Pour le retrait de la réforme Grandjean-Attal du lycée professionnel

– Mardi 12 décembre 2023

Nous apportons notre soutien aux enseignants, aux lycéens et aux parents mobilisés contre la réforme du lycée professionnel décidée par le chef de l’Etat et mise en œuvre par le ministre de l’Éducation nationale et la ministre déléguée à la formation et à l’enseignement professionnel.
 
Le gouvernement a d’abord dévalorisé le baccalauréat professionnel en rabotant le nombre d’heures d’enseignement pour les élèves de seconde et de première (respectivement 29 heures et 28 h 30 hebdomadaires de cours, au lieu de 30 heures). Désormais, c’est au tour de ceux de terminales de se voir amputer de 71 heures de cours. En tout, ce serait près de 6 semaines de cours en moins dans le temps du cursus. Ces décisions dégradent le contenu des enseignements pour des élèves qui, souvent issus de milieux défavorisés et en difficulté scolaire, en ont le plus besoin. Cette scolarité au rabais ne fait que les fragiliser un peu plus.
 
Au nom de quel principe républicain les lycéens de la voie professionnelle – majoritairement issus des milieux les plus modestes et souvent en difficultés scolaires – auraient-ils moins besoin des enseignements fondamentaux que leurs camarades des voies générale et technologique, alors même que ses enseignements fondamentaux ont pour vocation de permettre aux lycéens d’apprendre à penser, à devenir de futurs citoyens critiques et éclairés sur le monde dans lequel nous vivons ?

Si l’on peut saluer l’intégration d’options au cursus de la voie professionnelle – comme cela est le cas en voie générale et technologique – nous demandons que celles-ci donnent lieu à une évaluation nationale et soient prises en compte dans l’obtention du baccalauréat. Par ailleurs, nous souhaitons décorréler la mise en œuvre des options, et de tout autre dispositif, de la signature du Pacte enseignant qui ne ferait que créer des inégalités entre les établissements au détriment de la formation des lycéennes et des lycéens.

Cette réforme ne peut pas se mettre en place dans les conditions actuelles d’un manque de postes d’enseignants liés à la perte d’attractivité du métier. En 2023, sur 1 925 postes à pourvoir, 1 421 ont trouvé preneur. Dans l’ensemble, 28 % des places n’ont pas été pourvues, indique les syndicats. Sans ce travail de revalorisation des salaires et des carrières – et cela sans contrepartie de missions supplémentaires – la voie professionnelle sera de plus en plus évitée et deviendra un outil de recrutement au service de l’entreprise.

C’est aussi le cœur de la réforme. Rapprocher le lycée professionnel de l’entreprise avec un renforcement des périodes de stages et la promotion de l’apprentissage. Le message diffusé par le gouvernement est clair : l’entreprise forme mieux, elle insère mieux et se révélerait donc plus efficace que le lycée professionnel. Un discours séduisant mais qui passe sous silence une vision à moyen terme : l’apprentissage coûte cher (20 milliards d’argent public) et le taux d’abandon est élevé (plus de 20 %), sans évoquer les difficultés de reclassement de ces jeunes sur le marché du travail.

Les socialistes réaffirment que la devise libérale qui consiste à privilégier l’employabilité des lycéens dans le milieu de l’entreprise doit être stoppée. Ils demandent le maintien du statut scolaire des élèves, un rééquilibrage des contenus en faveur des enseignements fondamentaux et un système d’orientation qui ne soit plus subi mais choisi par les lycéens.

Avec la suppression de postes d’enseignant de Lycée Professionnel, la dégradation des conditions de travail ou l’abaissement de la qualité de la formation en diminuant les heures d’enseignants fondamentaux, nous assistons au démantèlement de l’enseignement professionnel.

Emmanuel Macron promet 100 % d’insertion et zéro décrocheur. Une opération de com qui a court terme peut faire illusion. Mais au-delà, elle va fragiliser davantage encore les jeunes d’une filière qui compte déjà le plus de décrocheurs. L’école de la République n’a pas à former une main d’œuvre, mais des citoyens. Il faut dès lors plutôt augmenter les temps d’enseignement que le temps en entreprise. C’est tout l’enjeu de la réforme du lycée professionnel à côté de laquelle est passée le gouvernement.

Yannick Trigance, secrétaire national à l'École, au Collège et au Lycée

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