Thème : Écologie
La nécessité vitale et l’urgence de ces changements rendent l’équation complexe et le défi terriblement difficile à relever ; c’est pourquoi il nous faut accompagner toutes ces transitions politiques, sociales, économiques, techniques, technologiques, logistiques, juridiques et organisationnelles par une transition culturelle. Celle-ci consiste à ré-imaginer avec bon sens et bienveillance tant notre rapport aux autres êtres, qu’ils soient humains ou non humains – en particulier à nos semblables vivant ailleurs sur la planète–, qu’aux générations à venir, celles de nos enfants et petits-enfants ; elle consiste à remettre des principes éthiques dans nos vies et dans les choix collectifs afin de co-construire enfin un monde durablement désirable ; elle consiste à repenser la notion de prospérité et à changer nos objectifs en tant que société, notamment en nous extrayant de l’addiction à la croissance ; elle consiste à sortir des délires de démesure pour agir de façon responsable, à dépasser nos ambitions puériles de toute-puissance pour embrasser des aspirations d’humble lucidité, à évoluer des carcans idéologiques vers une lecture plus clairvoyante du monde et de notre place en son sein, à transcender les obsessions destructives de concurrence et de compétitivité pour instaurer des dynamiques constructives de coopération et de solidarité ; elle consiste à accepter avec discernement l’existence de limites physiques aux activités humaines et à innover pour trouver les moyens de parvenir à un équilibre permettant une prospérité durable à l’intérieur de ces limites, en acceptant de considérer qu’il y a là une formidable opportunité d’expression pour la créativité et le génie humains.
C’est la croisée des chemins, le moment où il nous appartient de nous montrer à la hauteur du défi que nous avons hérité des premiers chapitres de l’Histoire.
La science présente beaucoup de danger, mais il faut lutter contre ces dangers non pas par moins de science mais par davantage de science, une science qui puisse aussi créer sa propre éthique. Jean D'Ormesson
MOBILISER LE SYSTÈME ÉDUCATIF DANS CETTE TRANSITION CULTURELLE
Promouvoir le développement par l’enseignement, depuis l’école primaire jusqu’aux études supérieures, d’aptitudes à vivre en équilibre avec son environnement et dans le respect du vivant. Pour ce faire, il s’agit de mettre l’accent sur :
∙ La connexion avec la nature, la familiarité avec les principes de l’écologie (finitude des ressources, diversité et interdépendance des espèces), la citoyenneté terrestre, le respect du vivant ∙ La non-violence et la résolution de conflits, la compréhension mutuelle entre individus, le débat constructif et la gestion féconde des désaccords, la connaissance des principes de travail coopératif en groupes multiculturels, l’interdisciplinarité, les méthodologies de gestion de projets et de communication, l’esprit de coopération plutôt que celui de compétition
∙ L’éthique, la responsabilité, l’ouverture d’esprit et la tolérance, la connaissance de soi, l’empathie, la solidarité, l’humilité et la tempérance plutôt que l’orgueil et la démesure
∙ L’aptitude à la remise en question, la capacité à apprendre et innover sous contraintes, l’aptitude à gérer l’incertitude et à naviguer dans l’incertain et l’inattendu
∙ La créativité, la pensée critique, la pensée latérale, la rigueur logique, la capacité à saisir les nuances conceptuelles et sémantiques
∙ Des savoir-être et des savoir-faire utiles : être psychologiquement résilient, produire soi-même une partie de sa nourriture, réparer et fabriquer de ses mains, comprendre ce qu’est l’énergie et son importance critique dans le fonctionnement du monde, maîtriser les gestes qui sauvent, organiser et animer un réseau…
« L’être humain est à la fois physique, biologique, psychique, culturel, social, historique. Cette unité complexe de la nature humaine est complètement désintégrée dans l’enseignement, à travers les disciplines, et il est devenu impossible d’apprendre ce que signifie être humain. Il faut la restaurer, de façon à ce que chacun, où qu’il soit, prenne connaissance et conscience à la fois de son identité complexe et de son identité commune avec tous les autres humains. Ainsi, la condition humaine devrait être un objet essentiel de tout enseignement. Le destin désormais planétaire du genre humain est une autre réalité clé ignorée par l’enseignement. La connaissance des développements de l’ère planétaire qui vont s’accroître dans le XXIe siècle et la reconnaissance de l’identité terrienne, qui sera de plus en plus indispensable pour chacun et pour tous, doivent devenir un des objets majeurs de l’enseignement. » Edgar Morin, Les sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur
FAIRE DE LA CONDITION ANIMALE UN ENJEU DE PREMIER PLAN ET UNE RÉELLE PRÉOCCUPATION POLITIQUE
La façon dont nous traitons les animaux est le reflet de la société dans laquelle nous vivons. Le respect ou l’indifférence que nous leur réservons sont à l’image de ceux que nous accordons à nos semblables.
