Thème : Cause animale
Organiser une transition vers un monde soutenable constitue le défi de notre temps, alors que nos flux d’énergie et de matières atteignent des ordres de grandeur incompatibles avec le maintien d’une biosphère stable. Cette transition requiert des changements profonds dans nos activités : une transition vers un modèle socioéconomique viable, des transitions énergétique et agricole éclairées, ambitieuses et immédiates, la réinvention complète de notre système de production et de consommation, le développement de nouveaux modèles d’affaires, de nouveaux services et de nouveaux usages, la définition de nouveaux cadres juridiques ainsi que la mise en place d’institutions adaptées aux contraintes de l’Anthropocène, cette nouvelle ère géologique marquant la prépondérance de l’influence humaine sur la Terre.
« Les problèmes posés par les préjugés raciaux reflètent à l’échelle humaine un problème beaucoup plus vaste et dont la solution est encore plus urgente : celui des rapports de l’homme avec les autres espèces vivantes. Le respect que nous souhaitons obtenir de l’homme envers ses semblables n’est qu’un cas particulier du respect qu’il faudrait ressentir pour toutes les formes de vie. » Claude Lévi-Strauss
REDÉFINIR ET INSTITUTIONNALISER LES « COMMUNS »
Doter notre République des institutions et méthodes de gouvernance compatibles avec la préservation et la mise en valeur des « biens » communs matériels ou immatériels, dits « Communs », biens fragiles et vitaux, ni publics ni privés, pouvant faire l’objet d’un usage privé mais seulement dans certaines limites pour prévenir leur dégradation préjudiciable pour tous.
Ce sont par exemple l’eau, les services écosystémiques en général, les infrastructures essentielles notamment pour les transports et la production d’énergie, mais aussi un environnement sain au sens large du terme, un climat stable, une nature biodiverse, les zones humides, un air sain, les services publics, l’accès à la santé et à une couverture santé universelle, des réseaux de communication incluant internet, l’accès à la culture et les « Communs de la connaissance » (cf. ci-dessous).
Rendre obligatoire la méthode participative de décision de type « conférence de consensus citoyen » pour tout ce qui relève des « Communs », afin de permettre leur gestion collective.
Permettre la détermination de la nature des « Commun » soit par l’autorité, soit par saisine de citoyens qui auront la possibilité de soumettre aux assemblées des contre-propositions argumentées, conformes à l’intérêt général, et de se faire représenter par des associations d’utilité publiques compétentes
Préconiser l’inscription de la préservation des « Communs » dans la Constitution. L’accès aux « Communs » pour tous doit être reconnu comme un droit fondamental.
Protéger les « Communs » des mécanismes des marchés financiers et des risques de captation privée en impliquant, dans leur protection et leur gestion démocratisée, les citoyens, les collectivités territoriales, l’État, les entreprises, les experts et le monde associatif.
Développer les « Communs » en réinventant notre rapport à la propriété : usages collectifs et coopératif des biens, tarifs régulés (coût partagé entre tous les utilisateurs), économie de
fonctionnalité, copropriété des outils et ustensiles du quotidien, organisation de systèmes d’échanges locaux (SEL) dans lesquels les gens échangent des biens et des services…
PROTÉGER LES « COMMUNS DE LA CONNAISSANCE »
Dans le domaine de la protection des « Communs de la connaissance », nous soutenons les 10 propositions du manifeste de SavoirsCom1 :
- Assurer la neutralité d’Internet
- Protéger les données personnelles
- Garantir l’accès libre aux publications scientifiques et aux données de la recherche 4. Développer une littératie des « Communs », c’est-à-dire un savoir lire et écrire dans une logique de savoirs et de connaissances partagés permettant le développement d’une culture numérique citoyenne
- Ouvrir les données publiques
- Utiliser les logiciels libres
- Rendre possible le partage non marchand d’œuvres protégées, avec des mécanismes de rémunération alternatifs pour les auteurs
- Encourager, préserver et soutenir par les politiques publiques le domaine public et les savoirs partagés
- Placer les « Communs » au cœur des modèles économiques de l’information 10. Favoriser la création et le développement des « Communs » sur les territoires
https://www.savoirscom1.info/manifeste-savoirscom1/
CRÉER DES INSTITUTIONS GARANTES DE LA PROTECTION DE L’AVENIR ET RÉVISER LE DROIT « ÉCOLOGIQUE »
Transformer le code de l’Environnement en code de l’Environnement et du Climat, pour incorporer systématiquement les enjeux climatiques.
