Contribution thématique du Congrès de Villeurbanne 2021
Dans un monde en transition économique, écologique, sociétal, l’éducation et la formation doivent revenir au centre des politiques
Edgar Morin : « La pensée complexe aide à affronter l’erreur, l’illusion, l’incertitude et le risque ».
En 2020, avec 80% d’une classe d’âge qui ont le BAC et 42% qui parviennent au niveau licence, les indicateurs pourraient faire croire que les efforts en matière d’éducation ont été, pour l’essentiel, réalisés et que les enjeux aujourd’hui se cantonnent à entretenir un système éducatif et de formation qui répond pleinement aux objectifs.
Mais il existe d’autres indicateurs qui montrent une toute autre réalité : 1,9 million de jeunes de 15 à 29 ans ne sont ni en emploi, ni en formation ni en poursuite d’études : les fameux NEET (Not in Education, Employment or Training : ni étudiant, ni employé, ni stagiaire). 1,9 million de jeunes que notre système scolaire n’a pas su insérer dans la société. Et ce nombre est plutôt en progression depuis 10 ans.
D’autres indicateurs sont aussi alarmants : 30% des diplômés de CAP et 24% des bacheliers professionnels sont encore au chômage 3 ans après l’obtention de leur diplôme. L’avenir est bouché pour une proportion importante des jeunes aujourd’hui et notre système éducatif et de formation n’est plus en mesure de répondre aux promesses d’ascenseur social ou tout simplement d’intégration dans la société.
Or, dans une société toujours plus complexe et dans un contexte économique qui a besoin d’une main d’œuvre de plus en plus qualifiée, notre système de formation initiale et continue devrait permettre un large accès au savoir et à la culture et assurer un meilleur niveau de qualification pour tous et tout au long de la vie.
Les enjeux en matière d’Education sont majeurs.
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Former des jeunes et des moins jeunes capables d’évoluer et d’intégrer les nouvelles technologies et les nouveaux métiers, de se positionner dans une société qui évolue très vite, où le numérique, les délocalisations et les sauts technologiques questionnent l’organisation et la nature même du travail.
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Former des citoyens respectueux des valeurs fondamentales de la République, capables de comprendre leur environnement, de s’adapter aux bouleversements numériques, climatiques, sociétaux et d’avoir les outils pour être acteurs dans les espaces démocratiques.
Les propositions présentées ci-après dessinent quelques axes de réforme qui pourraient répondre à ces 2 enjeux.
Former les citoyens : Démocratie et école
Alors que la parole des experts est questionnée, que l’engagement politique et citoyen est fragilisé, l’Education doit jouer un rôle important dans la promotion des valeurs civiques et du collectif.
Plus que jamais, l’Ecole doit être le lieu de la construction de la cohésion et du vivre ensemble, le creuset de notre société dans sa diversité dans sa variété, riche et exigeante. Elle doit être le lieu pour la formation de citoyens responsables, capables de discernement, ayant l’esprit critique et habilités à faire des choix fondés sur des valeurs démocratiques.
Il faut que les établissements scolaires soient des lieux où l’on fait un apprentissage des valeurs démocratiques alors qu’actuellement c'est en France où les jeunes trouvent qu'ils sont le moins écoutés dans leurs établissements scolaires.
Il faut que les établissements scolaires deviennent des lieux d’apprentissage du vivre ensemble, de la citoyenneté et de la co-éducation où les élèves sont acteurs de leur quotidien. Il faut introduire les débats, les espaces de discussion, la culture, dans tous les établissements scolaires.
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Organiser des espaces de discussion et de décision pour les élèves au sein de chaque établissement du secondaire.
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Proposer un budget annuel géré uniquement par les élèves et cela dès la 6ème pour la réalisation de projets ou d’investissements.
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Associer de manière très importante les élèves dans l’élaboration du règlement intérieur des collèges et des lycées.
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- Organiser des sessions de formation et d’information sur les instances existantes au sein des collèges et lycées et sur le rôle des élèves dans ces instances.
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Evaluer l’équipe de direction de chaque établissement du secondaire sur la qualité d’implication des élèves dans la vie démocratique de l’établissement.