Bien que souvent reléguée au rang des militantismes de second ordre, la question du traitement des animaux fait résonner chez nombre de gens un malaise éthique profond, ainsi que l’ont mis en relief depuis quelques années les vidéos tournées dans des abattoirs et les élevages. Le sujet compte désormais parmi les thèmes de société qu’un État se doit de traiter dignement.
Construire un avenir apaisé sera davantage à notre portée si nous reconnaissons notre responsabilité envers les animaux et cessons d’opposer les causes suivant une ligne de faille humain/non-humain abusive. Entre la lutte pour la condition humaine et celle pour la condition animale, il y a un continuum de convictions. Quand on s’indigne et se mobilise face aux oppressions et aux souffrances, l’intégrité morale dicte d’incorporer à ses luttes tous les animaux.
Par les propositions suivantes, tirées des travaux du Collectif citoyen pour une démocratie durable (CCDD), nous souhaitons ouvrir la voie d’une réinvention du rapport de l’homme à la nature et suggérer des logiques de production et de consommation aptes à alléger la pression excessive que l’humanité exerce sur le vivant.
« On peut juger de la grandeur d’une nation par la façon dont elle traite les animaux. » Gandhi « Tant qu’il y aura des abattoirs, il y aura des champs de bataille. » Léon Tolstoï
Repenser l’exploitation des animaux terrestres et aquatiques dans le secteur agroalimentaire, pour minimiser le mal-être infligé
Protéger efficacement l’animal dans le secteur agroalimentaire, afin de ne plus l’utiliser comme un produit ou un moyen auquel l’on pourrait faire subir n’importe quel traitement.
Considérer l’animal comme un être sensible à qui les activités doivent s’adapter, et non plus le contraire, et garantir son bien-être dans les conditions d’élevage.
Pour ce faire :
∙ Programmer la fin des élevages intensifs et/ou en batterie
∙ Réorienter les subventions vers les exploitations respectant de bonnes conditions d’élevage ∙ Bannir les pratiques cruelles
∙ Améliorer nettement les équipements obligatoires
∙ Systématiser les contrôles par des professionnels de la protection animale agréés.
Revoir et encadrer les conditions de transport des animaux d’élevage, de même que les méthodes d’abattage : obligation d’étourdissement avant la mise à mort, formation des professionnels de la filière, vidéosurveillance des chaînes d’abattage de bout en bout, avec accès aux vidéos pour des représentants du monde association spécialisé agréés par l’État.
Encadrer les techniques de pêche et de mise à mort en vigueur à bord des bateaux. Programmer l’interdiction des élevages intensifs en pisciculture.
Améliorer les méthodes d’élevage et de mise à mort des crustacés, mollusques et échinodermes, grands oubliés de la protection animale dont la science a démontré la sensibilité.
Consommer moins de produits animaux, et de meilleure qualité
Accompagner les professionnels de l’industrie agroalimentaire pour permettre un changement aussi rapide que possible de ce système – ce qui implique avant tout un changement des mentalités et des habitudes de production et de consommation. Les industries de production alimentaire, essentiellement organisées pour la course au profit, sont destructives, malsaines et moribondes du point de vue économique.
Lancer un programme de mise à jour des connaissances en sciences de la nutrition et de révision des recommandations officielles en matière de nutrition-diététique-santé, afin de reconnaître enfin le bien-fondé sanitaire des régimes contenant peu ou pas de produits animaux. Organiser une campagne de sensibilisation à destination du grand public et des professions de la restauration. Légiférer pour que la restauration collective propose une alternative végétale équilibrée à tous les repas.
Programmer l’interdiction de toute fourrure et soutenir la filière française de production de fourrures et cuirs synthétiques.
Mener une campagne d’information grand public concernant les produits pharmaceutiques, cosmétiques et nutraceutiques, pour minimiser la commercialisation de substances ne respectant pas les minimas de qualité, d’information consommateur ou d’éthique.
Pour tous les types de produits, concevoir et instaurer des étiquetages spécifiques ambitieux, dont l’objectif sera de renseigner le consommateur a minima sur la présence ou non de produits animaux, sur leur origine, sur les modes d’élevage et d’abattage utilisés.
Encadrer strictement le commerce des animaux domestiques ainsi que l’utilisation des animaux dans les cadres professionnels où ils interviennent
Encadrer le commerce des animaux domestiques : seuls les professionnels agréés pourront faire commerce des animaux, pour lesquels l’identification, la vaccination et la traçabilité de la provenance seront obligatoires.
Enregistrer tout achat.
Punir sévèrement toute maltraitance, et tout abandon.