Créer un ministère des Futurs souhaitables et une troisième chambre parlementaire chargée de conseiller les organes politiques dans les évolutions de notre société, en vue de sa préservation à long terme.
Renforcer les moyens des polices de l’environnement et remédier à leur morcellement.
Former et sensibiliser les représentants des forces de l’ordre, les agents des services publics et les magistrats sur les questions écologiques.
Reconnaître la notion criminelle d’écocide au niveau français. Le droit actuel n’impose pas à l’humanité d’aujourd’hui de garantir des droits à l’humanité de demain, dissociant les droits humains de ceux d’un environnement jugé extérieur. De plus, il n’est pas outillé pour contrer efficacement le pouvoir des entreprises multinationales et de la finance internationale, majoritairement responsables des dégradations des conditions de la vie sur Terre. Le droit doit donc s’universaliser autour d’une nouvelle valeur pivot, l’écosystème Terre, afin de défendre en justice le droit des écosystèmes à maintenir leurs cycles vitaux et le droit des générations futures à bénéficier de conditions d’existence dignes.
Proposer à l’Organisation des Nations unies la rédaction d’une Déclaration universelle des droits de la Terre et de l’humanité.
Amender le Statut de Rome, texte qui fonde et régit la Cour pénale internationale (CPI), afin que l’écocide soit considéré par le droit pénal international comme le cinquième crime international contre
la Paix, en complément des crimes de guerre, du génocide, des crimes contre l’humanité et du crime d’agression.
RÉVISER LES INDICATEURS DANS LE CADRE D’UNE RÉVISION DE LA HIÉRARCHIE DES PRIORITÉS NATIONALES, ET NOUS FIXER DE NOUVELLES AMBITIONS EN TANT QUE SOCIÉTÉ
Abandonner la quête obsessionnelle de la croissance du Produit Intérieur Brut (PIB), qui nous mène dans une impasse. Non seulement aucune des méthodes de relance de l’économie au sens classique du terme n’a donné de résultats probants depuis près de quarante ans, mais il est exclu de générer une croissance pérenne dans un monde fini dont nous dilapidons les ressources à une vitesse folle. Par ailleurs, cela fait longtemps qu’en France le maintien d’une croissance ne crée ni emplois, ni surplus de bien-être mais exacerbe au contraire les inégalités, qui sont source de mal-être et d’instabilité sociale. Il apparaît donc que poursuivre aveuglément cet objectif relève du mythe et de la croyance, dans tous les cas d’une pensée dogmatique et irrationnelle.
Repenser notre modèle économique, abandonner pour la comptabilité nationale le PIB comme la mesure première du progrès et promouvoir la notion de prospérité durable, qui dépasse largement la question du volume de l’économie.
Concevoir et adopter un tableau de bord d’indicateurs nationaux quantitatifs et qualitatifs couvrant l’économie et le social (notamment l’état des inégalités et de l’exclusion dans plusieurs domaines), l’écologie, la culture, le bien-être, la santé physique et mentale, la politique. Ces indicateurs, pertinents pour guider les transitions écologique, économique et sociale, seront illustratifs des valeurs qui animent notre projet de société, et permettront des politiques publiques plus responsables et moins focalisées sur le profit et la compétitivité.
Faire participer la société civile (associations et ONG, syndicats, citoyens tirés au sort) à la définition de ces nouveaux indicateurs.
Militer à Bruxelles pour que cette logique de comptabilité nationale se généralise dans l’Union européenne.
Étude sur les indicateurs, par la Fabrique Spinoza : https://www.fabriquespinoza.org/prod_observatoire/guide-du-pib-du-bonheur-les-determinants-du bonheur-citoyen/
PRENDRE EN COMPTE LES CONSÉQUENCES À LONG TERME DE TOUT PROJET DE LOI
Lors de la rédaction d’un projet de loi, intégrer :
∙ L’impact, au sens large, sur les générations futures (impact climatique, impact sur les ressources, impact social, impact économique…)
∙ L’impact sur le bien-être, le développement personnel et l’équilibre de la vie privée des individus ∙ Plus spécifiquement, l’impact sur la santé humaine, notamment l’espérance de vie en bonne santé
Au Royaume-Uni, lors de l’étude d’une loi, un protocole programmatique détermine quels groupes de la population sont susceptibles être affectés.
