu’il revient là encore aux socialistes d’accompagner avec un volontarisme politique intact.

 

Nouveaux consommateurs urbains, nouveaux travailleurs : L’uberisation des villes

 

Depuis ces dix dernières années, nos modes de consommation urbains changent radicalement. La politique de la ville du « quart d’heure » est concurrencée par la « ville des livreurs ». Le développement du numérique offre une liberté tous azimuts pour la création de nouveaux services, répondant, ou créant, une nouvelle demande : le besoin de ne pas se déplacer. Ce développement récent d’une consommation « instantanée » nous pose à nous socialistes la question d’une consommation raisonnée, de l’individualisation de nos interactions urbaines et de la numérisation du consommateur.

Les Darkstores ne sont pas assimilables aux commerces de proximité : Ils menacent le tissu commercial de nos quartiers. AirBnB fragilise nos offres touristiques traditionnelles, malgré les restrictions imposées dans plusieurs dizaines de villes françaises tout en accroissant la tension du marché locatif privé. L’ubérisation des services offre une grande souplesse aux nouveaux « entrepreneurs », mais l’impact sur nos emplois locaux, et la précarité qui en résulte est réelle et ne cesse de nous alerter.

Pour les socialistes, il y a là un enjeu de société : celui de la régulation d’un libéralisme qui s’invite et bouleverse notre quotidien comme nos modes de vie. Dans cet environnement en mutation constante, il est temps que les socialistes réaffirment leur rôle de régulateur et de défenseurs des conditions de travail. Le développement de nouveaux droits, de nouveaux modèles de travail est indispensable pour combattre un salariat à deux vitesses. Au-delà du sujet du « pouvoir d’achat » des consommateurs, c’est plus largement le « pouvoir de vivre » de chaque travailleur qui doit entrer dans notre réflexion.

Nous voulons faire de la lutte pour le pouvoir de vivre, essentiel dans nos villes, la pierre angulaire de nos futurs combats. C’est être là fidèle aux origines de l’idée socialiste, pour laquelle la dignité des classes laborieuses est une dimension essentielle.

 

Migrants et réfugiés : Urgences humaine, urgence urbaine

 

Avec le printemps arabe et les guerres civiles libyenne et syrienne, en 2011, nos grandes métropoles ont été témoins des soubresauts du monde : L’affaiblissement ou le renversement d’Etats du Mashreq et Maghreb a permis le développement irrépressible des réseaux de passeurs clandestins en Méditerranée, faisant miroiter à des populations, souvent jeunes, l’illusion d’un avenir facile dans nos grandes villes européennes.

Depuis 2015 et l’apparition des premiers campements d’exilés dans nos villes, les municipalités doivent faire face avec les moyens à leur disposition à un phénomène national et international nouveau, d’une ampleur inédite. Alors que l’Etat se dérobe de ses responsabilités, il faut apporter une réponse globale, claire, pérenne, à cette nouvelle urgence humaine et urbaine dont la gestion chaotique exaspère les Parisiennes et Parisiens qui voient leur quotidien perturbé.

Face à cette nouvelle forme de misère, l’Etat doit assumer pleinement ses responsabilités. Combien de temps encore l’Etat se dérobera-t-il à ses obligations en se défaussant sur les citoyens, les collectifs, les associations pour porter assistance aux personnes vulnérables ? La prise en charge des personnes vulnérables en détresse, par une mise à l’abri réelle, doit s’accompagner d’une politique migratoire claire, humaine mais respectueuse de l’Etat de droit, et en cohérence avec les valeurs de notre pays, pour assurer un véritable accueil et une protection des personnes migrantes tout au long de leur parcours et un accompagnement de tous.

Les fractures démocratiques de l’urbain

 

Alors que nos outils de communication ont explosé en quelques années, nous constatons paradoxalement un essoufflement de la démocratie participative. Elle tend à se réduire aux budgets participatifs, avec des micro-choix sans influence sur une véritable co-construction de la politique urbaine avec les principaux concernés, les habitantes et habitants de nos quartiers. La planification municipale doit ainsi être repensée, pour davantage encore co-construire avec la société civile, les conseils de quartiers, les usagers de la ville, et faire de la démocratie locale participative une réalité concrète.