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Développer une pédagogie de la solidarité entre élèves
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En favorisant l’entre-aide entre élèves
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En mettant en place par exemple un principe de ‘parrain’ comme cela existe dans l’enseignement supérieur.
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- Mettre en place les parcours laïques et citoyens pilotés par l’Education Nationale. Il s’agit de proposer des temps d’échanges, de discussion sur les questions de la laïcité et de la citoyenneté : conférences animées par des intervenants extérieurs, interventions de ‘grands témoins’, ateliers thématiques, ....
Former les citoyens : Promouvoir la mixité sociale dans tous les établissements scolaires
La question de la mixité sociale des établissements scolaires et des classes est centrale dans la réussite de tous les élèves. Elle est également centrale dans la construction d’une société plurielle.
Les établissements scolaires (collèges et dans une moindre mesure les lycées) les plus « ségrégués » se trouvent dans les grandes métropoles (contournement de la carte scolaire) et dans le rural.
Des mesures fortes doivent être mises en place pour favoriser la mixité sociale et amener des solutions pour que cette fracture territoriale , matérielle et sociale soit minimisée.
Il faut arrêter les politiques des réseaux d’éducation prioritaire qui stigmatisent les établissements scolaires sans leur donner plus de moyens voire même moins car les enseignants expérimentés n’y vont pas et ces établissements ont donc des équipes pédagogiques présentant un fort turn-over et composés essentiellement d’enseignants contractuels et de débutants. Il faut au contraire mettre des moyens supplémentaires pour organiser la mixité sociale dans les zones REP / REP+. Il n’y a pas de solution unique mais des expérimentations qui ont marché et qui peuvent être données en exemple pour aider la mise en œuvre d’autres politiques.
Pour cela, il faut créer un poste de secrétaire d’état délégué à la mixité scolaire et élaborer un plan national de la mixité sociale qui accompagne les collectivités territoriales dans la variété des solutions à mettre en place.
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Mise en place de secteurs multi établissements scolaires.
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Eviter le phénomène de ghettoïsation. Il faut fermer les collèges les plus ségrégués (100
collèges ont été recensés dans les quartiers très défavorisés et présentant un taux d’élèves défavorisés très élevés) et répartir les élèves dans des collèges dits à population favorisée comme cela a été fait en Haute-Garonne. Des aménagements (transports ,accompagnements associatifs) doivent être mis en place.
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Il faut limiter au maximum les collèges de moins de 200 (voire 300) élèves.
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Il faut développer les internats pour permettre aux élèves d’aller dans des collèges ou lycées loin de chez eux sans les contraindre à des déplacements journaliers trop fatigants.
Il faut créer un fonds de soutien national pour abonder ou cofinancer les projets artistiques et culturels, sportifs, .... menés par les collectivités territoriales (conseil départemental, métropole, conseil régional) au sein des collèges ou lycées. Ce cofinancement sera conditionné au niveau de la mixité sociale de chaque établissement et à celui des projets mis en place : les établissements avec un équilibre dans les catégories socioprofessionnelles (CSP) des familles ou avec des CSP défavorisées bénéficieront d’une aide financière plus importante.
Former les jeunes et les moins jeunes : Un plan ambitieux pour les étudiants
Après une augmentation de plus de 250 000 étudiants depuis 2013, ce sont 40 000 étudiants supplémentaires que l’enseignement supérieur a dû accueillir à la rentrée 2020. La question de l’ouverture de nouvelles formations courtes et longues et de nouvelles places dans les formations existantes est centrale. Mais il ne faut pas non plus oublier les questions du financement de leurs études : logement, nourriture, déplacements. Actuellement, 34% des étudiants doivent travailler avec un temps de travail supérieur au mi-temps, certains étudiants ne peuvent pas suivre la formation souhaitée faute de pouvoir financer leurs études (logement, déplacements).
Il est urgent de pouvoir donner la possibilité à tous les jeunes de poursuivre leurs études s’ils le souhaitent.