Interdire la vente entre particuliers. Instaurer des sanctions alourdies pour les trafics.
Mettre en place une protection renforcée pour les animaux d’utilité et auxiliaires de travail (chiens de sécurité, animaux de trait, animaux utilisés pour l’aide à la personne).
Revoir la formation initiale dans tous les métiers concernés, et rendre obligatoire une formation complémentaire subventionnée pour les professionnels déjà en activité : cette formation portera sur les dimensions physiologiques, éthologiques, écologiques, légales et éthiques du travail avec des animaux.
Dans les loisirs et spectacles, repenser profondément l’utilisation d’animaux :
∙ Abolir la corrida
∙ Imposer aux cirques, fêtes foraines et spectacles d’assurer aux animaux des conditions de vie et de transport adaptées à leurs besoins physiques et éthologiques, sous peine d’interdiction ∙ Programmer la fermeture de tous les delphinariums et spectacles d’animaux aquatiques ∙ Reconvertir les zoos en parcs écologiques, qui accueilleront avant leur adoption ou leur réintroduction en milieu naturel les animaux issus de trafics, victimes de maltraitance ou légalement confisqués
Préserver les animaux sauvages
En finir avec certaines méthodes de chasse intolérables, encadrer la pratique pour en éliminer les dérives, et intégrer dans cette activité la prise en compte des équilibres environnementaux. Les techniques cynégétiques seront donc fortement contrôlées, certaines pratiques devenant interdites et d’autres sujettes à davantage d’obligations.
Scinder l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) en deux établissements publics séparés et indépendants : l’un chargé de la préservation de la faune sauvage et de l’environnement, l’autre de la gestion de la chasse.
Interdire immédiatement la chasse à courre, pratique cruelle.
Punir sévèrement tout braconnage, en bannissant toutes les tolérances actuellement constatées.
Encadrer la pratique de la pêche : les citoyens la pratiquant devront passer un examen incluant une conscientisation à la sensibilité des animaux aquatiques.
Mettre en œuvre une protection renforcée pour les espèces réintroduites (loup, ours, lynx...), qui seront inscrites sur la liste des espèces protégées et dont la mise à mort sera interdite. Une aide sera apportée aux éleveurs pour la mise en place de mesures préventives contre d’éventuelles attaques de troupeaux. On ne peut plus éradiquer la faune sauvage sous prétexte qu’elle menace nos activités, alors que ce sont nos activités qui ont réduit à néant l’espace vital de cette faune.
Abolir le statut d’espèce nuisible, en parallèle du développement de méthodes bienveillantes pour gérer les populations des espèces concernées, dans la nature comme en ville.
Reconsidérer l’approche générale de l’utilisation des animaux par la science, l’industrie et le monde universitaire
Promouvoir le développement des méthodes alternatives aux expérimentations animales et la sensibilisation à la condition animale et à l’éthique pour les médecins, vétérinaires et chercheurs.
Programmer l’interdiction des expériences animales dans la recherche fondamentale, et assurer l’application et le renforcement de la législation existante en matière d’expérimentation. Programmer
l’interdiction des expérimentations sur les animaux pour tous les produits cosmétiques, d’entretien et de consommation courante.
Dans l’éducation et la formation, mettre fin à l’utilisation d’animaux et développer les méthodes d’enseignement alternatives, sauf exceptions rares dûment justifiées où l’on pourra utiliser un nombre déterminé de cadavres issus de morts naturelles.
Instituer une « clause de conscience » pour les étudiants, enseignants et chercheurs qui refusent de pratiquer des expériences sur des animaux.
Offrir une sensibilisation systématique au monde animal, au rapport à l’animal, à l’éthique dans les programmes scolaires et pour tous les professionnels d’activités impliquant un travail, direct ou indirect, avec des animaux.
Former et sensibiliser les représentants des forces de l’ordre, les agents des services publics et les magistrats sur ces questions.
Approfondir la législation en matière de droits des animaux, incluant la question de leur statut juridique
Former les forces de l’ordre et les magistrats aux textes relatifs au droit des animaux (code civil, code pénal, code rural et de la pêche maritime, directives européennes) car, en dépit de la reconnaissance pour les animaux de la qualité « d’être sensible » par le code civil, leur situation n’évolue guère, tant ces textes sont mal connus et mal appliqués.
Reconnaître la personnalité juridique de certains animaux (modalités et périmètre à préciser avec des experts du sujet et des représentants du monde associatif spécialisé agréés par l’État).
Permettre aux associations de protection animale de se porter partie civile sur les articles du code rural et de la pêche maritime.
Développer la coopération internationale en matière de défense de l’animal et de la nature.
Premier signataire :
Mathieu GITTON secrétaire de section de Belgique