L’outil numérique est un formidable vecteur d’information, mais il n’est pas adapté au débat démocratique. Discuter, échanger, écouter, se comprendre : Le ciment du vivre-ensemble et de la démocratie de nos quartiers se pétrit par des échanges réels, qu’il faut retrouver et revivifier. Il faut massivement réinvestir et revaloriser les assemblées locales, de quartier, de rues.

La brutalisation accrue de la vie politique tient pour beaucoup à l’instauration d’une culture de l’affrontement, sur les réseaux sociaux principalement. Nous devons revenir à une culture démocratique du réel, de la rencontre et de la différence, ancrée dans nos quartiers. Les grandes métropoles sont par ailleurs propices à un développement plus volontariste de l'égalité femmes hommes dans l'espace public.

De même, l’action métropolitaine doit être globale, ce qui implique une meilleure articulation entre Paris et la métropole, inclusive, prenant en compte toutes les parties prenantes afin de s’assurer de l’implication de tous les acteurs concernés, de long terme. Il faut simplifier le mille-feuille des agglomérations et retrouver une cohésion à l’échelle des métropoles.

 

Des métropoles européennes en interaction croissante 

 

La réflexion sur les transitions urbaines n’est pas complète si l’on ne prend pas en compte que les villes vivent de plus en plus en réseau. Dans un monde en interactions permanentes et avancées, elles ne sont plus seulement des centres qui gouvernent une portion du territoire, mais un écheveau complexe d’échanges ouverts. Chaque ville est désormais une porte ouverte sur le monde.

La première échelle est bien entendu l’Europe. Paris par exemple s’est inscrite très tôt dans les réflexions et les programmes d’ensemble existant sur le logement, la transition énergétique - avec la convention des maires pour le climat - ou les migrants par exemple. Ce volontarisme doit nous donner

l’ambition de faire de Paris la capitale européenne du progrès et de l'innovation solidaires.

 

Par leurs partenariats internationaux, leurs coopérations avec de très nombreuses villes européennes, nos métropoles ont une capacité d’influence sur les programmes européens, qui devrait faire l’objet d’une coordination accrue. Les normes ou les idées en Europe se diffusent très fortement, les réseaux de ville ont tout leur rôle à jouer.

Cet effort se poursuit au niveau mondial avec le réseau C40 des grandes villes pour le climat, dont Paris a exercé la présidence, et qui permet de mutualiser les initiatives au niveau mondial et de peser sur les négociations climatiques.

Paris et d’autres grandes villes françaises participent déjà institutionnellement à des réseaux de villes et métropoles qui font du mieux vivre ensemble un point d’ancrage commun, basé sur la discussion et non la radicalité, les échanges et non l’affrontement.

 

Un nouveau cycle socialiste

Les nouvelles urgences urbaines sont donc là, sous nos yeux, fruits de bouleversements récents mais profonds. Elles sont singulières car concentrent et amplifient bien des maux du pays. L’enjeu du renouveau socialiste est donc immense : Repenser, imaginer de nouvelles réponses politiques à ces problématiques inédites. L’idéal socialiste est bien une boussole, pourvu que nous nous ressaisissions de ses valeurs et de son essence : Le volontarisme politique.

Dans nos villes, nos concitoyennes et concitoyens font face tous les jours à des difficultés exacerbées, leurs trajectoires nous alertent : La vie chère, les inégalités sécuritaires, une mobilité en transformation, le déclin de la mixité sociale, un vivre ensemble et une démocratie locale dont il faut retrouver les clefs.

Par cette contribution, nous appelons l’ensemble des militantes et militants de notre parti à engager une véritable réflexion de fond sur l’urbain et ses enjeux spécifiques. Nous appelons nos camarades à prendre toute la mesure de ces urgences et de ces bouleversements des métropoles. Les socialistes doivent être au rendez-vous de ces nouvelles réalités.

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