Revenu étudiants : Pour les jeunes de 18 à 25 ans, il devient impératif que l’état alloue un revenu de base, fixe, inconditionnel, équivalent à un RSA Jeune (actuellement : 565 €/mois).
Pour un étudiant qui se trouve dans cette classe d’âges, selon le revenu fiscal du foyer parental, ce revenu fixe pourrait être amélioré par une bourse et/ou une APL. Les emplois partiels et précaires occupés par les étudiants pourraient alors être transformés en emplois stables pour diminuer le chômage.
Plan logements étudiants : Le coût du logement constituant pour les étudiants la part la plus importante de leurs dépenses, l’Etat doit reprendre la construction de campus universitaires de qualité (internats pour les CFA et les lycéens). Ces dépenses seraient prises en compte dans les budgets d’investissement des Régions et financés par les livrets d’épargnes populaires. Ce fort investissement immobilier permettrait de proposer des logements adaptés à tous les étudiants et permettrait d’engager un processus de suppression progressive des APL.
Le capital éducation ou les droits à l’éducation. Cette proposition permettra d’assurer à tout le monde un certain nombre d’années de formation qui pourront être utilisées à n’importe quel moment du parcours professionnel (que ce soit en formation initiale ou en formation continue). Cela permettra de ne plus concevoir la formation sur un seul intervalle de temps mais au contraire d’envisager une alternance des temps de formation et de travail. Il s’agit là de proposer une égalité de droits à la formation (un même capital d’années de formation pour tous à consommer en une seule fois ou en plusieurs fois à tout moment du parcours professionnel).
Ce capital éducation sera attribué à tout jeune à partir de 16 ans. Il sera composé d’un nombre d’ECTS (Système Européen de Transfert et accumulation de Crédits) ou d’années de formation qui seront utilisables à tout moment. La mise en œuvre de ce capital Education implique également la mise en place d’un revenu « études » pendant ces temps de formation.
Une nouvelle gouvernance pour un autre modèle d’Ecole
Un pilotage des politiques publiques indépendant
Il faut repenser les politiques publiques de l’Education Nationale en laissant le temps aux réformes de se mettre en place dans la durée et en évaluant leurs impacts sur les résultats des élèves. Pour cela, il faut remettre en place le CNESCO tel qu’il avait été pensé par Vincent Peillon lors de la loi de refondation de l’école en 2014, c’est-à-dire avec des membres du Conseil qui sont réellement indépendants, des universitaires, des sociologues ayant une réelle démarche scientifique pour évaluer l’Ecole.
Des expérimentations existent dans de nombreux établissements scolaires mais ne sont pas maintenues quand l’équipe pédagogique qui les a mises en place disparait. Il est nécessaire de pouvoir référencer ces expérimentations, les évaluer, les partager : les changements et les réformes doivent aussi provenir du terrain.
Il est nécessaire de recréer un réel organisme indépendant et scientifique pour la gestion des programmes du premier et second degré et définir une durée minimale avant tout autre réforme (7 ans par exemple).
Enfin, il faudra faire en sorte que chaque ministre n’ait pas sa « grande réforme », interdire par la loi qu’un ministre interfère dans le domaine de la pédagogie : cela doit être le fruit sur le long terme d’un travail universitaire collaboratif (comme dans beaucoup de pays de l’OCDE).
Un budget pluriannuel et des moyens pour piloter les établissements
Concernant le budget, il doit en grande partie être pensé de manière pluriannuelle. Il faudra faire une loi de programmation pour le budget de l’éducation nationale. Les rectorats engageront ensuite, pour une durée de trois ans, une contractualisation avec les écoles, les établissements et les universités sur des objectifs précis. Ces derniers sauront alors avec certitude quels seront les moyens accordés pour les atteindre.
Cette modalité de financement pourra être basée sur un calcul de coût moyen par élève ou étudiant et sera considéré comme un budget plancher. Le budget sera ainsi plus lisible et garantira pendant cette période une stabilité des personnels et des moyens financiers pour réaliser un projet d’établissement ou un contrat d’objectif. On pourrait imaginer un contrat tripartite avec les collectivités de rattachements qui seraient volontaires.
