Parcoursup : toujours plus d’angoisse, d’opacité et d’inégalités

– Vendredi 19 janvier 2024

Dans l’indifférence générale et en pleine polémique lancée par la Ministre de l’éducation nationale, la phase d’inscription et de formulation des vœux de Parcoursup débute le mercredi 17 janvier. Pourtant cette phase va déterminer l’avenir de milliers de nos lycéens. D’années en années, l’appréciation portée par les élèves et leurs familles à cette plateforme se dégrade. Les enquêtes réalisées font état d’une angoisse croissante et d’une érosion du sentiment de clarté, de fiabilité, de transparence, de justice, de rapidité.

Malgré les améliorations techniques apportées, Parcoursup n’a pas réussi à inspirer confiance et la raison tient au fait que le Gouvernement n’a toujours pas pris en considération les principales causes. La sélection par les capacités d’accueil liée à la pénurie de moyens des universités est un échec. Alors que l’augmentation démographique des années 2000 et le désir grandissant des bacheliers de poursuivre leurs études a conduit à un afflux d’étudiants, l’État n’a pas été à la hauteur de ce formidable élan : les budgets des universités ont stagné, l’ouverture de postes d’enseignants-chercheurs a diminué, le taux d’encadrement a continué de se dégrader, et les surfaces d’enseignement n’ont pas augmenté suffisamment. Aujourd’hui, avec la flambée des charges, la situation budgétaire critique des établissements universitaires impacte directement leurs missions et leur fonctionnement. Une plateforme, aussi fonctionnelle et ergonomique qu’elle soit, ne saurait gommer cette triste réalité. Et la réponse à cette insuffisance de moyens ne peut pas venir d’un enseignement supérieur privé, se développant sans aucun contrôle avec un essor inédit depuis le début des années 2010 et qui, de plus, a pu bénéficier d’une visibilité inédite grâce à Parcoursup.

En juin dernier, un rapport d’information du Sénat a pointé des modalités de classement des candidatures « trop opaques » qui donnent lieu à des pratiques très diverses. Or la demande d’une plus grande transparence, largement exprimée par les usagers de Parcoursup, est légitime : la transparence est, en effet, la garantie de la confiance dans le dispositif, donc de sa réussite. En n’y répondant pas, le gouvernement alimente l’anxiété, nuit à l’efficience de l’orientation, et surtout pénalise certaines catégories de jeunes notamment issus des milieux défavorisés. En définitive, Parcoursup contribue de manière manifeste à creuser les inégalités sociales dans l’accès à l’enseignement supérieur.

A titre d’exemple, la prise en compte ou non du lycée d’origine dans les paramètres de classement continue de faire débat. Cette pratique, jugée discriminatoire par le Défenseur des droits, ne fait à ce jour l’objet d’aucune régulation par le Ministère. Le critère de la « réputation » d’un lycée est vécu comme une assignation à résidence et renforce le phénomène d’évitement de la carte scolaire. Or malgré les alertes, le gouvernement n’a toujours pas les mesures pour clarifier les pratiques en définissant un critère objectif.

De même, Parcoursup amplifie les inégalités en matière d’orientation. Chacun sait que tous les élèves ne disposent pas du même capital de conseil et d’accompagnement. Le poids du milieu socio-culturel familial est une réalité. À ces inégalités sociales familiales viennent s’ajouter des inégalités dans la qualité et l’intensité du service d’accompagnement à l’orientation mis en place par les lycées. Ces lacunes et l’hétérogénéité du service public offert alimentent même l’essor d’un marché privé qui n’est pas acceptable.

Ces critiques dénoncées régulièrement n’ont pas eu à nouveau d’écho auprès du gouvernement. Si ce dernier avait été à l’écoute, il aurait dû :

  • rendre plus lisibles les parcours pour éclairer le choix d’orientation des lycéens sur chaque formation ;
  • exiger une communication transparente des critères retenus et des traitements algorythmiques ;
  • élaborer un vrai diagnostic des filières en tension pour avoir une réponse adaptée ;
  • tenir compte de manière spécifique des parcours issus des bacs professionnels, de la situation des boursiers et des candidats en reprise d’études ;
  • instaurer un service public d’accompagnement à l’orientation efficace, uniforme et juste.

Cette année encore, nos lycéens vivront au rythme d’une plateforme qui gère les flux. Or l’enjeu pour notre société est de permettre enfin à notre jeunesse de retrouver la possibilité d’un accès juste à l’enseignement supérieur. Il y a urgence…

Gulsen Yildirim, secrétaire nationale à l’Enseignement supérieur et de la recherche

Yannick Trigance, secrétaire national à l’École, au collège et au lycée

Alexane Riou, secrétaire nationale adjointe à l’Enseignement supérieur et de la recherche

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