Ainsi, une série de mesures a été revue car, envisagée pour traiter le cas des grands buveurs, elle aurait eu un impact sur l’ensemble des clients des pubs, nuisant à la vie sociale ! En France, la loi n° 2015-411 du 13 avril 2015 visant à la prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse dans la définition des politiques publiques peine à s’imposer à des élites qui trouvent en général « farfelu » de s’intéresser à autre chose qu’au PIB...
REFONDRE LES MODÈLES MACROÉCONOMIQUES
Abandonner les modèles macroéconomiques actuellement utilisés au plus haut niveau, dans la mesure où ils font l’impasse sur les limites naturelles, sur la nécessité d’investir de l’énergie pour produire de l’énergie ainsi que sur les externalités négatives (c’est-à-dire les incidences destructives) engendrées, et où ils s’appuient sur une école de pensée dont les hypothèses sont en contradiction avec l’expérience du monde réel et le bon sens : concurrence pure et parfaite, rationalité absolue des agents économiques, évolution des marchés vers un état d’équilibre, substituabilité des différents facteurs de production (c’est-à-dire que les hommes, les outils de travail et les ressources naturelles sont considérés comme interchangeables)...
Connecter l’économie au monde physique avec ses contraintes de finitude et de bâtir les politiques publiques sur des bases rigoureuses, saines et pluridisciplinaires, en abandonnant les dogmes insensés qui nous mènent à la catastrophe.
Dénoncer fermement la supercherie que constitue la théorie économique prédominante, en démontrer les absurdités, les dérives idéologiques, la nature obscurantiste et les mécanismes de mystification des peuples qui découlent de l’application aveugle de ses préceptes. Soutenir le travail d’économistes intégrant dans leurs modèles les contraintes physiques et énergétiques du monde (Gaël Giraud, Alain Grandjean, Éloi Laurent, Christian de Perthuis…).
Œuvrer à l’introduction dans la pensée économique en vigueur au sein des institutions des approches d’économie écologique (prise en compte du capital naturel et des limites à son exploitation) et dénoncer la quête de croissance, même verte, l’obsession de compétitivité et la financiarisation du monde.
« La modélisation macroéconomique enseignée est incomplète. Elle en reste aux conventions économiques qui n’accordent aucun tarif aux "ressources naturelles" [...] dans la lignée de la pensée économique du début du XIXe siècle : en 1815, Jean-Baptiste Say, considéré comme le principal économiste classique, écrivait dans son Cours d’économie politique pratique : "Les ressources naturelles sont inépuisables car sans cela nous ne les obtiendrions pas gratuitement. Ne pouvant être ni multipliées, ni épuisées, elles ne sont pas l’objet des sciences économiques." Que l’économie délimite son domaine d’étude et développe des théories concernant des pans spécifiques du système ne serait pas problématique en soi si elle n’était ensuite utilisée pour définir et justifier les grands projets pour le monde réel. En plus de n’accorder aucun prix aux ressources, la modélisation classique ne valorise pas non plus les services écosystémiques sans lesquels le système serait pourtant voué à la panne sèche. » Arthur Keller, De la croissance à la soutenabilité forte
DÉVELOPPER DE NOUVEAUX MODÈLES D’AFFAIRES ET DE COMPTABILITÉ
Réunir, secteur par secteur, toutes les parties prenantes: services publics, citoyens tirés au sort, experts, associations spécialisées, syndicats, ainsi que les sociétés qui ont le plus gros impact écologique, pour faire évoluer les pratiques de l’amont à l’aval du secteur, en incluant distributeurs, acheteurs, marques, fabricants, transformateurs, courtiers et investisseurs — notamment dans les marchés des matières premières dont les modes d’exploitation sont destructifs: cela permettra d’avoir un important effet de levier auprès des quelques centaines d’entreprises qui font, à ce stade, la loi du marché et disposent d’un poids prépondérant dans l’empreinte écologique et sociale de leur secteur.
Promouvoir l’usage du Plan d’affaires durable (version élargie du traditionnel Business Plan) comme base de décision pour des investisseurs publics comme privés : ne plus jauger la crédibilité d’un projet à la seule aune de sa rentabilité économique anticipée, mais intégrer à l’évaluation des critères d’ordre écologique et social, dans une approche systémique.
Généraliser le recours au Plan d’affaires durable dans la commande publique.
Inclure les externalités environnementales, humaines et sociétales dans la comptabilité des services publics, et promouvoir la généralisation de la pratique dans le privé.
Premier signataire :
Mathieu GITTON secrétaire de section de Belgique