Un engagement fort sur la formation initiale et continue des personnels d’enseignements et d’éducation
Depuis la fin des années 2010, nous assistons à chaque nouveau ministre à une réforme des instituts de formations des professeurs et des CPE (IUFM, puis ESPE, puis INSPE). Au-delà des changements de nom, il y a chaque fois un changement de stratégie de formation. Le recrutement passant de bac + 3 à bac +4 puis à bac +5.
Nous pensons que ces instituts de formation doivent assurer la formation de tous les personnels en lien avec les élèves : les animateurs du périscolaires, les enseignants, les CPE, les personnels de vie scolaire et les personnels d’encadrement. Cela permettrait d’avoir une culture commune et une même base de formation. Il faudrait développer le recrutement à bac +2 ou +3 afin de pré-professionnaliser le métier d’enseignant. Il faut également développer la formation continue car les élèves changent, de nouveaux outils comme le numérique doivent être intégrés dans la pédagogie et les enseignants doivent pouvoir bénéficier d’un accompagnement tout au long de leur carrière pour adapter leur pédagogie.
En formation, on doit pouvoir s’appuyer sur des recherches scientifiques dans le domaine de l’éducation, sur le partage d’expériences, sur l’observation de ses pairs sur le terrain.
Première signataire :
Hélène ROUCH, Membre titulaire du Conseil National, Secrétaire fédérale 31, militante active et engagée de l'Education
Signataires :
Jean-Philippe MONTEIL, Militant PS 31
Bernard RAULT, Secrétaire de section 31
Michel RIGAUD, Militant PS 31
Joel SPINAZE, Secrétaire de section 31
Dominique BIZAT, Conseil fédéral 46, Conseillère départementale, Maire de Saint Céré
Mehdi BENLAHCEN, Conseiller à l'Assemblée des Français de l'Étranger - Président du groupe d'union de la gauche à l'AFE, Membre du Conseil National complémentaire,
Olivier FOURNET, Conseil fédéral 82, conseiller municipal
Marielle ALARY, Secrétaire de section 46, Maire
Nicolas DAVEAU, Militant PS 31
André-Paul CAMILLERI, Conseil fédéral 31
Cécilia GONDARD, Première secrétaire fédérale, Secrétaire Nationale
Claudine LEPAGE, Sénatrice
Julien KLOTZ, Secrétaire fédéral 31, Conseiller départemental
Martine MARTINEL, Bureau fédéral 31, Ancienne parlementaire
Omri SCHWARTZ, Militant PS 31
Elise ROINEL, Militante PS 93, Formatrice
Jacques ROUSSE, Militant PS 31
Hervé HIRIGOYEN, Conseil fédéral 31, Délégué HES Toulouse-Occitanie
Tony COSTO, Conseil national, Secrétaire fédéral (66)
Guillaume DE ALMEIDA CHAVES, Secrétaire fédéral 31, Conseiller municipal
Andrée ARSEGUET, Membre de la CNC, Militante PS 31
Laurie MARSONI, Conseil fédéral 31
Mathilde COLDEBOEUF, Militante PS 31
Cédric ANDRIEU, Conseil fédéral 31
McCook Jean GABRIEL, Secrétaire de section 31
Laurence CASALIS, Conseil fédéral 31, Adjointe au maire
Fabien JOUVE, Membre titulaire du Conseil National, Secrétaire fédéral 31, Adjoint au maire
Suzy CANDIDO, Conseil fédéral 31
Dr. Moschovia KASKOURA-SCHULZ, Secrétaire fédérale FFE
Caroline VAUCHERE, Secrétaire fédérale 31, Adjointe au maire Colomiers
Salim KHALED, Militant 31,
Philippe LOISEAU, Secrétaire de section, Conseiller des Français de l'étranger, membre de l'Assemblée des Français de l'Étranger
Philippe GARBANI, Militant PS
François ROUSSEL, Conseiller des Français de l'étranger (Japon), Militant PS
Annie MICHEL, Conseillère des Français de l'étranger, Militant PS
Raphael MAZOYER, Secrétaire de section